Youth : le crépuscule poétique de deux octogénaires

par
Partagez l'article !

Par Florence Yérémian – bscnews.fr / Youth est une oeuvre particulière. A mi-chemin entre un film d’auteur et une fable loufoque, elle invite le spectateur à se pencher sur les dérives de la vieillesse et du temps qui passe.

Partagez l'article !

L’histoire se déploie dans un sanatorium tranquillement niché au coeur des Alpes. Deux amis de longue date s’y retrouvent pour prendre du repos: d’un côté, il y a Fred Ballinger (Michael Caine), un compositeur stoïque qui a pris sa retraite à la mort de sa femme; de l’autre, gesticule Mick Boyle (Harvey Keitel), un réalisateur américain qui s’est entouré d’une équipe de jeunes scénaristes afin de confectionner son testament cinématographique. Malgré leur différence de caractères, une belle connivence se dégage de ce tandem d’octogénaires: tous deux sont au crépuscule de leur vie qu’ils toisent d’un oeil aigri et mélancolique. Qu’il s’agisse de leurs amours d’antan, de leurs problèmes de prostate ou d’improbables rêves à venir, Fred et Mick discutent de tout posément et se rassurent l’un l’autre en faisant preuve de beaucoup d’humour.
Tandis qu’ils devisent sur le sens de leur existence, l’on découvre autour d’eux une foule de personnages abracadabrants: au sein des murs aseptisés de leur luxueux sanatorium évoluent un acteur à la dérive déguisé en Hitler (Excellent Paul Dano), un moine tibétain qui tente de léviter, un sportif obèse ressemblant vaguement à Maradona, sans oublier un couple de vieux qui ne s’adressent pas le moindre mot et finissent par copuler frénétiquement au pied d’un arbre…
Ceux qui connaissent le cinéma de Sorrentino, ne s’étonneront nullement de ces bizarreries : le réalisateur italien a toujours adoré pétrir ses oeuvres d’une beauté aussi grotesque que poétique. Avec une volupté toute fellinienne, il s’amuse à superposer cyniquement de sublimes corps juvéniles à des chairs flétries: il en va ainsi de la fameuse scène où Miss univers (Madalina Ghenea) glisse son corps callipyge dans une piscine où pataugent béatement Mick et Fred au bord de l’infarctus! L’épisode est caustique mais il est si bien filmé qu’on se laisse séduire par l’esthétisme léché et outrancier de Sorrentino. Il en va de même pour tout le film qui nous happe d’avantage par la virtuosité de son image que par son sujet. Car il faut le dire: il ne se passe pas grand chose dans Youth mais les contrastes visuels sont saisissants, les paysages helvètes magnifiques et les dialogues d’une très grande finesse. Parallèlement a l’attendrissant duo formé par Michael Caine et Harvey Keitel, on savoure aussi la présence très glamour de Rachel Weisz: avec ses yeux de velours et son visage de madone, cette grande actrice britannique campe avec beaucoup de sensibilité la fille de Fred Ballinger. Soulignons également l’apparition fulgurante de Jane Fonda qui nous livre un personnage senior des plus loufoques. Pour faire preuve d’une telle autodérision, on se dit que la belle Jane a enfin du abandonner les cures de jouvence en comprenant qu’ici bas tout n’est que vanité…

Youth? Un film qui se contemple et s’apprécie intérieurement comme un massage aux huiles essentielles.

Youth (La Giovinezza)
un film réalisé par Paolo Sorrentino
Avec Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz, Paul Dano, Jane Fonda, Alex MacQueen, Paloma Faith, Luna Zimic Mijovic, Madalina Ghenea
2015
En salle actuellement

Lire aussi :

Seul sur Mars: un excellent film de science… et de fiction

Disneynature vous emmène au Royaume des Singes

The Program: Un « Tour de Lance » signé Stephen Frears

Mini Héros: Un nouveau documentaire 3D débarque à la Géode

L’odeur de la mandarine : une chevauchée élégante et sensuelle

Natür Therapy : une crise existentielle à la scandinave

No Escape : une montée d’adrénaline qui séduira le grand public

Martin Armstrong : Oracle de la finance ou manipulateur de génie ?

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à