Comme un avion: une comédie paisible et aérienne

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Par Florence Gopikian Yérémian – bscnews.fr/ Michel est un rêveur. Avec sa veste à la Mermoz et ses maquettes d’avions de l’aéropostale, il plane à longueur de temps sans que ses rêves ne dépassent les murs rassurants de son petit appartement. Un jour cependant, il fait l’acquisition d’un kayak. S’entraînant stupidement sur son toit, il n’ose pas se jeter à l’eau jusqu’à ce que sa femme l’y pousse. Commence alors une aventure fluviale des plus inattendues : parti pour rejoindre la mer comme un conquistador, Michel va se retrouver au coeur d’une agréable guinguette qu’il ne voudra bientôt plus quitter…

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Avec ce film champêtre et estival, Bruno Podalydès se fait plaisir et cela se sent. Entouré d’une troupe d’acteurs aussi sympathiques que fidèles, il s’est concocté un scénario paisible qu’il a tourné les pieds dans l’eau, sur les rives du Val de Loire. Endossant le rôle de Michel, Podalydès lui confère la puérilité et la paresse du baby boomer cinquantenaire. Enlisé dans une existence soporifique, son personnage flotte entre deux eaux sans plus trop savoir où aller : coincé entre un quotidien qui l’ennuie et un besoin d’ailleurs qui l’effraie, il ne fait que stagner passivement dans sa frustration. Heureusement pour lui, son épouse Rachelle est pleine de finesse et d’optimisme. Incarnée par la lumineuse Sandrine Kiberlain, elle semble pouvoir tout accepter de la vie sans jamais s’énerver. Aussi patiente que maternelle, elle laisse Michel jouer les adolescents et porte même un regard tendre à son égard lorsqu’elle le voit patauger avec la mollesse d’un opossum.
Comme la plupart des couples qui ont passé la cinquantaine, Rachelle et Michel n’ont plus grand chose à se dire mais ils éprouvent mutuellement une véritable estime. Si Rachel incite son mari à partir vers d’autres horizons c’est qu’elle sait pertinemment qu’ils ont tous les deux besoin d’espace et de liberté. Il en va de même pour Laetitia, la patronne de la guinguette: veuve mais joyeuse, elle est bien décidée à profiter de sa vie et des jours qui lui restent… Bien qu’il émane de ce film une grande légèreté, l’on sent que Bruno Podalydès se sert de la maturité de ces deux femmes pour poser un regard existentialiste sur l’amour et le temps qui passe. Avec sa caméra butinante, il s’amuse à promener les spectateurs au gré du courant et des sentiments. Son approche est calme, sereine mais jamais ennuyeuse car il fait preuve de beaucoup d’humour : entre la gaucherie de Michel et ses jeux de mots pathétiques, on s’amuse pas mal au fil de l’eau. Difficile de ne pas rire lorsque l’on voit ce grand enfant potasser le manuel des Castors Juniors ou défiler dans son salon avec son kayak en guise de crinoline. Et que dire de ses pitoyables prestations avec son ukulélé et sa tente Quechua qu’il n’arrive jamais à démonter!
Parallèlement à ces moments burlesques, Comme un avion est aussi une oeuvre teintée de poésie : il y a tout d’abord ces splendides paysages qui nous happent tout au long du film. A travers l’objectif lumineux de Bruno Podalydès, on savoure la fraicheur d’une rivière ou celle des sous-bois bucoliquement mis en scène sur un air de Bach. Par delà l’aspect visuel et esthétique, il y surtout la beauté poétique de ses protagonistes qui rayonnent dans leur simplicité: il en va ainsi de la jeune serveuse Mila (Vimala Pons) qui se met à pleurer dès que la pluie tombe, sans parler de la voluptueuse Laetitia (Agnès Jaoui), qui ressemble à un Renoir lorsqu’elle offre son corps ample et laiteux aux caresses de Michel.
Dans cette escale hors du temps, tout s’écoule aussi lentement que des gouttes d’absinthe sur un morceau de sucre… Si Pierre Arditi n’était pas là pour secouer ce petit monde, on finirait nous aussi par se la couler douce…

Comme un avion? Une parenthèse cinématographique qui donne envie de prendre le large.

Comme un avion
Un film de Bruno Podalydès
Avec Bruno Podalydès, Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui, Vimala Pons, Denis Podalydès, Michel Vuillermoz, Jean-Noël Brouté et Pierre Arditi
Sortie nationale: le 12 juin 2015

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