Le citronnier : une enquête poétique, à la recherche du père
Par Laurence Biava – bscnews.fr/ Son dernier livre Le citronnier, est une enquête poétique où la poète part à la recherche de son père, Francisco Barendson, décédé alors qu’elle n’avait que deux ans. Elle y décrit « des vides qu’elle cherche à combler au fil des pages, à coup de questions, de réminiscences vagues, de recherches, de rêveries ».En 1978, à 32 ans, disparaît Francisco Barendson à San Carlos de Bariloche, en Argentine, père de l’auteur, qui n’a alors que deux ans. Samantha, la narratrice du Citronnier, livre ce court texte autobiographique assez saisissant. Captivant, même. De paragraphes courts en paragraphe courts, ou en de courtes phrases, elle raconte son histoire, le passé, le présent, quelques bribes de souvenirs. C’est de cela qu’il s’agit : des bribes enroulées à son cou, à sa tête ou à son poignet d’enfant. Elle cherche, creuse, fouille, dissèque, reprend son histoire depuis le début du scénario ou plutôt depuis la fin, par le croquis de ce citronnier.
Le père est- il disparu ou décédé? Selon les contrées, le mot ne revêt pas le même sens. Et c’est cela qui est fascinant. Barendson tisse son court récit à partir de métaphores, de quelques anaphores ou équivoques. Cet homme a disparu dans une circonstance mystérieuse. Pas lors d’une guerre, pas lors de l’exercice de sa profession, pas en voyage. Mais il n’est plus. Toujours est- il qu’il n’est plus et qu’on remonte le cours du temps pour tenter de comprendre les images, les couleurs, les sons du temps, l’indicible aussi et les âges. Qui était cet homme ? Un héros ? Un prince en exil ? Le lecteur tâtonne avec l’auteur qui piste, investit, compose et décompose, puis recompose le puzzle de son histoire intime. Quelques silences, quelques plans séquences, quelques blancs s’imposent dans le récit comme pour en marquer la ponctuation. C’est comme un souffle, une respiration, il y a les photos retrouvées, indices en tant que tels qui disent et martèlent les ressemblances familiales. C’est déjà ça.
Et l’histoire de Samantha Barendson ressemble à une forme de procession. Chaque objet dépeint précède chaque visage, qui se superpose ou s’intercale. La silhouette improbable chaque fois décrite s’enfuit et les mots la retiennent..Ce qu’il reste de lui, ce père, si peu de choses. Vase et cendres. Et enfin le fameux citronnier du jardin de Recoleta dont on comprend le sens, un aller-retour avec le début du livre.
C’est une très belle quête de l’autre, de la figure du père que ce livre. L’écriture y prend tout son sens.. On aime le rythme et la maîtrise du texte étincelant, saisissant par son courage, sa force vive. A lire si ce n’est déjà fait.
Le citronnier – Editions Le pédalo Ivre – collection Poésie – 71 pages
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