Qui sont les enfants cachés ? : un essai de qualité sur la Shoah

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Par Laurence Biava – bscnews.fr/ En France, c’est grâce au discours du Président Jacques Chirac en juillet 1995, reconnaissant la responsabilité de la France dans la déportation des juifs, suivi de la mise en place de la commission Mattéoli et de la commission Drai, invitant les ayant droit, les orphelins de la Shoah, les survivants, à établir des dossiers auprès de la la commission d’indemnisation des victimes de spoliations, que nous avons entendu parler des Enfants cachés. Pour la première fois, cinquante ans après les faits.

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«Qui sont les enfants cachés» est un ouvrage collectif tiré d’une rencontre pluridisciplinaire entre grands témoins, anciens enfants cachés en France et en Belgique. Impossible de rester indifférents et insensibles à cet essai exceptionnel, si prégnant, si émouvant, mené sous la houlette de Nathalie Zajde. L’essai rassemble les articles d’anciens enfants cachés, de grands témoins, de chercheurs et d’écrivains ainsi que de spécialistes du traumatisme de la Shoah et des enfants dans la guerre et l’exil. L’auteur analyse un quart de siècle de travail «psy» avec les enfants cachés et, plus largement, avec des survivants de la Shoah. Elle invite à ouvrir en permanence le débat et à faire circuler l’expérience de chacun. Elle tente de comprendre le fonctionnement psychique lorsque les injonctions imposées à l’enfant étaient: «Ne sois plus toi si tu veux rester en vie. Être Juif c’est trop dangereux». Afin de survivre, il fallait se métamorphoser. Et, après la guerre, l’enfant devait se re-métamorphoser pour retrouver son identité. Doit on rappeler que l’« enfant caché » est un sujet qui, dans son enfance, a été caché pendant la Shoah pour échapper à l’extermination. Il a généralement été séparé de ses parents. Il a souvent dû renoncer à son identité juive durant la période de persécution meurtrière. Au lendemain de la guerre, il s’est souvent retrouvé l’un des rares survivants de sa famille et a de nouveau dû changer d’identité. N.Zajde soulève les conditions d’émergence d’une telle catégorie, lorsqu’elle en souligne la pertinence, lorsqu’elle rappelle les souffrances enfouies, lorsque ses pistes d’investigation la mènent droit vers l’analyse de la résilience ou l’exploration des réactions et comportements sociaux spécifiques. C’est un travail remarquable destiné à comprendre la réalité singulière de ces enfants, leurs trajectoires intérieures, et leurs existences confuses.
Une fois de plus, on goûtera sa rigueur, son travail de pédagogue, son ouverture d’esprit, et sa disponibilité permanente pour le débat, quand elle précise les orientations très vastes de cette étude. Tous les témoignages permettent de mieux entendre cette complexité et explique pourquoi ces enfants n’ont repris contact que très récemment avec les familles qui les avaient sauvés. Des décennies ont été nécessaires pour leur permettre de retrouver leur identité ainsi qu’une légitimité de vie. Zajde, riche de toutes ces expériences mêlées, dégage parfaitement les visées thérapeutiques de ces antécédents. Parce que la réflexion centrale qui se pose nous renvoie à cette question : Comment parler des enfants cachés et comment parler en tant qu’enfant caché ? «Enfant caché» est une suggestion tellement hybride. Quelques témoignages inscrits dans le livre m’ont particulièrement émue. Sans doute parce que ces personnes qui témoignent m’accompagnent dans mon propre cheminement littéraire, spirituel et intellectuel. Un mot et plusieurs pour le témoignage de l’enfant Serge Klarsfeld et le travail inlassable et exemplaire de l’Association des Fils et Filles des déportés juifs de France qui depuis les années 70 poursuivent une oeuvre d’histoire, de mémoire, et de cheminement vers la reconnaissance et une juste réparation des manques tragiques dont ont pâti les orphelins de la Shoah. Un mot et plusieurs pour le fils d’enfant et l’enfant François Heilbronn qui, par son double témoignage, celui relatif à sa trajectoire personnelle et également celui pour le rôle central, déterminant, viscéral et intrinsèque qu’occupe aujourd’hui le Mémorial de la Shoah, explique combien tous les enfants juifs survivants des persécutions en France, avaient besoin de ce lei de mémoire, véritable refuge. . Grâce au Mémorial, ils ont découvrent une partie de leur histoire, des noms, des photos, des objets… Un lent retour vers leur véritable Moi intrinsèque s’est amorcé. Un mot pour l’enfant Boris Cyrulnik, qui définit sa double démarche, son expérience personnelle, la mise en mots et en pensée d’une expérience plus vaste : celle qui renvoie à la culpabilité d’une nation toute entière, au phénomène de résilience, à cet effort permanent pour retrouver son droit aux existences, la sienne et celles de ses pairs dupliqués. Un mot pour l’enfant Tobie Natan, qui, grâce au bénéfice d’une double expérience, parvient à mieux comprendre le fonctionnement de enfants-soldats et à décrire plus précisément le morcellement des enfants cachés. Un mot pour Liliane Klein-Lieber qui a participé aux sauvetages et évoque une expérience bouleversante à Moissac. Un mot pour le grand travail de fiction de Carole Zalberg qui raconte le fil rouge de la souffrance et du morcellement identitaire qui circule toujours. Très grand livre pour la qualité des interventions englobant de vastes horizons. Merci aux scientifiques et aux intellectuels qui ont pris des risques dans la mesure où leurs propos les engageaient personnellement. Merci pour ce livre qui joue un rôle actif dans l’échange et la transmission du savoir sur la Shoah. Merci pour les générations futures. Merci au nom de tous nos enfants.

Qui sont les enfants cachés ? Sous la direction de Nathalie Zadje – 22,20 euros – 256 pages – Editions Odile Jacob.

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