Sophie Jabès : les trois âges de Camille Claudel
Par Laurence Biava – bscnews.fr/ Après plusieurs romans publiés, c’est la première publication de Sophie Jabès chez Lansman Editeur. Une pièce de théâtre pour fêter le 150ème anniversaire de la naissance de Camille Claudel le 8 décembre 2014. C’est au Lucernaire que Camille, Camille, Camille a été mis en scène pour la première fois par Marie Montegani, avec notamment Nathalie Boutefeu, Vanessa Fonte, Clémentine Yelnik. Trois Camille, deux actes et trois décors juxtaposés. Camille, Camille, Camille, récit de la rencontre de Camille jeune fille, juste avant son histoire d’amour fusionnel avec Rodin, avec la Camille de 40 ans, femme corpulente, juste avant son enfermement, et la Camille de 78 ans, femme édentée, juste avant sa mort. La plus âgée des trois veut prévenir les deux plus jeunes des dangers qu’elles encourent. Mais peut-on échapper à son destin ?
Œuvre de fiction et pièce de théâtre, ce petit livre est le texte de la pièce. Camille, Camille, Camille fait de la vie de Camille Claudel une tragédie dont le chœur antique nous livre les échos du destin de celle qui, en sculptant, réussit à se libérer du silence. On y découvre d’abord un atelier en chantier, un atelier avec des sculptures recouvertes de draps blancs, et plus tard, dans le texte, on comprend qu’un banc est installé dans une cour d’hôpital psychiatrique, qui sera remplacé tout à la fin de la pièce par un lit dans une chambre d’asile. Tout l’intérêt de cette œuvre de fiction réside en quelques points, là où elle trouve son apogée. L’écriture est crue et poétique.
– la pièce se situe entre la tragédie grecque (présence d’un chœur à l’antique) et l’introspection psychanalytique d’une femme d’exception.
– il est une épaisseur particulière du fait de la résonance biographique de Camille Claudel déclinée en trois dimensions humaines, l’élève de Rodin, l’artiste, et la femme internée.
– La sensualité explosive de Sophie Jabès est indéniable et le texte savoureux prolonge les bienfaits de son écriture, une véritable expérience charnelle.
– Il est fondamental de rendre hommage à Camille Claudel, une des premières femmes créatrices reconnues de manière posthume, comme le fait Jabès, en frayant le chemin vers l’exploration de tous ces combats de femmes, entières et engagées, En Camille Claudel, nous avons toutes trouvé une âme sœur.
La pièce aurait pu s’appeler « Camille en trois temps ». Elle évoque, comme dans Camille de François Ost, à la fois l’artiste et la femme aux prises avec une société qui ne veut lui reconnaître ni les mêmes droits que les hommes, ni le même talent. Cette collision dans le temps entre trois âges du personnage central est efficace et émouvante.
Camille, Camille, Camille – Lansman Editeur – 50 pages – 18 euros
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