L’inventaire des éventaires

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A bon emprunteur…
Au cinéma, on appelle cela des « remakes », parce qu’un label américain continue d’aiguillonner les cuistres.

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C’est l’intitulé malheureux d’une nouvelle collection proposant à des écrivains de happer, dans les grands classiques de la littérature, une œuvre à laquelle ils se sentent capables de donner une impulsion nouvelle, en s’autorisant « tous les déplacements, toutes les inventions », pourvu que le souvenir de l’original ne soit jamais perdu. Belfond, maître d’œuvre, a choisi des seconds couteaux pour escalader la face nord des massifs Flaubert, Jarry et Balzac. Le lecteur jugera s’il faut accueillir summa cum laude ou à coups de piolet les débuts d’une série caveat emptor.

« Ubu roi », par Nicole Caligaris ; « Le retour de Bouvard et Pécuchet », par Frédéric Berthet ; « Le Bonhomme Pons », par Bertrand Leclair. Aux éditions Belfond, 17 € le titre .

La France de tout en bas
Qui veut brocarder ses contemporains les observe à travers un ballon de rouge, au coin d’un zinc, au salon de l’agriculture de la Porte de Versailles ou au golf de Saint-Nom-La-Bretèche. Contrairement aux ethnologues ambulants, le Diogène en chambre prendra la mesure de l’époque en compulsant la Bible des « bons mots » collationnés par Jean-Marie Gourio. Il en recense 9.000, mais le corpus est en mouvement perpétuel, sous peine d’être cruellement demodé. C’est tantôt souriant, tantôt accablant, passant de Pécuchet façon Café de la Gare à Bouvard version RTL. Puis on peut toujours imaginer y corriger l’Histoire. Pour preuve, Gourio avait oublié la Guerre des Sans-Dents…
« Le Grand Café des Brèves de Comptoir », Jean-Marie Gourio, Points Seuil P3348, 9 €

La vie appâts comptés
Le titre n’annonce pas une version actualisée de « Cigarettes, whisky et petites pépées ». Il est une manière d’appât, autant que de tri préalable. Si vous êtes allergique à l’attente, aux murmures ou coups de sang des rivières, à l’amitié, aux battements de cœur de la nature, au plus secret de l’homme, aux confidences échangées autour d’un bivouac, ceci n’est pas pour vous. Ce parcours en 18 trous, comme les stations d’un chemin de croix magique, emmène des asticots rouges aux streamers plombés en poil de chevreuil, de la carpe Amour blanc à la mouche sèche Light Cahill. Suivre le guide John Gierach, c’est affronter la symbolique de l’amour et le parcours du combattant de la séduction : « Le secret de la pêche à la mouche c’est le temps. Le mauvais temps, surtout. Pulls en laine type commando, ponchos de pluie à capuche, bonnets, mitaines, caleçons longs, appareils photo mouillés, bivouacs trempés, gamelles froides, godets de whiskey pour l’illusion de la chaleur. Cela semble étrangement adapté à cette bonne vieille éthique protestante qui vous pousse à ressentir comme des péchés les choses qui sont faciles et qui vous font du bien. Il est bien sûr possible de prendre une truite par beau temps, mais vous en prendrez probablement plus si vous souffrez. D’une manière bizarre et masochiste, cela semble équitable ». Ce livre qui apprend à pêcher comme un gentleman ne répond pas à toutes les questions fondamentales. Ainsi, les éclats de folie dans les yeux des pêcheurs trahissent-ils la même intensité qu’un regard de femme prise à l’hameçon du désir ?
« Sexe, mort et pêche à la mouche », John Gierach, Gallmeister, 23,80 €

Cinémas !
Il n’y a pas UN cinéma. Ses passions, ses destinées fabuleuses ou tragiques, ses mutations, ses mouvements, ses écoles lui confèrent une pluralité dont il est quasiment l’otage. Auteur fécond sur le sujet, journaliste, enseignant, machinateur de projections, impliqué dans des commissions et autres associations en faveur du 7e Art, Frodon destine ce volume à de jeunes lecteurs. Une manière d’assurer la relève, à une époque où les coups de boutoir et le travail de sape fragilisent la position du grand écran, n’en déplaise à ceux qui financent les films de décervelage et s’enrichissent parfois. Si l’on vous cite à la volée Méliès, Chaplin, D.W. Griffith, Welles, Hitchcock, Fellini, Truffaut, Langlois, le néoréalisme, le Japon, l’Inde, la révolution numérique, la 3D,vous conviendrez que l’ouvrage vaut d’être ouvert.
« Il était une fois le cinéma », Jean-Michel Frodon, Gallimard Jeunesse Giboulées, 22,50 €

Par Pascal Baronheid – bscnews.fr

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