David Sala : La Belle et la Bête raconte « l’impossibilité de devenir un être humain entier sans amour véritable »
Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Qu’est-ce qui a donné envie à David Sala d’illustrer la version de La Belle et la Bête de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont? Tous ceux qui connaissent le travail d’orfèvre de l’auteur de « La colère de Banshee », « Le bonheur prisonnier », « Féroce », « Le coffre enchanté » ou encore « Folles Saisons » ne s’étonneront pas que le dessinateur ait été tenté d’imaginer les aventures de la jeune Belle, qui se sacrifie et prend la place de son père auprès d’une Bête effrayante qui se révèlera être un prince malheureux auquel on a jeté un sort. Comment rêver d’un plus bel écrin, romantique et fantastique, pour laisser libre cours à la fantaisie des couleurs et des formes? L’album, qui vient tout juste de paraître, est superbe et sera un cadeau idéal pour cette fin d’année et toutes celles d’après, pour les petits…et pour les grands; les histoires d’amour et de rédemption, en effet, n’ont pas d’âge de péremption !
Quelle a été la genèse de cet album?
Une simple envie de me confronter à un classique de la littérature jeunesse.
Vous avez choisi la version de Mme Leprince de Beaumont. Un mot sur cette Dame? Et pourquoi le choix de cette version?
C’est le sujet qui m’a porté plus que le choix de l’auteur, la version de Madame Leprince Beaumont est celle qui fait référence car la plus récente, mais le sujet de la métamorphose et de la bête est très ancien.
Dessiner l’union de la beauté et la monstruosité, c’est un pari passionnant pour un dessinateur, on suppose?
Je trouve en vérité la Bête plutôt belle ! De mon point de vue, le pari sur ce livre se situe ailleurs : réussir à apporter graphiquement quelque chose à ce texte qui a tellement été illustré, mais surtout ne pas répéter ce qui déjà été merveilleusement bien fait, je pense bien sûr au film de Cocteau.
Quel est votre » moment préféré » dans cette histoire? Comment avez-vous choisi de le montrer?
Certainement le moment où la Bête livre tout son désespoir à la Belle . Désespoir de ne pas être autre chose, de ne pas être aimé. Malgré sa force et son pouvoir immense, il met un genou à terre.
Quelle technique, matière et support avez-vous utilisé pour concevoir vos illustrations?
J’ai utilisé la peinture à l’huile que j’applique sur du papier.
Vous êtes-vous heurté à certaines difficultés lors de vos choix d’illustration de l’album? Le texte entier figure-t-il dans ce livre? Et dans sa version originale?
Illustrer une oeuvre classique c’est se confronter, comme je le disais précédemment, aux ouvrages antérieurs, à ce que nous avons tous vu et qui nous imprègne parfois malgré nous, tenter de s’en extirper est la première difficulté. J’ai choisi de faire, parfois, l’impasse sur les séquences les plus connues au profit de celles qui me touchaient plus. Nous avons, avec mon éditrice, choisi d’utiliser le texte dans son intégralité et dans sa version originale.
Si on lit le commentaire de Marie-Antoinette Reynaud, on nous y explique que c’est un conte qui » apprend aux enfants à distinguer la laideur morale de la laideur physique, à favoriser le rayonnement d’une intelligence, d’un cœur, d’une âme que rend timide un intérieur ingrat »... et plus loin que « cette histoire justifie les mariages fréquents,à cette époque, entre hommes mûrs, souvent veufs, et filles très jeunes. » Avez-vous une autre analyse?
Les lectures de ce conte peuvent être nombreuses comme les interprétations. La plus évidente est en effet celle-ci, une interprétation morale de la nécessité de dépasser les apparences au profit de l’âme. Pour ma part, j’y vois surtout l’impossibilité de devenir un être humain entier sans amour véritable.
Quand est prévue la parution de l’album aux Éditions Casterman?
L’album est sorti le 15 octobre.
En outre, une exposition est prévue bientôt… Pourriez-vous nous en expliquer les enjeux, les participants et le contenu?
Je participe à l’exposition « Contes de fées » au palais lumière d’Evian qui aura lieu du 6 décembre 2014 au 6 avril 2015. C’est une exposition qui s’articule autour de 350 oeuvres anciennes et contemporaines et animée de nombreuses projections et sonorisations sur le thème du merveilleux.
Portrait David Sala – Crédit HDI
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