Un livre aussi étrange qu’enivrant

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Par Mélina Hoffmann – bscnews.fr/ « Avec sa petite mémoire, Adrien faisait des noeuds entrelacés de mélancolie, il remontait les souvenirs du fond du puits. Sur l’onde de l’eau du petit seau, il revoyait dériver son enfance qui se cognait sur les côtés » Les livres des éditions Lunatique sont de petites gourmandises que l’on déguste, bien plus qu’on ne les lit. On y retrouve toujours cette atmosphère bien particulière, mélange de violence et de tendresse, de douce poésie et de réalité brutale, d’ombres étouffantes et d’étincelles de clarté.

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De véritables ovnis littéraires qui vous collent à l’âme, capables de susciter toute la palette des émotions, à l’exception de l’indifférence. ‘Adrien de la vallée de Thurroch’ ne déroge pas à la règle, loin de là ! Derrière ce titre pas franchement accrocheur se cache une histoire bouleversante, mais surtout une écriture sublime, imagée, faite de descriptions envoûtantes qui nous guident à travers un décor hostile où règnent la guerre, la solitude et la folie.

« Cela sentait le vide à plein nez, avec ce ressentiment profond qui concluait toutes les conversations. L’hiver allait déjà rebondir dans le gouffre des raccourcis »

C’est l’histoire de la vallée de Thurroch, dans les Ardennes, où vit Adrien, un fermier. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les hommes y travaillent la terre sur laquelle ils ont rampé tandis que le bruit des obus a laissé la place au croassement des corbeaux.
Les mots fusent, ils n’écrivent pas mais dessinent, peignent, détaillent cet environnement froid et hostile, les champs, la terre, la brume, les animaux, les hommes, la solitude…, tandis qu’Adrien – comme en aparté – nous raconte cette guerre de laquelle il est revenu meurtri, ses ravages.

L’écriture est souvent dure, à l’image de l’histoire, et pourtant chaque phrase est une mélodie, et on s’arrête bien volontiers pour en relire certaines et se régaler de leur beauté, de tout ce qu’elles font éclore dans notre imaginaire.

« (…) Dans sa poche, elle a une pièce de monnaie qu’elle serre très fort quand le coucou chante au mois de mai… Elle dit que c’est pour la chance. Moi, je veux bien, mais quand on est dans un état pareil, c’est que la chance est restée coincée. »

C’est étrange, c’est enivrant, c’est dur, c’est tendre. Et ça mérite d’être lu, inévitablement.

Adrien de la vallée de Thurroch
Denis Tellier
Editions Lunatique
PAGES – 20,00 EUROS

Photo ©DR

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