Ines Benaroya - dans la remise

Ines Benaroya : un roman aux allures de contes de fées

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Par Emmanuelle de Boysson – bscnews.fr / Anna se réveille en sursaut. Elle s’achemine au fond du jardin et découvre dans la remise un enfant allongé sur un vieux canapé. Inès Benaroya a réussi un roman hyper sensible et poignant, entre rêve et réalité. Un roman sur le désir d’enfant, sur l’incommunicabilité. Le drame intérieur d’Anna se découvre par touches, laissant le lecteur libre d’interpréter ce qu’elle vit. L’émotion en est d’autant plus forte. Inès Benaroya nous raconte le conte de fée de cette aventure littéraire. Ce premier roman au style impressionniste et élégant révèle une romancière de talent qui ira loin.

propos recueillis par

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Dans la remise est votre premier roman. Depuis quand écrivez-vous ? Avez-vous déjà rédigé des romans, des nouvelles ?
Adolescente, j’ai beaucoup écrit – journal, poésie… Mais arrivée à l’âge adulte, j’ai tout arrêté, trop occupée par la « vraie » vie… Le désir d’écriture a sommeillé en moi jusqu’à ce que je m’inscrive à des ateliers d’écriture, il y a quelques années. J’y ai retrouvé intacte la joie d’écrire. Avant « Dans la remise », je n’avais jamais écrit de roman, ni de nouvelle.

Comment est né ce roman ? Quel était votre projet à l’origine ?
L’envie d’écrire un roman est venue un peu par défi… Serais-je capable d’imaginer et de mener une histoire du début jusqu’à son dénouement, avec des personnages purement fictionnels et en même temps crédibles ? J’ai voulu profiter de l’espace de totale liberté qu’offre l’écriture romanesque où l’imagination est reine, et explorer mes capacités à inventer de toutes pièces.
J’ai aussi cherché à écrire en me situant à la limite du fantastique, en jouant sur la porosité entre le monde réel et le monde imaginaire.

Pourquoi cette idée d’un enfant imaginaire au fond du jardin ?
L’histoire débute lorsqu’un enfant débarque du jour au lendemain dans la vie d’Anna. Le fait que cet enfant soit imaginaire ou non est un point que je laisse ouvert à l’interprétation de chacun. J’ai ma petite idée sur la question, mais je préfère ne rien en dire… J’ai conçu ce texte en faisant très attention à ce que le lecteur puisse avoir la possibilité de décider lui-même, au fil du récit, si l’enfant existe vraiment.

Comment avez-vous travaillé ? Comment avez-vous construit l’intrigue de ce texte où l’on découvre peu à peu le drame intérieur d’une femme ?
La trame de l’histoire s’est imposée à moi, avec plusieurs éléments narratifs qui étaient là dès le début de l’écriture : une femme ne veut pas d’enfant, un enfant arrive à l’improviste et s’installe dans la remise de son jardin, la femme va être dans l’incapacité de s’en occuper jusqu’au jour où elle changera d’avis… Dès le départ, il y avait aussi l’épisode de la tempête, qui détruira la remise… Sur cette base initiale, j’ai ensuite beaucoup travaillé pour enrichir l’intrigue, lui donner du rebond, du suspense. J’ai aussi soigné l’écriture pour que le drame d’Anna se ressente au travers du style.

Comment avez-vous construit vos personnages, en particulier, Anna ? Y a-t-il une part de vous en elle ?
J’ai appelé mon personnage Anna en clin d’œil en pensant à Anna O., un cas clinique de Freud sur l’hystérie et ce qu’on appelait à l’époque, les grossesses nerveuses, ou grossesses imaginaires. Au-delà de cette référence, il m’a fallu tout imaginer sur cette femme, dont je ne savais rien à la base – d’où vient-elle ? Est-elle mariée ou non ? Travaille-t-elle ? Son histoire est une pure fiction, très éloignée de ce que j’ai vécu – de même que tous les personnages principaux du roman. Seuls quelques personnages secondaires sont inspirés de mon entourage…

Pourquoi avez-vous voulu parler de la maternité refoulée ? Pensez-vous que beaucoup de femmes se sentent concernées ?
J’ai abordé le thème de la maternité, qui me touche de façon générale : d’où vient le désir d’enfant ? Pourquoi dans certains cas ce désir peut-il primer sur tout le reste ? Pourquoi concerne-t-il certaines femmes, et pas d’autres ?
J’ai imaginé le cas d’un désir d’enfant refoulé, mais j’aurais pu aussi bien écrire une histoire de déni de grossesse, qui me fascine tout autant. Les femmes sans doute se sentent concernées par ces questions liées à la maternité puisque la responsabilité de « porter » les enfants leur incombe, mais j’imagine que la plupart des hommes se posent aussi un jour la question de savoir s’ils veulent ou non un enfant.

Avez-vous voulu traiter de l’incommunicabilité ?
Oui, je suis bouleversée par la difficulté – voire l’incapacité… – à s’expliquer, se faire comprendre, véritablement se faire connaître, même auprès des personnes qu’on aime. Il y a quelque chose d’irréductible dans l’altérité, c’est une donnée humaine à la fois fascinante et effrayante… Je pense que ce thème n’est pas près de disparaître de mon travail d’écriture !!

Racontez-nous l’aventure de la publication de ce roman, votre rencontre avec Tatiana de Rosnay, avec des éditeurs ? Pourquoi le choix de Flammarion ?
C’est un conte de fée ! Tatiana est une amie de longue date, mais elle ignorait que j’écrivais – comme la plupart de mes proches, d’ailleurs. Quand j’ai terminé le texte, j’ai hésité avant de lui envoyer, ennuyée de la mettre dans la désagréable position de devoir me dire « Inès, c’est bien mais… ». J’ai finalement sauté le pas, et quelques jours après, elle m’a appelé, très enthousiaste sur le roman, persuadée qu’il pourrait être publié. Elle s’est montrée d’une générosité incroyable, et m’a véritablement coachée dans cette aventure folle… Grâce à elle, le manuscrit est arrivé sur le bureau de plusieurs éditeurs, qui ont été séduits à leur tour… Il a fallu que je choisisse entre trois propositions, toutes magnifiques ! J’ai opté pour Flammarion pour de multiples raisons, mais surtout par instinct : je m’y suis sentie « bien » dès les premières minutes. Tatiana est la fée du roman, et je lui suis reconnaissante plus que les mots ne peuvent l’exprimer.

Quelle a été votre collaboration avec votre éditeur, Guillaume Robert ?
Guillaume est un homme très facile d’accès, éminemment sympathique, auprès de qui tout semble léger… Il s’est enthousiasmé d’emblée pour le roman, avec le plus grand respect pour mon écriture, et m’a proposé des améliorations qui ont encore fait progresser le texte. Je pense pouvoir dire qu’on est « sur la même longueur d’onde »…

Comment arrivez-vous à concilier vie de famille, vie professionnelle et écriture ?
J’ai plusieurs vies, très étanches. De 9h à 19h, je suis businesswoman. De 19h à 22h, je suis maman. De 22h à minuit, je suis amoureuse, et de minuit à l’aube, j’écris. Parfois, les fils se touchent, je l’avoue…

Quelles sont les critiques qui vous ont fait plaisir ? Comment est perçu Dans la remise par votre entourage ?
Mes enfants, ma famille, mes amis disent qu’ils sont fiers de moi, un sentiment qui m’étonne autant qu’il me fait plaisir. J’ai été particulièrement touchée par l’enthousiasme de ma mère et de ma fille, qui ont réussi à apprécier l’histoire sans y chercher de références personnelles. J’ai eu des compliments de la part d’adolescentes comme de femmes de 85 ans, et j’aime l’idée que le livre fasse un pont générationnel. De toutes les critiques, celles qui me procurent le plus de joie concernent mon écriture : je suis très sensible aux belles plumes, et quand on me complimente sur mon style, je suis aux anges…

Quels sont les écrivains qui vous ont influencée ? Ceux que vous aimez ?
Je suis une admiratrice absolue de Kafka et de ses univers singuliers. Je suis très sensible à la littérature fantastique, Edgar Poe, Hoffmann, je lis aussi de la SF- Phillip Dick par exemple. Je suis fan de littérature japonaise, notamment Yoko Ogawa. Tous ces auteurs ont pour trait commun de situer leurs récits toujours sur le fil entre réalité et imaginaire. Dans un tout autre registre, j’aime les récits de voyage, les expéditions désespérées… J’ai dévoré « L’usage du monde », de Nicolas Bouvier.

Avez-vous commencé un autre roman ?
Oui !!! J’étais très soucieuse de commencer un nouveau projet avant la sortie du livre, dans l’espoir de conserver une certaine désinvolture… Inutile de dire que c’est complètement raté !!

Dans la remise
d’Inès Benaroya
240 pages
18 €
Editions Flammarion

(Photo Claude Gassian)

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