Jimmy Scott : la légende ressuscitée entre jazz et théâtre
Par Nicolas Vidal – bscnews.fr / Rachel Ratsifazy et Églantine Jouve ressuscitent la légende du chanteur Jimmy Scott dans un spectacle à la croisée des arts entre jazz, théâtre et lecture. Rencontre avec deux personnalités déterminées à faire survivre un héritage important de la musique noire américaine.
Rachel, on vous connaît déjà sur la scène du jazz français. Quelle est la genèse de ce projet ?
À l’origine il y a des mots, un texte, écrits par Patricia Duflot, auteur du livre « Jizzy » dont s’inspire le spectacle. Ce livre est lui-même inspiré du film documentaire « If you only knew » sur la vie de Jimmy Scott, chanteur de jazz du 20e siècle malheureusement assez méconnu.
L’histoire de sa vie, romancée à travers « Jizzy », a donc été mise en scène autour du chant, de la musique et du théâtre pour créer de toutes pièces ce projet original.
Touchée à la fois par le style musical de l’époque, par la personne de Jimmy Scott et, du fait de mes influences et de mon parcours artistique, j’ai été sollicitée pour cette aventure et répondu présent tout naturellement.
Quel sera votre rôle sur Jizzy ?
Je suis interprète de standards de jazz, à l’image de Jimmy Scott.
Églantine Jouve, comédienne, narre son histoire à travers le texte de « Jizzy ». Cette narration théâtralisée est ponctuée de passages musicaux avec ou sans ma voix.
Comment appréhendez-vous l’histoire de Jimmy Scott ?
Elle me touche… Elle illustre toutes les difficultés de l’époque pour un musicien et plus généralement pour un homme noir. En plus de ce contexte particulier, Jimmy Scott est atteint d’une maladie rare qui l’empêche de muer. Sa voix fragile qui au début le met à l’écart, lui donnera une singularité et révélera bien plus tard tout son talent. En tant que femme noire, chanteuse de jazz, je n’ai pu qu’être sensible à cette histoire.
Comment se déroule votre collaboration avec Églantine Jouve sur ce portrait musical de Jizzy ?
De par nos expériences professionnelles, Églantine et moi partageons la scène avec beaucoup de ressenti et de complicité.
La richesse de ce projet réside dans l’interaction entre nos « disciplines » respectives. En effet, à certains moments du spectacle, Églantine prend le rôle de chanteuse quand de mon côté, je donne vie à un texte.
Travaillez-vous sur un nouvel album actuellement ?
Je suis en phase d’écriture et de nouvelles rencontres musicales afin d’élaborer mon nouveau projet.
Sur scène, je joue actuellement mon dernier album « Out of this World » avec de très belles scènes en perspective telle que le festival Radio France au Domaine dÔ les 16 et 17 juillet, Jazz à Beaupré, 1ère partie de Monty Alexander le 11 juillet et l’ARCHEOS Jazz festival en 1ère partie d’Ibrahim Maalouf le 27 juin
J’ai également d’autres dates à découvrir sur mon site www.rachelratsizafy.com
Églantine Jouve,
conception et récit
Quelle est l’origine de ce projet atypique ?
À la base c’est toujours une histoire de rencontres… Je co-dirige avec des amis le Théâtre de pierres de Fouzilhon, et avec Culture Jazz, nous travaillons sur le même territoire. Pendant un an, nous avons co-accueilli des concerts de jazz que Culture Jazz nous proposait. Un jour ils sont venus voir un de mes spectacles, une lecture de correspondances mise en espace et en musique, entre Albert Camus et Jean Sénac autour de la Guerre d’Algérie. Une semaine plus tard, ils m’ont présenté le récit de Patricia Duflot qu’ils souhaitaient depuis longtemps porter à la scène. J’ai toujours aimé le travail de mémoire, presque documentaire, alors évidemment la démarche de cette auteure m’a touchée, car elle mêle sa vision romancée de Jimmy Scott avec l’histoire du jazz, elle décrit très bien de quelle manière cette musique révolutionnaire est directement liée au contexte socio historique de l’époque, à tout ce mouvement de révolte et de libération des noirs Américains. J’ai donc intégré l’équipe et grâce à eux, moi qui ne suis ni chanteuse ni musicienne, j’ai l’occasion de connaître quelle joie c’est que de faire partie d’un groupe de jazz !
Comment vous êtes-vous immergée dans cette personnalité du jazz ?
La forme du spectacle est un peu particulière, ce n’est pas une pièce de théâtre, je n’incarne pas un personnage, mais des mots. J’essaye de trouver la distance du conteur qui donne juste assez d’énergie et d’émotion pour faire naître ses personnages dans l’imaginaire du spectateur. C’est une histoire que je cherche à partager. Pour donner au mieux ces mots, il faut connaître leur poids. Alors je me documente un maximum : la vie de Jimmy Scott bien sûr, les intentions de l’auteure dans telle ou telle partie, connaître les personnages que je présente : Ray Charles, Chet Baker, Louis Amstrong…
Quel a été le fil rouge de ce travail dans votre équipe ?
Après avoir travaillé sur l’adaptation avec Serge Casero et l’auteure elle même, la construction du spectacle s’est faite sur scène directement, avec tous les musiciens, de manière assez instinctive.
Il n’y a eu pas de metteur en scène à proprement parler sur ce projet, c’est un travail collectif dont le fil rouge a été essentiellement de trouver la cohésion musicale du spectacle et le juste dosage entre musique et texte. Nous avons fait de multiples essais afin de percevoir à quels moments ceux-ci devaient se superposer, s’entrecroiser ou bien agir indépendamment. Le résultat final est étonnant : est-ce un récit qui traverse un concert ou le contraire ? Ni l’un ni l’autre, c’est un concert-récit, et nous ne voulons surtout pas trop théâtraliser la forme, car pour partager notre passion du jazz quoi de mieux qu’un vrai concert et son ambiance spontanée, chaude, jubilatoire, sensuelle? Le public entre vite dans le jeu, il réagit, applaudit, siffle, on pourrait être dans n’importe quel club de jazz dans le monde ! Bien sûr, nous avons été très attentifs au choix des morceaux, ils ne s’agissait pas d’illustrer de manière didactique le texte ou d’en respecter rigoureusement la chronologie, mais à la fin du spectacle les gens auront entendu à la fois des standards que Jimmy Scott a chantés durant sa carrière, mais aussi toutes sortes de morceaux ou improvisations qui donnent à rendre compte de la multiplicité infinie de courants et d’influences différentes que contiennent le jazz. Parallèlement à ce travail collectif, j’ai fait quelques séances de répétition avec le metteur en scène Pierre Barayre afin de trouver dans quel axe travailler.
Où et quand pourra-t-on découvrir ce projet ?
Nous avons joué à Pézenas, le 18 avril au Théâtre historique. il s’agissait de notre 5e représentation, pour la suite on ne sait pas encore, on espère qu’il y en aura beaucoup d’autres !
Portrait concert du chanteur américain Jimmy Scott d’après le roman de Patricia Duflot
Ed. DOMENS
Conception et adaptation:
Eglantine Jouve et Serge Casero
Une création Culture Jazz co produite par le Théâtre de pierres, avec l’aimable soutien de la ville de Pézenas
Chant : Rachel Ratsizafy,
Récit: Églantine Jouve,
Batterie: Séga Seck,
Piano : Cédric Chauveau,
Saxophones : Serge Casero
Régie lumière/vidéo : Laetitia Orsini
Régie son : Olivier Soliveret
Direction d’actrice : Pierre Barayre
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