Le football est une fable

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Par Marc Emile Baronheid- bscnews.fr/ Le championnat de France de football ne vit-il réellement qu’au rythme des confrontations entre l’Olympique de Marseille et le Paris Saint-Germain ? Ne s’agirait-il pas tout au plus d’une fable de La Fontaine. Celle de la grenouille qui voulait être aussi grosse que le bœuf.

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Face à l’OM, centenaire populaire, le PSG apparaît comme un trentenaire « show-bizz », puisque porté sur les fonts baptismaux par un appel aussi mémorable que celui du 18 juin. Il fut lancé lui aussi à la radio, mais en 1970, par l’inénarrable Pierre Bellemare. Des sommités sportives le relayent : Mireille Mathieu, Annie Cordy, Enrico Macias. Car trop c’est trop. Déjà que les Marseillais ne manquent pas une occasion de brocarder la Capitale et alors que Marseille bénéficie d’une aura incomparable depuis 1993, année où un club français remporte pour la première – et la seule – fois la « coupe aux grandes oreilles », la meilleure équipe parisienne végète depuis 9 années en division 2. Et même si, dans l’intervalle, le système Tapie a explosé, même si l’OM a marqué le pas, il continue de bénéficier d’une ferveur inégalée. Paris décide donc de fabriquer littéralement une équipe. Le livre en relate les péripéties, les atermoiements, les désillusions, les manœuvres. Les enjeux dépassent tout entendement. Il faut attendre, pour inverser spectaculairement la tendance, l’arrivée d’investisseurs qataris et une injection pharamineuse de talents étrangers alors que Marseille se serre la ceinture et ne recrute que des joueurs français. Un nouvel élan est donné, à un antagonisme créé artificiellement, exacerbé puis entretenu en coulisses par d’habiles manœuvriers. Retombées financières, art de distraire le peuple d’enjeux autrement fondamentaux, nouvelle colonisation de la Canebière par la Tour Eiffel : le panem et circenses demeure la potion magique par excellence. Ce livre en est une énième courroie de transmission, qui repose sur une bonne collecte de données, un zeste d’humour, les vertus du chauvinisme et l’habile conjonction de plusieurs péchés capitaux.

Une Grenouille vit un Bœuf


Qui lui sembla de belle taille.


Elle qui n’était pas grosse en tout comme un œuf,


Envieuse s’étend, et s’enfle, et se travaille


Pour égaler l’animal en grosseur
(Jean de La Fontaine)

La fable se poursuit par La chétive Pécore


S’enfla si bien qu’elle creva
Qui vivra verra …

Auteur de « Les intellectuels, le peuple et le ballon rond (Climats, dernière rééd. 2010), Jean-Claude Michéa nous fait cadeau de nouveaux écrits sur le football. Manière de crépuscule du jeu, son petit traité d’un sport maltraité par l’esprit de lucre peste contre la toute-puissance du « réalisme » ou organisation privilégiant le souci premier de ne prendre aucun but, au préjudice du beau jeu. La tactique n’est pas neuve, déjà déplorée mais portée à son apogée non violente (bien retorse cependant) par le catenaccio du calcio. Les wags n’y verront que du feu, mais qu’importe. «En exagérant à peine, on pourrait dire qu’à l’heure du Marché global et de son utilitarisme triomphant il y a dans les dribbles enchantés et gratuits d’un Ronaldo ou les contrôles extraterrestres d’un Zidane comme un pied de nez aux maîtres du monde et à ceux des entraîneurs modernes /…/ qui se contentent de traduire sous forme de consignes tactiques le froid « réalisme » de ces maîtres ». Finis le style, l’élégance, la construction du jeu. Priorité à l’exploit individuel, aux coups de pied arrêtés, à l’embusqué guettant l’erreur de l’adversaire. Ne parlons même pas des salaires de la honte ou de l’ignorance crasse des oligarques. Interrogé sur le plus beau but de sa carrière, Cantona (qui n’est pas mon maître étalon) a répondu : « Mon plus beau but ? C’était une passe ! » Autres temps, autres passes, pas vrai Franck ? Depuis qu’il n’est plus ouvrier et populaire, le football a perdu sa noblesse. Les bulles, le strass, le brouillard des cigares His Majesty’s Reserve ont eu raison de l’opium du petit peuple.

« PSG-OM/OM-PSG, histoire d’une rivalité », Daniel Riolo & Jean-François Pérès (avec la collaboration d’Arnaud Ramsay)
Hugo Sport, 17 €

« Le plus beau but était une passe – Ecrits sur le football », Jean-Claude Michéa, Climats, 15 €

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