Cyclisme : Et pourtant elle tourne…

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Clin deuil
Voici près de 10 ans, le journaliste Pierre Ballester signait «LA Confidentiel», document qui donnait à réfléchir sur les performances extraordinaires du champion cycliste américain Lance Armstrong. Dans le milieu du vélo, l’enquête était accueillie avec des haussements d’épaules condescendants. Depuis, le Rubicon a charrié bien des seringues, des poches de transfusions sanguines, des boîtes à pharmacie, des mouvements d’argent, des sourires entendus, des vœux de chasteté goguenards, des scandales puis des demi-aveux. Armstrong est tombé, certes, mais comment a-t-il pu passer pendant treize ans entre les mailles du filet ? L’empêcheur de tricher en rond revient sur les manœuvres, les manigances, les écrans de fumée, les complicités. « Le Tour de notre mémoire collective est mort. Voici pourquoi ». Monsieur Propre ou fossoyeur, ce Ballester ? Amoureux du vélo ou amant du scandale ? Dommage qu’on ne puisse pas le mettre en présence d’Antoine Blondin et de ses six cent vingt-quatre exercices d’anthologie.
« Fin de cycle – Autopsie d’un système corrompu », Pierre Ballester, La Martinière, 19 €

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Le vélo comme une ligne de vie
« Depuis toute la vie et pour toute la vie, je pédale. Sur les routes et les déroutes qui vont de l’enfance à l’âge qu’on croit adulte, avec un petit vélo dans la tête qui n’en finit pas de me faire tourner en rond ». Fottorino est un ex-maillot jaune du peloton du Monde. Il est surtout un écrivain délectable et un page estimable de la Petite Reine. Sa gerbe d’éloges est tressée pour des hommes qui en ont fait rêver d’autres, à force de courage ou d’audace, de résistance à la douleur ou d’inconscience. Car si Fottorino hume goulument l’embrocation et croit aux vertus de la sueur, si sa gourmandise de l’exploit sportif le porte à célébrer « la dernière fabrique des héros», il n’est pas dupe pour autant, ainsi qu’en témoignent les pages de l’ «Eloge (raisonné) de le Grande Boucle». Mais plutôt que de mitrailler, il tend à comprendre et ne pas juger, à la manière d’un Simenon. Les coureurs ne sont pas des cibles à abattre coûte que coûte, des gibiers de potence. Simplement des hommes, maculés mais vivants, attendant dans la voiture-balai que s’entrouvre la légende des cycles. Aimer demande tellement de respect …
« Petit éloge de la bicyclette », Eric Fottorino, Folio 2€/ Gallimard, 2 €

Le discours des miracles
« Je veux donner l’entr’aperçu d’un monde avant sa fin. Passer le chiffon, une dernière fois, dans la Salle des Illustres. Mettre un peu d’ordre parmi mes forcenés, mes champions insensés – renommer les poètes et les irréguliers qui suivent à travers champs ». Voici des portraits amoureux, des mythologies usinées par le peuple, des illuminations profanes. Anquetil et son «braquet immense d’une octave et trois notes », Coppi offrant un réfrigérateur à sa mère qui en fait une armoire, Lucien Aimar, fildefériste sans balancier, Jean de Gribaldy, « mentor cycliste à talonnettes qui se dit vicomte et ressemble à un presque nain», Guillaume Driessens , qui « sait faire grands les coureurs, et les diriger, avant de les faire cocus ». Philippe Bordas aime la formule qui brille, mais ne cède jamais à l’invite du reflet de pacotille. Littéraire itinérant, il ne dédaigne pas embrigader Descartes, Céline, le roi Fénéon, Pierre Chany. Si le pignon est triste, il a lu tous les livres. Mallarmé, qu’il apprécie, lui a laissé le goût de l’alexandrin. C’est Roger De Vlaeminck qui en profite, lui « l’emballeur solitaire d’une époque de plomb où les natures étroites cherchent à exister ». Mais Bordas c’est plutôt l’après-midi d’un fauve. Il connaît ses classiques mieux que le meilleur flahute. Rien ni personne n’échappe à sa connaissance inouïe de la geste cycliste. Il a plus de souvenirs que s’il avait mille ans. Bordas est le Saint-Simon de l’échappée belle…
« Forcenés », Philippe Bordas, Folio/Gallimard, 7,20 €

L’année 1949
Ecoutons encore Bordas : « Nul n’a dépassé Coppi. Coppi fut l’unique fois. Coppi fut l’épure tragique ». Dans le livre d’or du cyclisme, il est à jamais le Campionissimo. Un roman graphique lui rend hommage, qui prend appui sur l’année 1949, lors de laquelle il accomplit l’exploit – jugé alors impossible – de remporter successivement le Giro d’Italia et le Tour de France. C’est aussi l’époque du duel avec Gino Bartali, une rivalité qui passionne et divise l’Italie. On doit choisir son camp ; pas question d’y être indifférent. L’auteur tente de traduire l’âme de Coppi, de débusquer l’homme derrière le champion aux os en verre de Murano, avec sa force, ses faiblesses sportives et intimes. Un dossier communique les notes préparatoires au récit ; de quoi apprécier si Pascutti a eu les moyens de ses ambitions.
« Fausto Coppi », Davide Pascutti, Cambourakis, 16 €

Pascal Baronheid – bscnews.fr

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