L’arrache-cœur
Par Laurence Biava –bscnews.fr/ Le troisième livre de Roseline Delacour est un joli récit sur l’altérité et le désir de rédemption. Il raconte l’histoire saillante de Gabriel, écorché vif, exclu et délinquant. Gabriel semble avoir tout connu : la galère de la prison, expérience d’autant plus marquante qu’elle lui a fait développer un sixième sens. Gabriel veut savoir d’où il vient et pour ce faire, s’éprend des histoires sans doute plus complexes que les siennes. Muni d’un appareil photo dérobé à l’un de ses anciens comparses d’infortune, il saisit à peu près tout, et précisément tout ce qui ne se voit pas, détaché du réel et du versant de ces situations compactes.
La transparence en tout, celle qui ne se dérobe pas, qui « permet d’éviter les coups, qui aléatoires, pleuvent ». Max, Sara, Paulo, Rosalie, qu’il finira par rencontrer se succèdent dans des scènes âpres ou des embryons de tableau qui disent tout de situations vécues menées sur le fil, à l’arrache, celles qu’on doit vivre vite, pour ne pas laisser filer l’intensité. Entre lumière et ombre, ce récit très hors-normes, entrecoupé de dialogues vifs, à l’image de la vie des anti-héros, file droit devant : il présente des personnages tous saisis à un moment donné au cœur de l’ambivalence de leur âme humaine. On peut y voir une esquisse sur la catharsis, sur la résilience dans cette manière de faire acte de rédemption en s’occupant des plus désarmés que soi ou une analyse parcellaire des notions s’établissant entre bien et mal (cf Saint-Augustin)..
Il y a donc cette vie émouvante et émotionnelle que Roseline Delacour dépeint dans des représentations qui sont loin d’être arbitraires, mais toujours cohérentes et fortes.
L’écriture est belle, très stylisée, ténue et tendue. Et elle témoigne d’un bel intérêt pour chacun des personnages que l’auteur met en scène et auxquels le lecteur s’attache.
Il n’y a pas que les émotions qui vous saisissent au cœur mais aussi les concepts déclinés, toujours transférés dans le langage commun : la colère et son adjuvant la peur, l’acceptation et son contraire le rejet, la curiosité et ses effets de surprise, la joie et son opposé la peine. Tout est ici finement établi, dosé, dans cette variation intéressante et singulière.
« L’arrache » de Roseline Delacour évoque ces êtres humains dotés d’une compétence remarquable : celle qui consistent à leur faire se poser la question de savoir si leurs actions sont vraiment libres. En cherchant à répondre à cela, ils détectent une tension entre deux idées : ils sont libres mais ont de bonnes raisons de penser que leur comportement est déterminé par des causes de toutes sortes (environnementales, héréditaires, sociologiques, éducatives, psychologiques. La tension entre ces deux idées se transforme en problème, c’est celui du libre arbitre et c’est le sujet de cet ouvrage, dont la beauté et la recherche ne sauraient laisser personne indifférent..
« L’arrache »
Roseline Delacour
Editions Delphine Montalant
87 pages
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