Denis Parent et l’exil

par
Partagez l'article !

Par Laurence Biava – bscnews.fr/ Photo Astrid Di Crollalanza/ Le troisième roman de Denis Parent raconte l’histoire d’un exil.

Partagez l'article !

L’exil loin de la métropole d’un délinquant, qui survit, dans cette fugue lointaine, à Bali, grâce à un petit réseau d’amis. Conscient de sa semi-clandestinité, affublé de deux identités, il repense à ce qu’il a été et remet sa vie en cause. C’est alors que posté dans son décor paradisiaque, il va faire des rencontres importantes et contracter un nouveau tempo au rythme des averses tropicales. Ce livre passionnant ressemble à un vieux rêve baba cool que Simon Sorreau réalise. Détaillons : pour se soustraire à la justice, Simon Sorreau alias Didier Neveu, ex-producteur pour la télévision, ex-écrivain au succès honorable, ex de Bérénice, la mère de ses deux fils, a pris la tangente. Passible de prison pour un acte répréhensible, il a organisé sa fuite avec la complicité de son ami d’enfance et de son éditeur. Après quelques semaines de  » route », il découvre toute une atmosphère de déglingue avec les crépuscules sur les rizières, les nuits alcoolisées, les bagarres, le sexe, les blagues de potaches, et l’expulsion de matières variées.
Ce livre, écrit comme une très longue chronique, procède par flashbacks. Il raconte le destin d’un homme qui revient sur sa jeunesse. Et alors, le passé du principal protagoniste resurgit souvent. Avec lui, c’est le passé de toute une génération, celle des grandes utopies, celle qui n’avait pas prévu de vieillir, celle des natifs des années 50 et 60, autrement dit: la sienne qui s’épanche. Denis Parent ne nous épargne rien de l’intimité des hommes quand ils s’enlisent dangereusement et des rêves enfuis de tous ces pays émergents de l’époque. Pour le narrateur, la fuite sur l’île paradisiaque perdra de son charme exotique lorsqu’il s’apercevra que seuls ses fantômes l’ont suivi et que les composantes de son rêve hippie de sa jeunesse n’existent plus. Dans ce temps suspendu, peu propice à l’action, il va également prendre en pleine figure le retour de bâton de la société occidentale vers la société orientale et ses pays émergents. Décidé à affronter son âge, la loi et ses responsabilités, il acceptera de se confronter à sa véritable identité, avec néanmoins le poids de la culpabilité et une certaine amertume.
Dans cette comédie de mœurs pleine de compassion universelle, Parent écrit un livre générationnel, chronique des illusions perdues, des promesses trahies. Ou que reste-t-il de l’amour libre, des mythologies d’antan, du rêve d’une vie à l’autre bout du monde, à l’aube de la colonisation du monde par les nouvelles technologies, c’est-à-dire quand la jeunesse d’aujourd’hui n’était pas encore saturée de smartphone, et que la société n’était pas devenue ce qu’elle est: délétère, dépressive, hybride à force de course folle contre la montre ? À travers les tribulations asiatiques de Simon Sorreau, Grand chasseur blanc dévoile un portrait doux-amer d’époques épiques, excentrique et mélancolique à souhait. Chacune à leur façon. Un grand moment de lecture.

Grand Chasseur Blanc
Denis Parent
Roman- 456 pages
Editions Robert Laffont
Prix : 21,00 €

A lire aussi:

François Marchand : une histoire du Boboïsme

Catherine Enjolet : l’importance du hasard

Ford Mustang : Vivre… vite !

Celui qui rêvait d’être « le fils le plus drôle du monde »

Romans et Femmes de tous les tourments

Maylis de Kerangal : De battre un cœur s’est arrêté

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à