Correspondances : Lu et approuvé. Persistent et signent.

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Par Pascal Baronheid – bscnews.fr/ Pendant quarante ans, Jean Paulhan et Marc Bernard se sont écrit régulièrement, de 1928 – date à laquelle le rédacteur en chef de La NRF reçoit d’un jeune homme de vingt-huit ans, autodidacte, le manuscrit d’un roman intitulé Zig-Zag – à 1968, année de la mort de Jean Paulhan. 461 lettres composent cette correspondance dont seulement 154 sont de Paulhan.

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Elles témoignent d’une amitié, d’une estime, d’une proximité intellectuelle, de sensibilités en harmonie. L’appareil critique ou documentaire – toujours édifiant et appréciable , chez Claire Paulhan – aide à comprendre certaines phrases, telle cette question de Marc Bernard (1939) : « pourquoi as-tu repêché ce salaud d’Aragon ? ». Personnelles ou prévenantes, droites ou savoureuses (lorsque JP raconte que Florence Gould l’a giflé), toujours marquées du sceau de la sincérité, ces lettres n’échappent pas à la règle selon laquelle les absents ont tort : « Est-il vrai que Chardonne a refusé de voir son fils mourant ? C’est ce que m’a assuré hier Charensol. A Mme Boutelleau en larmes, il aurait répondu qu’il ne pouvait supporter de voir un malade ».

La correspondance Paul Morand/ Jacques Chardonne est d’un tout autre ordre. On se congratule, on se flatte, on s’amadoue, on badine, on évoque tout et rien (on colporte même des histoires de pissotières), on moucharde « Simone m’a raconté hier, à déjeuner, que Bernstein avait rompu avec Gérard d’Houville parce qu’elle avait refusé de coucher avec Tigre devant lui !» (PM), on plastronne. Surtout on n’oublie pas d’être mauvais. « Je n’aime pas Lamartine, ce général La Fayette des lettres françaises. Et méchant, par-dessus tout ça » (PM). « On ne lit plus Giraudoux, esprit charmant, bêta, agréable à tout prendre » (JC). « Ce que vous dites sur Giraudoux, optimiste par orgueil, toute sa vie, et finissant par un rugissement de douleur, est d’une brève et parfaite vérité (PM). On s’amuse « Passé hier à la N.R.F. Egaré dans une grande salle, au crépuscule, j’ai pris Gaston Gallimard pour une sorte de maître d’hôtel, et je lui ai demandé mon chemin, comme à un domestique» (JC). Chardonne n’est pas charentais par hasard : il excelle dans le coup de Jarnac. Le soleil noir invoqué par cette paire improbable – un sédentaire et un roi de la bougeotte chic – voit émerger une nouvelle génération d’écrivains, immédiatement étiquetés par deux bougres qui ne renieront rien de leurs engagements. Les échanges politiques ou doctrinaires sont autrement graves. On sait trop dans quelles eaux nageaient Paul et Jacques pour y plonger encore. Les écrits restent. L’édification des nouvelles générations est à ce prix.

« Correspondance 1928-1968 », Marc Bernard & Jean Paulhan, éditions Claire Paulhan, 45€ Edition établie, présentée et annotée par Christian Liger (+), complétée et achevée par Guillaume Louet ; index des personnes citées ; index des titres cités.
« Correspondance I 1949-1960 », Paul Morand-Jacques Chardonne, Gallimard, 46,50 € ; édition établie et annotée par Philippe Delpuech ; préface de Michel Déon ; index des titres périodiques ; index des noms de personnes.

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