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Pierre Duba et sa singulière maison de papier

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Propos recueillis par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Voilà un bien étrange livre ; d’abord par son graphisme singulier, ses mises en page éclatées et son traitement de la couleur. Ensuite par ses mots, perchés très haut dans les nuages de la poésie et de l’imaginaire… Pourtant, au bout de quelques pages, on est happé par l’histoire de cette vieille dame que la mort appelle et qui dit un dernier adieu à une petite fille : est-ce vraiment sa descendante?

propos recueillis par

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est-ce une représentation d’elle-même qui donne congé à sa vie? Qui sont les personnages qui se promènent de page en page? Des allégories? Philippe Dorin et Pierre Duba ne nous donnent pas de réponse…et c’est tant mieux! Dans ma maison de papier est d’abord un livre à regarder…avant même d’essayer de le comprendre. Un livre à ressentir, à toucher peut-être, à aimer… bref à adopter. Rencontre avec Pierre Duba, son dessinateur inspiré!

Comment avez-vous découvert le texte de Philippe Dorin?
Il y a une vingtaine d’années, j’ai découvert un texte de Philippe Dorin, c’était « Moitié Claire » un conte qui parle de la sexualité d’une enfant. Je ne l’ai jamais oublié et il m’a toujours habité. En 2011 il s’est glissé dans mon projet « Un portrait de moitié Claire ». Claire était devenue une femme de 35 ans. Lorsque j’ai présenté ce projet à Philippe Dorin il m’a envoyé le texte de la pièce de théâtre « Dans ma maison de papier, j’ai de poèmes sur le feu ».

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’en faire un livre graphique?
Dans mon livre précédent « Un portait de moitié Claire », j’ai regardé une femme de 35 ans, dans l’histoire de « Dans ma maison de papier, j’ai des poèmes sur le feu », il y a une vieille et une petite fille… quelque part j’ai rêvé de regarder une vieille dame. Les textes de Philippe me parlent et je crois que nous partageons, lui, avec le texte et moi avec le dessin, une façon un peu semblable de représenter le monde. Je pourrais dire que ses mots, ses phrases, ses dialogues sont écrits comme une pensée dont il reste l’empreinte du réel. Je me rends compte que dans mes dessins je cherche à dessiner comme ça. Je crois que les bons textes de théâtre proposent aux spectateurs des visions. C’est ça que j’ambitionne dans mes bandes dessinées. Lorsque je dessine je peux tout représenter et mon travail consiste à dessiner ce que je ne représente pas.

Avec quels outils, supports et matériaux avez-vous créé les dessins?
Il y a différentes techniques: des dessins aux crayons, HB, 2B, 6B, sur du papier canson. Les dessins couleurs sont des mélanges de différentes encres, Brou de noix, peintures acrylique, un peu de crayon couleur, sur des papiers différents, parfois très lisses. Un travail à l’ordinateur soit de retouche et surtout de composition.

À quelles difficultés essentielles vous êtes-vous heurté lors de cette adaptation?
Dans un premier temps, résister aux difficultés habituelles: c’est-à-dire, résister et persévérer devant la difficulté. Concrètement: trouver de quelle manière représenter le personnage de la mort. Garder de la légèreté dans les pages. Comment faire cohabiter des scènes en noir et blanc avec des scènes couleurs. De bien sentir, quelles vont être les images que je ne dessinerai pas.

La lumière que l’on éteint et que l’on rallume est un thème récurrent du livre parce qu’elle symbolise le passage de la vie à la mort? La séparation que produit le noir parce qu’on ne voit plus l’autre?
Mais que l’on voit en soi… Oui, peut-être. Mais c’est aussi un jeu d’enfant, Eteint! Allume! Quel pouvoir! Je le rattache également à une dimension préhistorique, une mémoire ancienne dont le sens nous échappe mais dont le questionnement par ce jeu demeure encore. Pourquoi se cache-t-on les yeux avec ses mains lorsque l’on a peur? Nos mains seraient-elles des portes? Pourquoi sommes-nous différents face au blanc et le noir? Pourquoi ne voit-on pas la même chose dans le noir que dans le blanc? Dans ce jeu, il y a quelque chose qui nous parle profondément mais je ne sais pas où. Soudainement je pense au petit enfant qui ne voit plus sa mère et qui croit qu’elle a disparu. Dans votre deuxième question, vous me demandiez quelle était l’envie d’en faire un livre graphique: Le jeu! « Eteint! Allume! ».

Ce personnage chapeauté, sorte de Charon moderne, devient aussi un fiancé, un père….Pourquoi accepte-t-il ce rôle que lui propose la grand-mère selon vous? Il est une sorte de symbole du « vieillissement » et des étapes qu’il comporte chez l’être humain?
Le personnage est inspiré de « La nuit du chasseur » un film américain de 1955 de Charles Laughton, interprété par Robert Mitchum. C’est le promeneur, une représentation symbolique et personnelle de la mort.

Ce livre commence par cette phrase :  » Tous les enfants sont à l’intérieur d’une vieille personne, mais ils ne le savent pas encore. » Une façon poétique d’exprimer que l’homme est prisonnier de son corps condamné à mourir?
Oui, peut-être… Mais pour moi cela exprime que nous avons en nous tous nos âges.

Dans quelle mesure avez-vous été fidèle au texte de Philippe Dorin? Avez-vous ajouté des mots de vous?
Je n’ai pas touché un mot de son texte. L’écriture de Philippe Dorin est comme une pièce d’orfèvrerie, on ne peut pas déplacer et enlever les mots sans risquer de désaccorder une musique. Mon travail était de faire danser ensemble ses mots et mes images.

Le titre est à mettre en rapprochement avec la chanson des allumettes? Une Maison condamnée elle aussi à brûler et à disparaître?
Oui, certainement et d’ailleurs, je le répète, le titre de la pièce de théâtre est: « Dans ma maison de papier, j’ai des poèmes sur le feu ».

Pour conclure, quelles ont été vos sources d’inspiration pour imaginer graphiquement cette dernière rencontre émouvante entre la petite fille et l’aïeule?
Je ne sais pas, il n’y a pas de sources d’inspiration autre que la musique qui me porte lorsque les influences ont été digérées. Pour conclure, faire un livre avec un personnage comme ça, c’est comme dans la vie: Je peux parfois être grand, petit, être mère, père, oncle sœur, gentil, assassin….

Dans ma maison de papier
Texte: Philippe Dorin
Dessins et scénographie: Pierre Duba
Editions: 6 pieds sous terre
Collection Blanche
Prix: 25€

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