En lisant votre biographie, on s’aperçoit qu’en plus d’un environnement familial porté sur la musique, vous avez décidé assez rapidement d’apprendre de façon autodidacte le piano. Est-ce le cas ?
J’ai en fait pris des cours de piano classique pendant une dizaine d’année, ce qui m’a permis d’appréhender les bases de l’instrument au niveau purement technique. Grâce à l’influence de mon père qui est pianiste, et sa passion pour le Jazz, c’est l’harmonie et l’art de l’improvisation que j’ai appris de manière autodidacte.
Pourquoi avoir choisi la voie du Jazz ?
Il y a eu très certainement l’influence de mon père, qui est un passionné, et puis bien sûr un déclic, plus personnel cette fois, lorsque que je me suis intéressé à la musique de Michel Petrucciani, qui incarne pour moi mon entrée dans le monde du Jazz et de la mélodie. Jusqu’à maintenant, je m’y retrouve, c’est un style musical qui me permet de me renouveler tout le temps, d’improviser, de me surprendre aussi.
Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec le Jazz ?
Après Michel Petrucciani, il y a eu Herbie Hancock, mais là par contre, je ne comprenais pas grand chose à la manière dont il improvisait. Avec le temps, j’ai essayé de capter les subtilités et surtout l’intelligence du jeu par rapport à l’harmonie, ce qui m’a permis d’écouter d’autres pianistes et d’autres musiciens en général, et de découvrir peu à peu le vaste univers du Jazz. Je pense qu’il faut une véritable éducation de l’oreille pour apprécier cette musique, et pour la jouer par la suite.
Et de votre premier concert ?
À mon entrée au Lycée, j’ai eu la chance de pouvoir participer aux ateliers de musique une fois par semaine. Pour la première fois de ma vie, je jouais avec d’autres musiciens. Par la suite j’ai proposé mes premières compositions, que j’ai eu l’opportunité de jouer dans le cadre de concerts organisés par le Lycée. Plus tard, mon premier vrai concert s’est déroulé en 2005 dans le cadre du festival Biguine Jazz de la Martinique.
Votre parcours musical est aussi tortueux que riche. Si vous deviez en extraire un moment très important pour la suite de votre carrière, quel serait-il ?
Je pense que ce serait l’enregistrement de mon premier album «Ki Koté». Cette étape est très symbolique tant j’ai du faire en sorte que la musique existe sur un support, le moyen pour tout artiste d’exister, en quelque sorte, de manière intemporelle.
Vous avez récemment dit dans une interview que ce que vous aimiez dans la musique « c’est de créer des mélodies ». Comment s’inscrit ce nouvel album « Tales of Cyparis « dans cette recherche ?
«Tales Of Cyparis» est la continuité de «Ki Koté» en terme de mélodie, bien qu’il n’y ait plus de voix instrumentale. Jusqu’à maintenant, j’ai toujours composé en faisant très attention à la mélodie, le fait que l’on puisse fredonner chacun des morceaux de l’album. Après il n’est pas dit que je ne vois pas les choses différemment plus tard, pour d’autres idées d’album par exemple, mais pour l’instant c’est une volonté presque inconsciente, c’est comme ça qu’une idée de morceau me vient à l’esprit.
Quelle est la part de la culture caribéenne dans ce nouvel album ?
La part de culture caribéenne est presque évidente avec le thème de l’album. L’histoire de Cyparis et tout ce qui s’y passe autour est très importante au niveau du patrimoine Martiniquais. L’exploiter en musique a été véritablement très enrichissant. Pour ce qui est de la musique, je ne me prétends pas défenseur d’un seul genre comme la biguine, la mazurka, le gwo-ka ou le bèlè. Avec le recul, je pense que le travail que j’ai effectué sur mes deux albums reflète plus ma vision artistique personnelle du mélange de toutes ces musiques traditionnelles et du Jazz. La culture antillaise étant elle-même issue du mélange et du métissage de plusieurs cultures très différentes.
Cet album a quelque chose de très littéraire avec la présence de Joby Barnabé. Était-ce une volonté de votre part dès le début ?
Pas du tout, mais c’était inévitable vu le talent de Joby. Il me fallait un vrai narrateur pour pouvoir conter cette histoire, en plus de la musique. Le choix de Joby s’est imposé immédiatement, originaire lui-même de la ville de Saint-Pierre, où a eu lieu l’éruption. Il est vrai que sa contribution a fait en sorte que l’album puisse intéresser un autre public, attiré par les textes au même titre que la musique.
Pouvez-vous nous parler de l’apport du Ka dans Tales of Cyparis ?
Dans cet album, Sonny Troupé et Arnaud Dolmen apportent leur connaissance du Ka, percussion traditionnelle guadeloupéenne. Leur contribution a permis de donner cette marque créole à la musique. Il s’agit de deux musiciens qui représentent l’amour pour la tradition et la modernité à la fois. C’était donc tout naturel de les avoir avec moi pour enregistrer cet album.
Où pourra-t-on vous voir sur scène dans les semaines à venir ?
Prochainement, je serai le 17 Janvier à Lyon avec Jacques Schwarz-Bart, le 13 Février avec Stéphane Huchard, et le 27 Février au Pédiluve à Chatenay Malabry, avec mon groupe cette fois.
Tales of Cyparis
Grégory Privat
(Plus loin Music)
Crédits photos : Sarah Robine
Le site officiel de Grégory Privat
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