Malfaisances et incongruités de l’espèce humaine : la 16ème encyclopédie de Martin Monestier
Par Eric Yung – bscnews.fr/ Elle est enfin parue ! Les fidèles lecteurs de Martin Monestier qui (du fait de la connivence naturelle générée par toute œuvre en construction) sont aussi ses amis et complices l’attendaient avec intérêt.
Depuis quelques jours, ils peuvent, enfin et une nouvelle fois, se délecter des savoirs peu communs de cet « archéologue du pire, briseur de tabous et toujours en quête de l’inimaginable, du scandaleux et de l’occulte » et ce, à travers sa 16° encyclopédie qui rassemble, cette fois, sur près de 1500 pages, les « Malfaisances et incongruités de l’espèce humaine ». Publiée aux Editions du Cherche Midi ce gros livre est le fruit d’un travail « acharné » et de « recherches ininterrompues de près de cinq années ». Disons-le tout de go : le résultat est formidable. Il est, surtout, extraordinaire ! Ce nouvel ouvrage s’inscrit donc dans la lignée des travaux de Martin Monestier et est peut-être le point d’orgue d’une longue série littéraire dont la vocation – pour en résumer l’idée générale- a été de répertorier, pour mieux les faire connaître, toutes les « histoires et bizarreries de l’espèce humaine des origines à nos jours ». En effet, Martin Monestier, dont l’actif bibliographique compte près d’une cinquantaine de livres (essais, documents, ouvrages d’art, guides et biographies) s’est appliqué, avec la rigueur des sociologues et des historiens « à ramasser les excréments de l’histoire : petites crottes sèches ou diarrhées foireuses, qui ont contribué, à leur échelle, à l’histoire générale de l’humanité. » Or, « l’homme remarque-t-il, (…)a un bilan très lourd ». Un constat établi – sans aucun doute- depuis de nombreuses années qui a permis à Martin Monestier, « enquêteur de l’extrême, livre après livre, de pousser l’érudition des incongruités et des extravagances humaines à son comble et de révéler ainsi une histoire du monde telle qu’on ne l’a jamais écrite ». Et il est vrai que peu d’encyclopédistes ou autres érudits curieux des choses de l’insolite ont une soif de savoirs identiques à celle de Martin Monestier. Lui, depuis des décennies, engloutit le maximum de connaissances possibles, imaginables et inimaginables pour, le temps d’un livre, d’une édition et donc pour toujours, les restituer et nous les présenter avec l’enthousiasme enfantin dont Monestier ne s’est jamais départi. C’est ainsi qu’il a, à travers tous ces livres et en particulier sa série encyclopédique, le pouvoir de nous demander avec un grand sourire : « alors, chers amis lecteurs, êtes-vous, comme moi, étonné de tout cela ? ». Qui, d’autres, hormis cet auteur – et pour dire son tempérament- a osé, il y a quelques années et ce, au nom sacré de la fantaisie et de la liberté, saisir la justice, se présenter devant les tribunaux pour faire reconnaître à Obby, son chien de l’époque, le droit d’être – pour de vrai et légalement – propriétaire de sa décapotable américaine ? Qui, d’autre que ce farfadet des utopies a – il y a trois décennies – par amour (amour déçu certes) fouillé les bas-fonds New-Yorkais pour connaître le coût réel du travail bien fait d’un meurtrier professionnel, en embaucher un ensuite avec la mission de supprimer son infidèle épouse ? Monestier ! Bien évidemment, cette mésaventure a été – la douleur passée…- le prétexte essentiel, à rédiger le meilleur livre-document sur les « tueurs à gages ». Il n’y avait donc que lui, Monestier, qui pouvait écrire des encyclopédies sur, par exemple, « Le crachat. Beautés, techniques et bizarreries des mollards, glaviots et autres gluaux », sur « Les seins » avec son « Encyclopédie historique des gorges, mamelles, poitrines, pis et autres tétons », sur « Les suicides, son histoire, ses technique et bizarreries » ou –autre thème exemplaire traité par l’une des 16 encyclopédies de Martin Monestier, celui « Des poils. Histoires et bizarreries des cheveux, toisons, coiffeurs, moustaches, barbes, chauves, rasés, albinos, hirsutes, velus et autres poilants trichosés ». On l’a compris Monestier, s’intéresse depuis des lustres à des sujets, a priori, très secondaires, anodins voire même insignifiants mais qui sont, au contraire – et il nous le démontre – et en réalité fondamentaux pour appréhender un « monde qui a mis en branle un processus impitoyable, une sorte d’engrenage vicieux qui tourne en dérision les valeurs les plus probes, tandis que l’arrogance, l’irrespect, la fourberie, le mensonge, la trahison et l’intérêt le mène. » Ainsi, ajoute l’auteur, « la planète est devenue une sorte d’immense asile psychiatrique où les maladies nosocomiales contaminent les générations les unes après les autres, les poussant peu à peu à des régressions mentales et sociales ». Un constat décliné au mot à mot et suivant la règle alphabétique qui régit les dictionnaires et encyclopédies. Ainsi, l’ouvrage débute avec le mot « Absurdité » et ses « expressions tous azimuts » et se termine avec « Zoophiles », cette « étrange attirance » écrit l’auteur qui a fait dire à Talleyrand « qu’il faut avoir aimé Mme de Staël pour comprendre le bonheur qu’il y a à aimer une bête » mais qui évoque bien entendu d’autres centaines de vocables dont « Miracles » définit, , de bien réel « quand Dieu bat ses records » prétend Jean Giraudoux ou encore « Perfidies » qui est l’art des plus innocents rappelle ici Voltaire.
Par ailleurs, à travers son encyclopédie « Des malfaisances et incongruités de l’espèce humaine » Martin Monestier fait un constat sévère. Il affirme sans crainte que « l’homme est un être malfaisant, irrécupérable ». Et lorsque l’on s’étonne d’une telle affirmation, sans nuances et aussi péremptoire, il répond qu’à son âge, après trois demi-siècles d’observation (l’auteur a aujourd’hui 76 ans) il revendique le droit de dire les choses sans ménagements parce qu’il a acquis des certitudes. Un tel pessimiste (puisque cela en est un peu) mérite, sans aucun doute, le regard critique et amusé du contenu érudit de ce bel ouvrage. Mais, pour Martin Monestier, les dés ont été jetés dès le « départ de l’histoire de l’humanité » puisqu’elle s’appuie, dès son commencement, sur « cinq crimes majeurs – vol, bestialité, jalousie, assassinat et inceste- affirme l’auteur. Ainsi, s’interroge-t-il « Avec un pareil départ, que pouvait-il advenir de l’espèce humaine si ce n’est s’abandonner à son initiale et profonde nature et à perpétrer en les améliorant ses crimes ancestraux. » Il est vrai que l’un des traits de la personnalité de Martin Monestier est de poser , haut et fort, des questions que le commun des mortels voudraient certainement éviter, ignorer par confort intellectuel. L’auteur des « Malfaisances et incongruités de l’espèce humaine » et des quinze autres (entre autres ouvrages) encyclopédies de même nature fait fi de ses convenances. Il ose clamer et écrire en lettres majuscules qu’il est, à ses yeux, indispensable de rappeler sans cesse que les humains que nous sommes « sont viscéralement destructeurs » et que « même les rats, qui régissent leur prolifique société par des règles intelligentes, regardent l’humain, cette bête à gueule plate, prédateur de tout ce qui vit, avec une pointe de satisfaction ». « L’encyclopédie des malfaisances et incongruités de l’espèce humaine », dernière publication de Martin Monestier aux éditions du Cherche Midi vient, c’est certain, compléter un ensemble d’ouvrages qui est, déjà, une valeur sûre aux yeux des bibliophiles avertis.
« Encyclopédie des malfaisances et incongruités de l’espèce humaine »
Martin Monestier
Editions du Cherche Midi
Collection Document
Prix : 49€
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