Borgman : une alliance subtile entre horreur et silence
Par Inès Bedrouni – bscnews.fr/ Alex Van Warmerdam a écrit « Borgman » en s’intéressant aux films d’horreur bien qu’il n’ait jamais été véritablement attiré par ce genre. Il y a trouvé une grande source d’inspiration et en voulant paradoxalement s’adonner à un style différent, il en a extrait le meilleur. Alex Van Warmerdam a adouci l’image du mal, qui sert habituellement d’élément déclencheur, pour le transformer en présence malveillante. Ce mal est incarné par un homme, Camiel Borgman, qui s’immisce dans une famille type et sème le trouble dans leur quotidien. Omniprésent et à la fois invisible, il ronge silencieusement les liens familiaux. La situation globale se décline lentement, emportée dans une véritable spirale infernale.
Le schéma scénaristique n’est cependant pas calqué sur les conventions d’écriture hollywoodiennes et évite au spectateur de s’attacher à un personnage qui aurait été conçu pour. Ici, Alex Van Warmerdam s’est servi de son innocence pour imaginer les personnages et détourne les facilités manichéennes, sans nuire à la solidité de la structure narrative : c’est dans cette atmosphère imperceptiblement décadente que les personnages évoluent. Ainsi, la mère de famille, qui a laissé entrer celui qui les réduit petit à petit à néant, se voit tout de même gagner la compassion du spectateur. Le directeur de la photographie, Tom Erisman, confie d’ailleurs avoir « fait très attention, dans toutes les séquences où elle apparaît, à la mettre en valeur et à la rendre la plus douce et attachante possible. » C’est par des maniements techniques de ce type que le film s’impose dans une esthétique singulière. La colorimétrie caresse les yeux et les plans sont d’une rigueur issue d’un travail extrêmement minutieux. A tel point que la réalisation réussit à faire fusionner deux mondes complètement opposés : les ténèbres dans le récit et la beauté dans le visuel. Déjà comparé au conte par plusieurs critiques, « Borgman » ne s’affirme cependant pas comme un écho volontaire de ce genre, bien que certains personnages soient sans nul doute exclusivement symboliques. Le pouvoir évocateur de cette œuvre ne cesse de surprendre puisque les conventions sont contournées et que l’intimité du spectateur est touchée par des moyens qui lui échappent.
« Borgman »
Date de sortie : 20 novembre 2013
Réalisé par : Alex Van Warmerdam
Avec : Jan Bijvoet, Hadewych Minis, Jeroen Perceval…
A lire aussi:
Le cinéma brésilien : hommage à Carlos Diegues
La Marche : un film réaliste pour l’égalité et contre le racisme
Polichinelle dans le tiroir, globulophage et (dés)espoir!
Violette : Le charme de la littérature et de l’intériorisation dans un biopic
Mon âme par toi guérie : Une histoire d’âme, de guérison et de rédemption