Polar : l’excellent « Avis d’obsèques » de Michael Embareck

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Par Eric Yung – bscnews.fr / « Tête nue sous le crachin, un verdâtre manteau huilé sur les épaules, Michel Winterstein, procureur de la République (…) se tient immobile et silencieux à trois pas du cadavre (…). À côté de lui, la jeune substitut pique du nez (…), mains jointes en un requiem pour sa première viande froide ». Ce court extrait tiré du dernier livre de Michel Embareck dit assez bien, et dès sa page 25, l’intrigue qui compose « Avis d’Obsèques » paru aux éditions de l’Archipel.

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Il y a le lieu, une petite station balnéaire située, sans doute, sur une des côtes qui ont accueilli, en 1944, les armées de la liberté ; il y a un procureur dont les épaules, sous son ciré huilé, semblent porter encore le poids d’un mauvais pan de l’histoire de France et il y a l’image métaphorique de la mort face au renouveau qu’incarne la présence, sur la scène du crime, une frêle jeune fille à peine sortie de l’école de la magistrature. Et puis, il y a un homme avachi sur lui-même et dont la « boîte crânienne ouverte à la façon d’un couvercle à bascule, répand une dégoulinade glaireuse d’os pulvérisés, de sang et de matière encéphalique grisâtre (…) Le macchabée s’appelle Fabrice Kerbrian du Roscoä. Jeune notable du cru il est l’héritier du puissant groupe de presse « France Océan » créé par son père bien avant la Seconde Guerre mondiale. Il aurait été aussi, enfin c’est ce qui se dit dans le pays, le détenteur d’un secret bien gardé depuis soixante-dix ans. Or, si le temps passe, les souvenirs eux –et surtout les plus mauvais- restent à jamais installés dans la mémoire collective et se transmettent, bien souvent, de génération en génération. Et c’est ainsi que l’on murmure, depuis fort longtemps, que de vieux notables de Saproville ne se sont pas toujours bien comportés durant l’occupation ; on chuchote même encore aujourd’hui que certains d’entre eux ont frayé avec l’allemand, que d’autres ont fait fortune dans le marché noir et que d’autres encore ont fomenté quelques complots pour spolier leurs prochains. La rumeur quoi ! Mais les gens d’expérience savent bien que le passé est une vieille fosse d’aisance dont il faut éviter de tirer la chasse d’eau ! Les souvenirs ont souvent mauvaise odeur et le bourgeois et l’affairiste en tous genres ont les narines sensibles. Or un cadavre, membre d’une vieille et, paraît-il, respectueuse famille de Saproville-sur-Mer, découvert à 7 heures, mort d’une balle de pistolet tirée dans la tête, par un matin d’automne et dans la verdure du jardin Balzac, est une situation qui favorise les bavardages, ravivent les mémoires et, du coup –c’est inévitable – lorsqu’on remue de vieilles rancœurs on libère des effluves de purin. La vie en province est ainsi faite : elle a deux faces. Côté pile elle expose ses charmes : convivialité et proximité, des trucs si chers aux gens de la ville qu’ils veulent, le temps des vacances, se fondre dans la communauté indigène. Côté face, elle cache ses méchancetés : elle planque ses rancunes derrière un rideau de fenêtre à peine tiré pour pouvoir mater afin de colporter anonymement les infidélités conjugales du voisin ou les fredaines de la femme du notable locale. Michel Embareck, l’auteur de « Avis d’obsèques » donne par la phrase (et ici, elle est particulièrement travaillée) des tons impressionnistes à son récit tandis que le fond de l’histoire (roman policier oblige) a la violence du noir et blanc. Par ailleurs, celles et ceux qui connaissent Michel Embareck et quelques-uns de ses romans précédents dont « La mort fait mal » et « Le rosaire de la douleur » (réédité récemment en poche) apprécieront, sans doute, dans « Avis d’obsèques » paru aux éditions de l’Archipel, de retrouver le « privé » Victor Boudreaux qui, « s’était retiré des affaires, cloué à domicile par un pépin de santé (…) et qui s’était imaginé au rebut ». Mais comme l’écrit l’auteur « Boudreaux est un homme comme les autres, impuissant à cumuler le syndrome du retraité avec celui du handicapé ». Du coup, il a repris du service et s’est mis en chasse pour retrouver des trafiquants d’objets d’art religieux. Évidemment ses investigations le conduisent à croiser la smala policière et judiciaire officielle chargée de l’enquête sur l’assassinat du patron de presse, Fabrice Kerbrian du Roscoät et à se heurter aux méchants qui ne sont pas les innocents de cette affaire.

« Avis d’obsèques » un excellent roman policier dans lequel l’auteur, Michel Embareck, raconte avec talent les vies quotidiennes d’hommes et de femmes s’agitant dans une parcelle de temps qui ne peut pas et ne pourra jamais se détacher du passé.

« Avis d’obsèques » de Michel Embareck – Editions de l’Archipel

Le site de Michel Embareck

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