« Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je partirai »
Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Exilé sur l’île britannique de Jersey, Victor Hugo ne cesse d’être hanté par la mémoire de sa défunte fille Léopoldine. Un soir, lors d’une séance de spiritisme à laquelle il refuse d’être un participant actif, le spectre de Léopoldine se manifeste et l’interpelle: « Père, pourquoi les quatre innocents ont-ils péri noyés? « ; il est temps pour le père d’affronter une réalité qu’il fuyait et de procéder à une enquête pour connaître le fin mot de cette noyade collective.
Non loin de là, sur l’île de Guernesey, un jeune homme du nom de John Tapner achète une bouteille de térébenthine avant de rejoindre sa maîtresse Alice, la sœur de son épouse; devant subvenir aux besoins de deux ménages, il est désargenté et la menace qu’Alice se retrouve dans la rue est grande…Quelques mois plus tard, Victor Hugo écrira une lettre polémique au Secrétaire d’Etat de l’Intérieur en Angleterre pour s’insurger de la peine capitale infligée à Tapner, accusé à tort d’un incendie meurtrier. Figure littéraire française emblématique, Victor Hugo a eu un destin singulier: connu pour ses nombreuses maîtresses ( dont Juliette Drouet ou encore Léonie d’Aunet sont les connues), touché du deuil mélancolique de sa fille chérie qui imprègne beaucoup ses écrits , adversaire farouche de « Napoléon le petit »… Hommage à ce personnage romantique et engagé, cette bande-dessinée mêle habilement fiction et réalité, conjugue histoire et littérature romantique et pour ajouter le sel du suspense, la scénariste Esther Gil a inséré l’hypothèse narrative suivante: la mort de Léopoldine ne serait pas accidentelle?…d’où la possibilité ensuite d’envisager un one-shot policier dans lequel, en poursuivant la vérité au péril de sa vie, Victor Hugo croisera d’ailleurs des êtres qui lui inspireront la formidable épopée humaine des Misérables et notamment les personnages de Gavroche ou de Javert. Comment Victor Hugo, actif défenseur de l’abolition de la peine de mort, réagira-t-il devant l’assassin de sa fille s’il en est un? Ne néglige-t-on pas ceux qui restent lorsqu’on se cloître dans sa peine?
Gil et Paturaud signent une bande-dessinée admirable autant pour son graphisme que pour son scénario. Au coeur du XIXème siècle , en plus de nous faire côtoyer un écrivain fascinant en multipliant les clins d’oeil à son oeuvre, elle nous brosse un tableau passionnant du Second Empire ( moeurs, paysages urbains et ruraux, croyances, tiraillements politiques et projets architecturaux)… Le trait réaliste de Laurent Paturaud , superbement coloré, y est à l’aise dans tous les registres, des portraits expressifs de l’écrivain aux scènes à la cour de Napoleon III, des scènes sensuelles d’alcôve au Ventre de Paris et ses égouts . Les éditions Daniel Maghen , en outre, le mettent en valeur dans un ouvrage grand format et qui se clôt sur un long cahier graphique. Un INDISPENSABLE donc!
Titre: Victor Hugo, aux frontières de l’exil
Auteurs: Esther Gil et Laurent Paturaud
Éditions: Daniel Maghen
Parution : Août 2013
Pages: 112
Prix: 19€
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