Festival Mondial de Marionnettes : Le G. Bistaki

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Par Carine Roy – bscnews.fr/ Crédit-photo : Collectif G Bistaki © DR/ Créée en 1961 par Jacques Félix et l’Association des Petits Comédiens de Chiffons, du 20 au 29 septembre 2013, c’est la 17e édition du Festival mondial des Théâtres de Marionnettes reconnu pour l’éclectisme et la richesse de sa programmation. En 2013, c’est le thème du « passage » qui est mis à l’honneur : passage de la tradition à l’avant-garde, passage d’une culture à l’autre avec des compagnies venues du monde entier. Focus sur l’une d’entre elles : le collectif G. Bistaki.

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Ce nom G. Bistaki est un hommage à Brassens, à Moustaki, aux Georges… et aussi à Georges Bistaki, personnage mythique et révolutionnaire qu’ils ont inventé et dont ils s’inspirent pour leurs spectacles. Ce collectif français mélange la manipulation d’objets, l’acrobatie et la chorégraphie. Ils sont cinq, tous des anciens du centre des arts de Toulouse, Le Lido. Ils jonglent, dansent et manipulent tout ce qui leur tombe sous la main, par exemple des tuiles et des sacs à main.

Pour votre dernier spectacle « Cooperatzia, le chemin » présenté à Charleville, tout a commencé dans un magasin de bricolage…
François Juliot : On était dans un magasin de bricolage et là, voilà, avec notre passé de jongleur, on a commencé à envoyer un petit peu tous les objets en l’air, à les manipuler, à s’amuser de tous ces jolis jouets, quoi ! Et la tuile-canal orange… elle est restée. En travaillant avec, on a tripé sur plein de choses : son côté sonore, son mouvement toute seule et en l’air. Tous les aspects nous ont intéressés jusqu’aux débris, et le son que cela donne quand on piétine les tuiles.
Florent Bergal :La terre cuite c’est vraiment noble. C’est beau à regarder, ça a une belle couleur orange et en même temps c’est hyper corrosif. Ça charcle les mains, ça fait mal, et en même temps ça a une douceur aussi. En fait, il est désagréable et très désagréable cet objet.

Autre objet que vous manipulez, le sac à main. Poétique, quand ses anses symbolisent les ailes d’un oiseau ; comique, quand il fait des loopings en l’air pour retomber sur la tête des danseurs…
François Juliot : Le sac à mains, c’est parce qu’un jour on s’est rejoint et on avait pas de tuile. Et ce n’est pas n’importe quel sac à main, non…
Florent Bergal complète : Double anse… On a commencé à être sélectif au bout d’un moment, pas n’importe quelle tuile, pas n’importe quel sac à main, on s’est spécialisé !
François Juliot : On s’est vu dans le magasin et juste le fait de se taper dessus avec les sacs à main, ça nous a évoqué les petites grands-mères qui tapent le loubard avec leur sac. Mais, ça, c’est l’esprit très cirque, jongleurs et tout ça, tu prends un objet direct et tu fais des conneries avec.

Vous récupérez ces sacs à main dans les vide-greniers et pour les tuiles, un fabricant toulousain vous donne 40 palettes par an. Avec ces tuiles-canal, vous créez des sols mouvants, des dominos géants, vous devenez des soldats soviétiques… Y a-t-il un fil conducteur dans votre spectacle ou est-ce une suite de petites histoires qui évoquent des images, un monde absurde ?
Florent Bergal : Il y a un contexte, mais pas d’histoires réelles. C’est vrai, on aime l’absurde et on s’autorise des virages complètement absurdes. Mettre une corde à une tuile et la promener comme un chien, danser avec un sac à main sur la tête sur une danse hawaïenne, cela nous semble logique, en fait. Mais les gens nous donnent aussi leurs sensations après le spectacle, il voit le groupe d’hommes qui est prêt à tout pour avancer, même avec la stupidité qui l’entoure, qui essaye de se soustraire de ce collectif et qui n’y arrive pas. « Cooperatzia » c’est quand même une formation de cinq hommes, un clan qui avance de manière absurde, il y a un côté militaire. Un individu peut voir si une action est juste, bête ou intelligente alors que la foule est beaucoup moins regardante. Dès qu’un des membres du clan essaye de s’extraire, il a beaucoup de mal, il se fait taper dessus à coup de sacs à main… Un autre veut casser sa tuile, on lui remet sa tuile derrière le dos et il repart avec nous… Il y a vraiment ce rapport à cette forme de totalitarisme, conscient et inconscient. On l’a découvert en improvisant et on a pu lui donner des notes de féminité, d’humour… et même de douceur, car je suppose que le pire des militaires a des moments de douceur et de poésie, en tout cas je l’espère.

Que signifie le titre du spectacle « Cooperatzia, le chemin » ?
Florent Bergal : « Cooperatzia », c’est un clin d’œil au cargo affrété par les Soviétiques en 1934 pour les Olympiades du théâtre ouvrier. À son bord, on croisait des artistes de tous les pays, comme les Français du groupe Octobre dont Jacques Prévert faisait partie. Ces artistes rêvaient de sortir la culture de son carcan élitiste en jouant dans les usines. C’est aussi ce que nous voulons. Dans les villes où nous jouons, le public, s’il le souhaite, peut participer au spectacle et répéter avec le collectif avant la représentation du soir. Ce ne sera pas le cas à Charleville-Mézières, mais le public pourra quand même s’amuser avec les objets avant le spectacle : jouer aux sacs à tête, faire du lancer de tuiles, participer à des courses de chiens-tuiles… Pour nous, la connivence, l’interactivité avec le public sont très importantes. Par exemple, on a joué à Copenhague, les gens étaient super réceptifs, ils comprenaient toutes nos intentions, c’était assez jouissif. On a joué aussi pour les gamins à La Courneuve, c’était aussi magique. C’est un spectacle qui peut toucher n’importe qui. Le temps de montage est très important. Tu commences à mettre les tuiles deux jours avant, les gens viennent te voir, te demandent ce que tu fais, pourquoi, et après ils participent. On a joué aussi sur l’île de Terschelling en Hollande pendant l’Orerol Festival, il y avait une installation avec 5 000 tuiles et un professeur en Land Art était là avec nous, c’était un parcours de 2,5 km, sur la plage, avec le sable qui recouvrait les tuiles. Notre rapport à la rue, au décor, nous apporte un univers beaucoup plus cinématographique. Il peut y avoir du vent, de la pluie, l’architecture elle-même va nourrir complètement notre univers. À la fin du spectacle, on partait vers la mer… Quelques fois, on a joué il y avait force 8. Alors que dans un théâtre, cela n’a pas le même impact. On a vraiment fait cette création pour la faire évoluer à chaque fois. On ne peut pas classer notre travail, on a été programmé dans les festivals de danse, de cirque, d’art de la rue et puis maintenant de marionnettes, car nous manipulons et détournons les objets. À Charleville, il y aura un petit parcours à faire, mais le spectacle se fera principalement en salle, ce sera encore différent. On défend vraiment un univers qui est très contemporain et en même temps très rudimentaire. C’est un langage très particulier et on a vraiment envie que personne ne se sente exclu.

Quelles sont vos influences artistiques ?
Florent Bergal : Pendant les répétitions, on improvise beaucoup et on ne s’appuie pas spécialement sur des documents ou des histoires. On est quand même des joueurs, vraiment. Il y a beaucoup de travail d’investigation, on creuse une voie de manière assez névrotique. Là, on a pris une tuile et on va jusqu’au bout du jeu avec elle. En fait, je crois que les influences t’arrivent sans que tu les maîtrises. On a souvent dit qu’il y avait une influence de Joseph Nadj, de Beckett, ou alors d’un univers un peu à la Shadock, des choses comme ça. Pour « Cooperatzia », en improvisations, on a tout de suite vu qu’il y avait un univers de l’Est qui arrivait, de Russie, du froid et après, il suffit juste de l’habiter et d’en être conscient et ça passe tout seul. On a mis des longs manteaux, on s’est mis une tuile derrière la tête, et là, hé bien, tu bouges un peu comme un militaire parce que t’es super contraint en fait, on travaille ensuite les marches, etc.

Vous travaillez déjà sur votre prochain spectacle ?
Florent Bergal : Oui! On part du maïs, des pelles et on est tous en costumes blancs, en costards. Voilà la donnée de départ, ça fait référence un peu aux conquistadors, aux colons, aux promoteurs immobiliers. On est en train de les découvrir, cela fait une petite année que l’on travaille dessus. En Espagne, on a travaillé avec d’autres personnes en stage sur cet univers, et du coup, on est en train de voir qu’avec un concerto 21 de Mozart, on est des Viennois qui marchent dans un palais ; sur une musique rock, on est plutôt ambiance « Reservoir Dogs » de Tarantino… Le personnage joué par Klaus Kinski dans « Fitzcarraldo » de Herzog nous a intéressés aussi. On l’a découvert après les premières improvisations, ce mec en costume blanc qui a cette idée complètement folle de faire passer un bateau par la montagne. On travaille là-dessus, sur leur distinction et en même temps sur leur décadence… La création est prévue pour 2015 et on ne se sait pas encore où elle sera. En plus, le maïs c’est facile à avoir gratuitement, on en trouve partout. On va se procurer du maïs exclusivement OGM ,comme ça, ça sera toujours ça de moins à manger !

Les dates en France:
Le G. Bistaki , « Cooperatzia, le chemin », Salle du Mont Olympe n°1, Charleville-Mézières, les 27 et 28 septembre 2013.

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