Les Landes : le festival Arte Flamenco en son écrin de Mont de Marsan
Par Blandine Dumazel – bscnews.fr/ Juillet 2013. L’été est là, ciel bleu, soleil et chaleur. Tous les ingrédients sont réunis pour favoriser une escapade en Aquitaine, dans les Landes gasconnes et vivre le temps d’une semaine trépidante aux rythmes du flamenco à Mont de Marsan. Les passionnés, habitués de l’événement Arte Flamenco, savent qu’en écho à leur plaisir intense, répond l’exigence artistique dont ils se réclament, assurément. Cette année est exceptionnelle, le festival souffle ses 25 bougies ! Pour l’occasion, les artistes les plus réputés du Flamenco sont là. Mont de Marsan, en son cœur de ville, vit à l’heure flamenca. Faire sa sélection fut un vrai casse-tête tant la diversité des spectacles proposés était large. Envie de faire partager des moments forts d’émotions qui bouleversent. Morceaux choisis.
Arte Flamenco entre tradition et modernité
Depuis 2010, le Flamenco est inscrit patrimoine de l’Humanité de l’UNESCO, au titre des biens immatériels, le saviez-vous ? En ce 21ème siècle, le flamenco continue de se transmettre de génération en génération. Le flamenco, son chant, sa danse, sa musique, sont l’essence même de la culture des Andalous et des Gitans, aussi. Quels que soient leurs conditions sociales, leur statut dans la société, ils le vivent au plus profond de leur être. Alors, la culture flamenca fait évoluer son art, c’est logique. A Mont de Marsan, les organisateurs du festival l’ont compris. « Arte Flamenco n’est pas le temps de la rencontre, mais des rencontres et des regards croisés sur le flamenco. », dit le directeur du festival, François Boidron. La programmation invite des artistes de légende et également des représentants de la jeune génération montante, héritiers, bien sûr, des « figuras » des grandes familles du flamenco. « Une programmation fidèle à la tradition du flamenco « puro » tout en explorant les voies de la modernité… »« Arte Flamenco est le plus grand festival de flamenco hors des frontières espagnoles », aiment à affirmer les gens de Mont-de-Marsan. Il a vocation à transmettre, faire rayonner le flamenco et développer des propositions artistiques croisées : danse, musique, chant, arts visuels, littérature. Notons que le festival flamenco de Nîmes a sa place aussi dans le « mundillo » des passionnés du flamenco. Il a lieu chaque année au mois de janvier.
Morceaux choisis
Une initiative nouvelle, hors des programmations habituelles que l’on peut attendre dans un festival de flamenco. A l’invitation de Lionel Niedzerski, responsable de la communication du festival, Michel Vuillermoz, comédien et metteur en scène, prend le pari de porter les mots de Federico Garcia Lorca.
– Le Poète et le Duende, une lecture-récital.
L’instant sublime du festival au Théâtre de Mont de Marsan. Pas de danse, pas de palmas, pas de chant pour dire le Duende. Le Duende du flamenco, pourtant !Mais une lecture ponctuée par les improvisations de Dorantes au piano. Le texte est riche, profond. En 1933, Federico García Lorca prononce sa conférence « Jeu et théorie du Duende » à Buenos Aires. Il annonce « une simple leçon sur l’esprit caché de la douloureuse Espagne ». Pour montrer le Duende, ce génie insaisissable, Lorca s’appuie sur de multiples exemples : Bach, Thérèse d’Avila, Giotto, les chanteurs et danseurs gitans. Tous nous deviennent familiers, sans nul besoin d’érudition, par la voix du poète. Qu’est-ce que le Duende ? « Le Duende, une émotion qui vient du ventre. Un mystère, un charme touchant au divin. C’est quelque chose en plus, un moment où l’homme est en rapport avec quelque chose de supérieur qui fait que l’on reste la bouche ouverte et les larmes aux yeux » confie Michel Vuillermoz. Dorantes, de son nom, David Peña Dorantes, est issu d’une lignée de grands artistes flamencos dont La Perrata, sa grand-mère, son grand-oncle Perrate de Utrera, son oncle El Lebrijano et son père Pedro Peña, réputé guitariste de la musique flamenca. Dorantes est le premier musicien gitan à avoir entrepris des études supérieures de musique : il a étudié le piano, l’harmonie et la composition au Conservatoire supérieur de Séville. Grâce à sa vision particulière – futuriste – du piano et de la musique il ne passe pas inaperçu dans le monde du flamenco ! Une bulle magique…le texte, la voix posée, les silences, le piano. L’envoûtement du Duende.
Cette 25ème édition du festival a su réunir des artistes prestigieux, parmi lesquels Farruquito, le danseur et Tomatito, le guitariste, souvent venus à Mont de Marsan.
– « Abolengo » de Farruquito, petit-fils de Farruco et fils de La Farruca.
Héritier de l’école fondée par son grand-père, il a fait ses premiers pas sur la scène internationale à 5 ans, à Broadway. Très attaché à ses origines, il a créé en 1997, à la mort del Farruco, son illustre aïeul, le maestro, son premier spectacle « Raices flamencas ». En 2004, il reçoit le prestigieux prix APDE du « digne dépositaire de l’héritage de la danse gitane », dit-on. Le patrimoine familial et l’importance des traditions ancestrales font la force de ce jeune danseur. Pour autant, il donne à son baile une dimension nouvelle, moderne, le fait évoluer et affirme ses choix. A Mont de Marsan, il a invité la danseuse mexicaine Karime Amaya. Elle est la grande nièce de Carmen Amaya et la fille de Mercedes Amaya, une des références du flamenco à Mexico. « Abolengo », lignée, héritage, est le nom, chargé de sens, de ce spectacle. La réunion de deux des plus grandes familles du baile flamenco, les Farruco et les Amaya, comme un hommage à la transmission familiale sur une chorégraphie signée Antonio Canales. « On l’a fait à notre manière, toujours avec notre personnalité, précise Juan Manuel Fernandez Montoya, alias Farruquito. C’est comme une réunion de famille, d’amis. » Et d’ajouter « Nous, les jeunes artistes, nous ne sommes pas des révolutionnaires. Nous créons beaucoup de choses, avec notre personnalité, mais on perpétue toujours la tradition. » « Nous sommes allés à la source, à l’origine du flamenco », résume le bailaor, le danseur qui pourtant renouvelle les codes du baile flamenco. Sans contradiction, aucune. Là, est son talent. Maestro en devenir.
– Tomatito Sextet
Tomatito, José Fernández Torres, est né en 1958 à Almería, dans une famille de guitaristes –Tomate son père, Miguel Tomate son grand-père, son oncle Niño Miguel. Il joue sur scène pour degrands noms du fl amenco – La Susi ou Enrique Morente – avant de se consacrer à l’accompagnement de Camarón de la Isla, prenant la suite de Paco de Lucía. Pendant les dix-huit dernières années de la vie du chanteur, ils enregistrent ensemble plusieurs albums et jouent dans les festivals du monde entier. Après la mort de Camarón et une courte période de silence, Tomatito entame une carrière soliste pleine de fougue et de créativité. Sa personnalité charismatique, son « toque » incomparable et son engagement pour la diffusion du fl amenco au niveau international font de lui une icône de la guitare flamenca. Il est considéré par ses pairs comme l’une des références incontournables de la guitare flamenca depuis les années 1970.
Quand le flamenco devient prétexte à la découverte de la « ville aux trois rivières »
Etre festivalier demande une organisation minutieuse de son planning quotidien si tant est que l’on soit curieux et que l’on ait le désir de découvrir la ville dans son ensemble. Un conseil pratique, il faut se réveiller tôt, même si l’on s’est couché au petit matin car chaque soir la fête se prolonge tard dans la nuit et que le principe du festival est de programmer des scènes toute la journée ! Se planifier des plages balades, n’est pas aisé. Découvrir Mont de Marsan, en gascon « Lou Moun »… La ville est située au cœur de la Gascogne qui la baigne de son ciel lumineux, entre plage et montagne, en limite de la forêt des Landes, on l’appelle aussi « la Ville aux Trois Rivières » car elle est implantée au confluent de deux rivières, la Douze et le Midou, lesquelles se rejoignent en centre-ville et forment alors une autre rivière, la Midouze. Ces rivières protègent naturellement le bourg initial et font du cœur de ville une presqu’île pour les Montois, ses habitants.La ville de Mont-de-Marsan est une étape sur la route historique du pèlerinage qui part de Vézelay vers Saint-Jacques de Compostelle. Fondée au Moyen-Âge, son histoire a laissé des vestiges qui agrémentent le centre ville : le Donjon Lacataye, qui abrite un musée de sculptures, des rues médiévales, des sections d’anciens remparts, des maisons bourgeoises, l’ Hôtel de Ville, les Églises de la Madeleine, de Saint-Médard, les Arènes du Plumaçon… Les sites liés au patrimoine historique et culturel local sont nombreux. Les lieux d’accueil des spectacles, les scènes en plein air ou dressées sous chapiteau font des itinéraires traversiers de la ville… Pour aller du Café Cantante, l’ancien Marché couvert St Roch superbement restauré, au Théâtre sur la Place Charles de Gaulle, on traverse la Place de la Mairie, descend vers un large pont bordé de sculptures géantes, qui laisse découvrir la cale de l’abreuvoir et son charme d’antan. Prenez le temps de découvrir ce patrimoine témoin d’un passé chargé d’histoire.
Dans le Sud de la France, les régions de Nîmes et de Mont de Marsan, sont regardées comme des terres flamencas, non seulement par les enfants de l’immigration espagnole qui s’y sont établis et les Gitans mais aussi par les artistes andalous qui viennent volontiers présenter leurs spectacles dans les festivals de ces deux villes-là. Le « Duende » que procure le flamenco ne prévient pas. Il ne se décrète pas, il est. Dès lors que l’on est touché, il bouleverse, il bouscule, il attache. Pourquoi ? Ecouter, observer, partager, pour essayer de comprendre. Le temps de l’apprivoisement peut-être long. Qu’importe ! Se laisser envahir pour savoir. Tout simplement.
A lire en prolongement: Jeu et théorie du Duende, Texte de Federico García Lorca. Editions Allia. 6ème édition janvier 2012.
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