Quel genre de réalisatrice est Emmanuelle Bercot sur le tournage ?
Elle est très motivée et surtout très concentrée. On peut sentir son regard sur vous pendant toutes les prises. C’est quelqu’un qui est très « physique », chaque scène a demandé beaucoup de travail et d’énergie. J’aime ça, on a besoin de parler plus fort dans les films français, de réalisation plus dynamiques.
Parlez-nous de Bettie.
J’aime sa curiosité. Sa vie est rythmée par la routine. Elle a repris le restaurant de ses parents parce que c’est ce que l’on attendait d’elle. Mais un jour, elle se dit que trop c’est trop. Elle est au beau milieu de sa cuisine et elle s’arrête net. Elle dit « je reviens tout de suite » mais en fait, elle part, pour de bon. À partir de ce moment-là, elle est en vacances permanentes. Son côté enfantin et frivole refait surface, elle se rend compte qu’elle est libre. Elle est pleine de vitalité, c’est une femme, une fille, une mère et une grand-mère, et elle connaît les hommes, elle les voit pour ce qu’ils sont.
Dès qu’elle démarre, Bettie porte les mêmes vêtements pendant tout le film, ça vous a dérangé ?
Emmanuelle et moi avons discuté des costumes et coiffures en détail. Au cinéma, on triche souvent avec les costumes – on a tendance à perdre le sens des réalités en France – mais on a évité cela dans ce film et j’étais contente. Quand Betty décide de partir, elle est dans sa cuisine, elle n’a rien planifié à l’avance, elle quitte son lieu de travail avec rien ni sur elle ni en poche. Elle vit en Bretagne, donc c’est à peu près logique qu’elle ait un imperméable et des bottes dans son coffre (rires). Mais pour le reste, il fallait vraiment donner l’impression qu’elle était partie sans rien.
Êtes-vous personnellement impliquée dans le choix de vos films ?
« Elle s’en va » est un film assez inhabituel, du fait qu’il y a très peu d’acteurs professionnels. Mais c’est vrai, j’aime pouvoir discuter d’un film avec le réalisateur avant et pendant le tournage. Je vois un film comme une collaboration. L’acteur a un autre point de vue que celui du réalisateur puisqu’il est de l’autre côté de la caméra, il voit les choses différemment. Personnellement, je ne me mets jamais à la place du réalisateur, jamais. Cela dit, certains sont plus ou moins enclins à partager leurs idées et à connaître les vôtres. Récemment, j’ai plutôt été chanceuse.
Qu’est-ce qui motivent vos choix ?
Certains diront que je fais des choix audacieux, mais en fait pour moi, ils viennent juste naturellement. C’est la curiosité qui me guide à faire ces choix. Dans ma vie personnelle aussi d’ailleurs. Peu importe où je vais, pour faire un film ou passer des vacances, je dois visiter. J’aime aller dans les vieux quartiers, les cafés, les marchés. C’est comme ça que je suis. C’est ce qui me pousse à avancer. J’adore les nouvelles choses, les nouvelles idées, les nouveaux visages. C’est vrai que j’ai joué dans des projets plutôt inhabituels, un peu hors des limites des paramètres traditionnels, comme par exemple « Je veux voir » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige tourné au Liban. Les gens pensent que je suis très ouverte. Mais pour dire vrai, je suis en fait très égoïste, je suis mon instinct et mes propres désirs.
« Elle s’en va »
(R : Emmanuelle Bercot – France)
Section : Compétition
Sortie française : 18 septembre 2013
( crédit Photo Jm Leroy)
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