Cyril Teste

Le monde de l’entreprise aux prises du théâtre et des nouvelles technologies

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Par Julie Cadilhac – bscnews.fr / Crédit-photo: ©Abeele / Cyril Teste est metteur en scène et comédien. Après une formation en arts plastiques et des cours de théâtre à l’Ecole régionale d’acteurs de Cannes puis au conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, il imagine avec le collectif MxM une forme de théâtre singulière qui mêle le théâtre à la vidéo et aux nouvelles technologies.

propos recueillis par

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Il présente en juin 2013 Nobody, adaptée librement de l’oeuvre « Sous la glace » du dramaturge contemporain Falk Richter. Une performance filmique axée sur le monde de l’entreprise dans laquelle les spectateurs assisteront à la fois au tournage et au film qui se déroulera en direct sous leurs yeux. Rencontre avec son réalisateur-metteur en scène.

Pourriez-vous d’abord nous présenter votre collectif MxM?
Metteur en scène du Collectif MxM fondé en 2000 à Paris, notre démarche interroge un théâtre où l’interdisciplinarité est au centre du processus de création, explorant par là le potentiel des nouvelles technologies. Nous ne négligeons pas pour autant l’importance des textes dans le travail, nous collaborons essentiellement avec des auteurs contemporains dans une volonté de traduire un monde en résonance directe avec son temps. Quelle poésie de l’ici et du maintenant ? Les outils contemporains que nous utilisons tels que la vidéo, les espaces augmentés et bien d’autres dispositifs interactifs, participent de cette tentative d’écrire une langue nouvelle, plus exactement une langue vivante.

On a pu lire que ce qui vous fascine c’est  » la place de l’homme dans un monde où la surmodernité est devenue fin ultime »….qu’entendre par surmodernité?
La surmodernité comme l’entend Marc Augé -entre autres- à travers les non-lieux: espaces où il est difficile de s’inscrire à l’intérieur car ils ne sont que lieux de transit comme les aéroports, supermarchés, gares; espaces où il est difficile de laisser une trace, en réalité. Mais également une ère où le monde vient à nous mais nous n’avons plus besoin d’aller à lui , via internet, etc. La surmodernité liée à l’architecture et aux technologies d’aujourd’hui par exemple.

La surmodernité nécessiterait donc des surhommes?
Le surhomme est peut être celui qui passe au dessus de tout ça.

Vous pensez donc que la société est dans l’excès, dans sa quête effrénée de nouvelles technologies…. mais cette surmodernité, n’est-ce pas ,tout simplement, la « modernité » de notre époque? Est-elle un mal selon vous?
Je pense qu’il ne faut pas forcement la diaboliser. Elle peut en effet nous égarer dans notre relation au monde comme parfois nous éclairer . C’est un outil avant tout, mais l’addiction est présente. Je pense qu’il est important que nous restions conscients que notre propre temps est fondamental pour se construire et que vouloir être de son temps, c’est aussi vouloir le prendre.

Pour rendre cette idée sur un plateau, comment éviter de tomber dans du trop conceptuel? et rester dans du théâtre justement?
Je pense que l’écriture de Falk Richter traduit très bien cette incapacité que les hommes ont parfois à se détacher de leur système. En dehors c’est l’errance et donc la peur où la violence s’installe. C’est un sujet très commun aujourd’hui je pense ; en parler, c’est tenter de ne pas l’oublier à défaut de le dénoncer… mais tout être aujourd’hui est lié à ces question dîtes de stress, de performances, d’efficacités , de résultats: c’est une réalité concrète.

Comment s’est portée votre choix sur l’oeuvre de Falk Richter?
L’écriture de Falk Richter est en résonance avec son temps, elle oscille entre la poésie et le réalisme, entre l’espace mental et le choc physique. Je pense que Falk est un auteur de son temps qui, non sans humour et sans violence, observe une catégorie de gens en quête d’identité qui ne deviennent pas esclaves du système ou des machines, mais qui ,tout simplement ,l’ont bel et bien digéré. Ca me parle bcp car il ne suffit pas de dénoncer ces systèmes, parfois simplement l’observer peut être aussi éclairant et ne pas s’en exclure me semble important aussi, car nous en faisons partie et ne sommes pas toujours plus intelligents que les autres.

Vous avez choisi de vous axer sur le monde de l’entreprise et montrer le pouvoir qu’elle exerce chaque jour sur les êtres qui la côtoient ; après des heures de travail sur le projet, quels constats en tirez-vous? Y’a -t-il une chance que l’homme en sorte indemne?
J’ai le sentiment que le sens des choses s’amenuisent de plus en plus, je ne peux pas vraiment prédire quoi que ce soit, mais je constate une souffrance, un assèchement liés à des systèmes qui effacent l’humain comme on efface des données informatiques; les hiérarchies pyramidales s’essoufflent, en même temps que les employés qui les subissent, l’auto-évaluation « qu’est ce que ça veut dire? », on a de plus en plus de psys dans les entreprises… peut être qu’il est temps de comprendre que les dommages collatéraux sont considérables, reste à reconsidérer la place et la valeur humaine- et pas seulement dans les entreprises d’ailleurs! Donc oui, il y a des chances que l’homme garde des séquelles… mais en rien je ne vois dans ce constat de la fatalité. On continue à faire du théâtre n’est ce pas?

Cette pièce sera jouée In Situ, c’est à dire au coeur même des bureaux du Printemps des Comédiens : pour que le spectateur ressente davantage l’aspect documentaire et concret de votre travail, on suppose ?
Tout à fait, et pour être en phase avec une écriture cinématographique car il s’agit avant tout de réaliser en direct un film et donc de renforcer son réalisme. Du Cinéma vivant en quelque sorte.

Elle sera représentée à des heures fort tardives…pour des contraintes simplement techniques de qualité des projections?
Entre autres, mais nous allons aussi explorer dans ce nouveau projet la question pour les spectateurs du cinéma en plein air. Car même si la performance se tourne dans les bureaux du Printemps des comédiens, la projection se fera dehors, donc en effets les lumières seront déterminantes.

Le spectateur verra de l’extérieur le film joué à l’intérieur des bureaux….pour le soumettre une fois de plus face à son état passif de réceptacle de situations sur lesquelles il n’a pas de maîtrise? pour créer une distanciation?
La frontière qui sépare les spectateurs des acteurs sera l’écran et les vitres du bâtiment . Seule la fable les rassemblera dans un temps commun à tous.

Enfin, comment avez-vous travaillé avec les comédiens de la Promotion 2014 de la Maison Louis Jouvet? à partir d’improvisations, de débats sur les thèmes abordés par le dramaturge?
Je voudrais préciser une chose importante : c’est avant tout un laboratoire entre MxM et la Maison Louis Jouvet/ENSAD/Ecole Nationale Supérieure d’Art Dramatique de Montpellier dirigée par Richard Mitou avec les 14 comédiens de la Promotion 2014. S’y sont ajoutés, dans le cadre d’un stage de mise en situation professionnelle, 2 étudiants en Master de l’Université Paul Valéry III et 2 étudiants de 4e année de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts. Ce projet ,en dehors de son contenu artistique, questionne et développe d’autre part des réseaux d’écoles et d’institutions en regard des évolutions actuelles des arts de la scène. La mise en relation d’univers différents ( apportant chacun leurs qualités propres) contribue à la richesse des échanges qui s’instaurent, avec cette exigence et ce désir permanent d’interroger le croisement entre transmission, recherche et création.Ce qui demande beaucoup de temps de préparation à tous les niveaux et donc, comme vous dites, qui passe par divers chemins pour trouver son écriture propre.

> Nobody
-Dimanche 9 juin 2013 à 22h30, le 10,11, 12 juin à 0h30, et le 13 juin à 22h30 au Printemps des Comédiens (Domaine d’Ô- Montpellier)

-Rencontre le jeudi 13 juin 2013 à 19h avec Cyril Teste aux Micocouliers ( Printemps des Comédiens, Montpellier).

-Une conférence en présence de Falk Richter et de Cyril Teste aura lieu le 24 mai 2013 à 11h au Studio Bagouet du CCN ( Les Ursulines, boulevard Louis Blanc, Montpellier).

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