
Razerka Ben Sadia-Lavant et le thriller Othello
Par Julie Cadilhac- bscnews.fr/ Photo Crédit-photo: DR /Razerka Ben Sadia-Lavant est metteur en scène. Dès 1999, elle crée la Compagnie Objet Direct. Après avoir monté plusieurs pièces d’auteurs contemporains dont Un garçon sensible et Le Projet H.L.A de Nicolas Fretel, elle crée ensuite L’Homme assis dans le couloir de Marguerite Duras, puis s’est tournée vers Shakespeare et la langue élisabéthaine avec Timon d’Athènes ( 2011) et en 2013 s’attaque à Othello. Après avoir mis des « baskets » au dramaturge anglais et fait jouer Timon d’Athènes par des figures qui s’exprimaient en joutes verbales rythmées par la musique, Razerka Ben Sadia-Lavant imagine « Les amours vulnérables de Desdémone et Othello » librement inspirée de la pièce de Shakespeare et dans laquelle elle souhaite insister sur l’équilibre fragile à maintenir pour l’homme civilisé entre culture et barbarie, montrer que « dans Othello, c’est la différence culturelle du Maure qui révèle l’importance de la culture » et que si l’amour nous élève, il peut aussi nous conduire à la barbarie. Comment a-t-elle conçu cette histoire qu’elle voit fonctionner « comme un thriller » dans lequel Iago » à la façon d’un joueur de poker, (..) parie sur sa virtuosité à miser le destin des autres »? Qui a-t-elle choisi pour interpréter les mythiques personnages mêlés à cette terrible machination amoureuse? Ici même les réponses pertinentes d’une artiste engagée.
C’est la deuxième fois que vous montez Shakespeare. Après Timon d’Athènes, Othello…qu’est-ce qui vous séduit particulièrement chez ce dramaturge?
Ce qui me plaît particulièrement dans ces deux pièces, c’est leur rapport au verbe, à la parole. Dans Timon d’Athènes, Shakespeare fait mourir le personnage principal en le faisant se taire. La mort est donc représentée par la fin de la parole. Symboliquement tant qu’ il y a de la parole, il y a de la civilisation ; c’est le verbe qui crée. A l’inverse, dans Othello, la parole détruit : c’est elle qui va plonger le personnage principal dans la folie et provoquer la destruction de son monde.
Vous aviez monté un Timon d’Athènes version slam? Cela signifie-t-il que vous aimez dépoussiérer les classiques? Dans quelle mesure prenez-vous des libertés avec le texte original? Vous aviez auparavant travaillé sur des textes d’auteurs contemporains essentiellement ; diriez-vous que Shakespeare est un des dramaturges classiques les plus modernes qui soient et que c’est pour cela que vous l’avez choisi?
Le temps n’a pas d’emprise sur Shakespeare ; on ne peut pas parler de modernité ou de désuétude de cette auteur puisqu’il est universel et intemporel. Je ne pense donc pas qu’il ait besoin d’être dépoussiéré, d’ailleurs je n’aime pas beaucoup cette expression tout comme je déteste les endroits trop propres. Le théâtre de Shakespeare n’est pas un théâtre de produit fini, aseptisé, sous vide; il nous offre simplement la possibilité de nous réintroduire chez lui dans sa propre poussière. …