En prélude, le thème de l’identité est-il le fil rouge de votre création musicale ?
Il n’est pas le fil rouge mais l’un des nombreux fils rouges qui sont particulièrement présents dans ma musique. Il y a en permanence un travail parallèle assez analytique dans quasiment tout ce que j’entreprends musicalement. Et la reflexion autour de l’identité en fait partie certainement.
Où avez-vous appris à aimer et à magnifier de la sorte la confluence des genres musicaux ?
Je pense que ce n’est pas quelque chose j’ai appris. Cela fait partie de ma manière d’envisager le monde dans lequel je vis. Rien n’est d’origine. Tout est mélange et métissage. L’intérêt qu’il y a à faire de la musique, s’il ne devait y en avoir qu’un seul, ce serait de ne jamais répeter ce qui a déja été fait. Et par conséquent, renouveler au maximum les idées. Je suis persuadé qu’en apportant du sang nouveau, on peut créer de belles choses.
Avec la sortie l’année dernière de Diagnostic, vous avez terminé un tryptique. Le bilan a-t-il était plus personnel que musical ? Ou les deux à la fois ?
Les deux, bien entendu. Même si la recherche personnelle, assez intime finalement, et qui a duré une bonne dizaine d’années, à donné lieu à ce bilan, ce rapport entre mes envies et l’essentiel, il est avant tout musical. La sincérité de cet album tient au fait avant tout qu’il est lié à une recherche qui va bien au-delà de la musique mais qui s’est exprimée par ce language que tout le monde peut comprendre et qui ne peut faire que ma langue fourche. Aucune mauvaise interprétation n’est possible.
Il y a une méfiance de votre part pour l’académisme et un appétit énorme pour la création personnelle. Est-ce que vous êtes aujourd’hui plus que jamais convaincu de la voie qui est la vôtre ?
En réalité j’ai beaucoup d’affection et de respect pour le systeme académique mais pour l’avoir vécu de l’interieur longtemps, et encore aujourd’hui puisque depuis plus de 8 ans j’enseigne au sein d’établissements supérieurs de musique, j’en connais aussi les dérives et les travers. Et j’essaie dans la mesure du possible d’aider à corriger ce qui me semble nécessaire de corriger. Et puis, lorsque je sens que je ne peux plus rien y faire, je m’éloigne et construit les choses à ma manière. En effet, la création me permet à la fois de fonctionner selon un système bien pratique, tout en apportant mes petites idées.
Comment faites-vous pour marier toutes les influences musicales qui vous parcourent ?
Je laisse mon instinct me guider. Je n’essaie pas de ressembler à tel ou tel musique ou musicien. Je trace ma route. Je construit petit à petit la musique qui m’aide à vivre. Et c’est cela que vous écoutez. Après on peut y voir des mélanges. Moi je n’entends que ce qui résonne dans mon corps.
Est-ce prémédité à la naissance de l’album ou cela vient naturellement lors de sa conception ?
Tout se fait en même temps. Pour être tout à fait honnête je découvre régulièrement des choses. Je n’ai pas réellement compris comment cela fonctionnait, mais je m’y atèle!
Beaucoup essaient de vous classer dans un genre musical, mais sans succès. N’est-ce pas finalement la quintessence de votre création de n’appartenir à aucun mouvement musical et jouer simplement ce qui vous fait vibrer ? N’est-ce pas là une des définitions possibles du Jazz ?
En effet !
Quel regard portez-vous sur le magnifique héritage musical de votre père ?
J’en suis fier et honoré. J’essaie régulièrement d’être à la hauteur. Parfois j’oublie, et parfois moins…
Vous déclariez dans une interview récente » Ma psychothérapie est terminée, je ne dois plus rien à personne « . Considérez-vous que ce tryptique fait à présent partie d’une de vos anciennes vies musicales ?
Oui clairement. Et en même temps, il dessine assez bien ce que je suis et ce que j aime.
Quelle est la part de l’exil dans votre musique ?
L’exil est présent partout et nulle part. Je n’y pense jamais mais je l’entends partout. C est assez étonnant comme sensation.
Quelle est la part de l’instinct à présent dans votre création ?
Partout et nulle part…
Chacun de vos albums n’est-il finalement pas l’une de vos vérités, Ibrahim Maalouf ?
Je pense que c est l’ensemble la vérité. Et comme j’ai la sensation d’être loin d’avoir dit mon dernier mot, la vérité est loin d’être claire!
Si vous deviez définir en deux mots, votre nouvel album Wind, quels seraient-ils ?
Miles et Davis!
> Ibrahim Maalouf Diagnostic & Wind ( Mister Production)
> le site officiel d’Ibrahim Maalouf
A lire aussi :
Shai Maestro : un Jazz tout en finesse
Sophie Darly : un jazz fait de fraîcheur et de Motown
Virginie Teychené : Le Jazz des mots et du langage
Alyssa Graham : Un Lock Stock and Soul équilibré, élégant et mélodique
Malia : » Nina Simone m’a donné le courage d’être ce que je suis aujourd’hui «