Fabrice : entre les Bob, la voix et la guitare balancent
Par Julie Cadilhac –bscnews.fr/ Fabrice est né en Guadeloupe et dès l’adolescence, c’est dans le sud de la France qu’il a grandi. Son premier album « La brise » au frontière du jazz, du Folk et du Gwo ka (le tambour des esclaves en Guadeloupe) a été coup de coeur à la Fnac et lui a valu une bourse de la SACEM.
De rencontre en rencontre, de pays en pays, de spiritualité en spiritualité, il a ensuite imaginé « Roots » en 2011 et aujourd’hui son dernier album en préparation se nomme RedGold&Green Folk. Il est également un des artistes lauréats de la compilation Rap Languedoc Roussillon, Disk’Air . Une voix chaleureuse et caressante à découvrir.
Une histoire qui commence donc à la Guadeloupe avec une famille férue de musique?
Oui. Ma mère chante encore dans une chorale; mon père s’amuse toujours avec son harmonica mais ce sont surtout deux mélomanes incroyables qui m’ont sensibilisé à tous les styles musicaux. Il doit bien y avoir 5000 oeuvres musicales à la maison entre les Vinyls, CD, K7, DVD.
Qu’est-ce qui a déclenché votre envie d’écrire votre premier album en français?
Le retour en Guadeloupe après 10 ans d’absence voire d’exil (rires). Au final j’aurais voulu le faire en créole mais je le maîtrise moins bien et cela aurait été faire semblant pour « faire authentique »…Je suis passionné par la poésie et il me semble que nulle langue au monde n’est aussi évocatrice que le français. Mais je parle comme un francophone; j’imagine qu’un allemand préfèrerait l’allemand.
A quel moment avez-vous décidé de chanter en anglais?
J’ai du mal avec le chant en français. Dans ma discothèque les seuls français sont Serge Gainsbourg, Oxmo Puccino, IAM, NTM…que des gens qui parlent. La musique que j’avais dans la tête, ce mélange de Folk et de Reggae, je ne l’entendais pas en français et comme j’avais vécu à Londres , je me suis dit qu’il ne fallait pas forcer les choses; un peu comme pour le créole. Nous sommes européens, pas simplement guadeloupéen ou français et je voyage tellement que cela s’est imposé à moi comme une évidence.
Vous avez l’habitude de dire que vous êtes entre les Bob ( Marley et Dylan) : est-ce volontaire ou juste un constat?
Je ne sais pas. J’adore la cadence chaloupée ,et pourtant très forte et virile du Reggae, tout comme le côté mélancolique et engagé du Folk des débuts de Dylan. En fait c’est un constat, je n’ai pas envie de faire du pur Reggae ni du pur Folk; en suis-je capable d’ailleurs? Il me faudrait suivre des règles préétablies et je suis musicien parce que j’aime la liberté. Je suis un métis tout comme ma musique et ces musiques sont aussi issues de métissages, de brassages de cultures même si quelques imbéciles prétendent que le Reggae doit sonner comme ci ou comme ça.
Vous dîtes avoir du mal à expliquer ce que vous voulez faire aux autres musiciens et que vous êtes donc obligé de toucher à tout pour concevoir vos albums…le signe d’un être très perfectionniste, toujours insatisfait…ou un travers du métier de professeur de français…que vous exercez toujours?
Non, rien à voir avec le métier de prof que je n’exerce plus vraiment qu’à l’occasion. Je suis un insatisfait de nature. Un RER : râleur, exigeant, rebelle (rires). Des fois, j’aimerais bien être juste un mec cool qui laisse faire et apprécie tout au premier degré mais ce n’est ni dans ma nature, ni dans mon éducation. En réalité, je suis une espèce de dictateur souriant (rires). Ce monde me désespère parfois, les gens qui se plaignent participent ardemment au processus qui leur nuit; par bêtise ou ignorance mais souvent aussi par fainéantise et manque d’intégrité. Je ne veux pas vieillir dans la sécurité en ayant une vieille tête d’imbécile. Je veux toucher la spiritualité, la vraie, pas celle des béni-oui-oui mais de ceux qui se brûlent aux choses pour en éprouver les limites et la véracité. Et cela passe par des remises en question dans tous les domaines. En musique aussi. Il y a beaucoup de musiciens mais peu d’artistes vous savez.
Quels thèmes abordez-vous dans RedGold&Green Folk?
L’amour, l’évasion, la famille, la rébellion, l’absence, la méditation, l’injustice, rien de bien neuf. Des thèmes mille fois abordés mais sous l’angle de ma personnalité.
Cet album est au croisement de nombreuses influences qui ont jalonné, on suppose, votre parcours de musicien et vos voyages?
Oui. Tellement bien digéré que peu de gens s’imaginent que mon artiste ultime c’est Prince (rires). J’entends souvent dire que je ressemble à Patrice ou Ben Harper mais je n’ai que deux albums de ces musiciens et tous ceux de Prince. Ce mec est incroyable,tant dans son génie musical que dans son attitude par rapport au business et au public. Il se donne les moyens d’être le plus libre possible. Prince fait du Prince. J’ai la prétention de vouloir faire du Fabrice. Oui, je sais c’est chaud de dire ça (rires).
Enfin, que vous souhaiter en 2013?
De cartonner et d’avoir la lucidité de monter une entreprise responsable capable de faire vivre des gens du métier choisis avec minutie, de leur être fidèle et de les récompenser pour chaque marche qu’ils m’aident à gravir. On ne peut pas changer le monde mais on peut changer le quotidien d’une dizaine de personnes avec qui on partage les mêmes valeurs quand on obtient le succès. Je le dois aussi à mes proches car ils savent que je ne me suis jamais résigné, jamais caché même si j’ai dû parfois mettre un pied à terre. J’aimerais un jour pouvoir leur dire : « Alors? On dit quoi maintenant? Allez on va tous en Guadeloupe, c’est moi qui régale! «
Pour écouter Fabrice:
http://fabrice.bandcamp.com/album/the-redgold-green-folk-project
Dates de concert:
– le 1er mars 2013 à la salle Paloma (Nîmes)
– 10 avril 2013 – Jamaica Happy Pub (Montpellier)
– 20 avril – Mondial du vent (Port Leucate)
– 26 avril – Macadam pub (Montpellier)
– 10 mai – Bélvédère du Corum (Montpellier)
– 11 mai – Le Jardinet (Saint Jean de Védas)
– 20 mai – Comédy club avec Rémy Kolpa Kopoul-Partenariat Nova (Paris)
– 21 juin – Le Peyrou/Fête de la musique (Montpellier)
– le 20 mai 2013 au Comedy Club (Paris) pour l’émission de Rémy Kolpa Kopoul.
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