Jean-Louis Trintignant : »Dire de la poésie sur un plateau, c’est aller à l’essentiel, sans fioritures »
Texte Julie Cadilhac- bscnews.fr/ Illustration Arnaud Taeron/Photo DR /Jean-Louis Trintignant adore la poésie. L’envie de partager sa passion l’a conduit une fois encore sur les planches. Il a choisi trois poètes du vingtième siècle, Jacques Prévert, Boris Vian et Robert Desnos, épris de liberté comme lui-même. La résistance et le combat, l’amour présent ou qui s’en est allé sont autant d’occasions de s’enivrer d’images, de rire ou de s’enflammer. Mis en scène par Gabor Rassov et accompagné par l’accordéon de Daniel Mille et du violoncelle de Grégoire Korniluk, il vient à notre rencontre les bras chargés de mots : pas de doute que son plaisir sera contagieux. Voici les confessions sensibles que nous avons recueillies de ce Grand Monsieur.
Vous souvenez- vous de votre première rencontre avec la poésie?
Oui. J’étais adolescent, je devais avoir 14 ou 15 ans. C’était avec Prévert, quand son recueil de poésie Paroles est sorti. Ça a été un grand succès, un phénomène, jamais un livre de poésie n’avait eu un tel succès.
Qu’est ce qui vous transporte d’abord dans ce genre littéraire ? Cela varie-t-il d’un auteur à l’autre ou existe-t-il une constante?
La simplicité et la musique du langage me plaisent énormément en poésie. C’est musical sans en rajouter. Mais il y a des poètes plus élitistes que d’autres. Rimbaud ou Baudelaire, c’est de la grande poésie mais ils sont beaucoup moins accessibles, moins populaires que Vian ou Prévert.
Vous qui êtes féru de poésie, diriez-vous que vous avez un panthéon d’auteurs dans lesquels vous puisez indifféremment pour vos lectures ou chaque univers poétique répond à un mouvement de votre âme, à un moment de votre vie?
Les trois poètes libertaires me touchent beaucoup (Vian, Prévert, Desnos). Ce qu’ils écrivent correspond à ce que je pense dans la vie. Je me considère comme un anarchiste. C’est vrai qu’un univers poétique correspond à un moment de la vie. Quand je m’amourache d’un poète, je ne lis que ça pendant un an ou deux. C’est ainsi que j’ai eu une époque Baudelaire, une époque Rimbaud, une époque Laforgue, qui est considéré comme un poète mineur, à tort selon moi!, une époque Charles Cros… Les poètes étrangers me touchent moins, je ne crois pas que la poésie supporte la traduction. Par exemple Rilke est considéré comme un poète immense mais pour ma part, je lui préfère Laforgue. Il y a d’autres grands poètes français, comme Victor Hugo. Ce qu’il écrit est brillant… peut-être trop. On a parfois l’impression qu’il écrit pour faire joli. Chez les poètes libertaires, ce n’est jamais le cas.
Vous avez choisi de dire des poèmes de trois auteurs libertaires… Desnos, Prevert, Vian: trois poètes au verbe accessible, « populaire », pourrait-on dire? Qu’aviez-vous envie de partager?
Oui, j’avais envie de partager ces auteurs, de les faire connaître. Nous ,comédiens, sommes des passeurs. C’est grâce aux textes des autres que nous transmettons les émotions au public.
Au début de ce projet, notre metteur en scène m’a dit « Ne dis pas de la poésie, tu vas ennuyer le public, raconte des histoires ». Et ça marche, ça marche d’autant mieux que ces poètes sont populaires, accessibles. Ils utilisent des mots simples, que tout le monde comprend, et écrivent pourtant des choses très jolies, très très jolies. Le public est sensible à la poésie.
Riche d’une expérience théâtrale et cinématographique d’exception, que vous apporte de particulier, de différent, ces « déclamations » de poèmes sur un plateau? Une anecdote à raconter?
Le théâtre c’est avant tout le Verbe. Dire de la poésie sur un plateau, c’est aller à l’essentiel, sans fioritures.
Côtoyez-vous aussi les poètes contemporains?
Oui, il y en a beaucoup.
Lesquels aimez-vous particulièrement?
Aïe, j’avais peur de cette question! Il y a Michel Desproges quoique ce ne soit pas un poète mais pour moi, si. Bruno Ruiz, Allain Leprest …
Si vous deviez citer un vers ou une strophe qui vous émeut plus que tout autre, laquelle serait-ce?
Je vais vous dire deux vers de Prévert: « Ne parle que des choses heureuses, pour ce qui est de la peine, pas la peine d’en parler. »
Enfin, vous êtes aussi producteur de vin. Avez-vous déjà eu l’occasion de dire des poèmes louant L’âme du vin? mêlant ces deux ivresses au flacon précieux? Ces deux « arts », celui du vers et celui de la vigne », se sont-ils rejoints chez vous instinctivement?
Oui, mon père était vigneron. Il y a beaucoup de poètes qui parlent du vin. Baudelaire, par exemple, parle beaucoup du vin, de la drogue et de l’opium.
Dates de représentation:
– Le 8 janvier 2013 à Gradignan (33)
– Les 10,11 et 12 janvier à Toulouse (31)
– Le 16 janvier à Aoste ( Italie)
– Le 19 janvier à Pézenas (34)
– Les 29 et 30 janvier à Narbonne (11)
– Le 5 février à Herblay (95)
– Le 7 février à Sèvres (92)
– Le 8 février à Argenteuil (95)
– Le 9 février à Bonneuil/Marne (94)
– Les 18 et 19 février à Luxembourg
– Le 21 Février à Mouscron ( Belgique)
– Le 22 février à Bruxelles ( Belgique)
– Le 7 mars au Grand Quevilly ( 76)
– Le 9 mars à Liège ( Belgique)
– Le 19 mars à Beauvais ( 60)
– Le 21 mars à Issoudun (36)
– Le 22 mars aux Herbiers (85)
Le 24 mars à Ploemeur (56)
Le 26 mars à Nancy (54)
A lire aussi:
Femme à modeler: matériau délicat utilisé pour créer des nus infinis