Art : une certaine idée de la modernité

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Par Sophie Sendra – bscnews.fr / Dans l’expression « art moderne » il faut savoir ce que veut dire le mot « moderne » ; relève-t-il de la période ? Auquel cas tous les arts d’une époque peuvent être dit « modernes ». Est-ce le reflet d’une modernité basée sur le concept ? Pour cela il faudrait que le concept soit clairement identifiable afin de savoir de quoi parle l’œuvre.

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Mais contrairement à ce que l’on pense, « l’art moderne » commence au début du XXème siècle avec les œuvres de Pablo Picasso. Né de cette capacité à montrer autrement le monde, à le représenter dans une optique différente que les canons de l’académisme, l’art moderne amène le spectateur à s’interroger sur ce qui l’entoure.
Ce mouvement n’aurait pas pu voir le jour sans l’élan qu’engendre en son temps l’impressionnisme.
Plus d’un siècle et demi après cette révolution picturale, l’art moderne a-t-il une proposition à faire aux spectateurs ?

L’art et la polémique

La polémique semble indissociable de l’art moderne, à tel point qu’on se demande si l’artiste ne se prend pas à son propre piège en voulant toujours dépasser les critères de ce que nous nommons Art : vision, message, beauté, émotions et bien d’autres choses encore.
L’artiste de nos jours, veut sans doute, parfois, faire le buzz au travers de ses œuvres.
Picasso voulait-il faire le « buzz » à son époque avec ses Demoiselles d’Avignon en 1907 ou encore, Gustav Klimt avec sa Judith I en 1901 ? Femmes sensuelles, nudité à volonté, juste ce qu’il faut pour choquer et diffuser un message, peindre la beauté et ce qui semble caché, censuré par les « églises » d’une société étriquée. Le « Buzz » (ici anachronique), très peu pour eux. L’Art dans toute son expression de soi et du monde, voilà ce qu’ils voulaient, ce qu’ils vivaient.
La polémique n’était donc pas un but en soi, mais un effet de ce qu’ils proposaient, à aucun moment elle n’était une cause, un point de départ, un but à atteindre.
Mais alors que veut faire l’art dit « moderne » ? Montrer ce qu’est le monde ? Délivrer un message politique ? Ou encore pire, « rien ». Ce « rien » est possible. Ne rien dire, ne rien faire, ne rien montrer, thème d’une future exposition ? Tout est possible. Je pense simplement qu’on a déjà assisté à ce « rien » possible qui ne montre « rien », qui ne dit « rien » et qui fait le buzz : le « lancer de chats » de Jan Fabre, plasticien Flamand. Cette « œuvre » fut réalisée il y a quelques jours dans la belle ville d’Anvers en Belgique. Lancés sur les marches de l’hôtel de ville pendant que certains filmaient la scène pour le compte de l’artiste, les chats étaient un prétexte filmique pour narrer la vie du plasticien. Le tournage de « La beauté du guerrier » devait impérativement passer par l’évocation de Dali puisque ce « chef-d’œuvre » sur pellicule consacre Jan Fabre et sa démarche artistique.
En effet, la photographie de Philippe Halsman, intitulée « Dali Atomicus », date de 1948 et montre le peintre en suspension avec trois chats et quelques objets. Afin d’obtenir cette photographie, une trentaine de prises furent nécessaires.
Fort de cette « référence », le plasticien Fabre se défend et prône, loin de la polémique, l’Art avant tout et la performance.

Artus Crétinus

On peut tout défendre en matière d’art, surtout lorsqu’il y a un message qui se cache derrière une œuvre. Allons plus loin, comme le faisait dire Yasmina Réza à un de ses personnages dans sa pièce Art, il faut même aller parfois « au-delà du rugueux » et quand on ne comprend pas on dit qu’il y a « un message derrière ».
Lors de la diffusion de la « performance » de l’ « artiste », il fallait chercher très loin le « message ». Au point sans doute de s’éloigner à jamais de ce qui était « dit ».
Le « rugueux » venait sans doute de cette performance qui n’en est pas une.
Ce qui laisse perplexe c’est que deux personnes aient accepté de lancer ces chats. Exit l’œuvre, exit l’artiste, bienvenue à ces personnes dans l’expérience de Stanley Milgram qui démontra dans Soumission à l’autorité (1974) que nous nous sentions contraints d’observer les ordres d’une autorité même si ceux-ci allaient à l’encontre de notre éducation, de notre morale ou encore de nos valeurs les plus profondes.
Dali l’a fait, c’est de l’Art, c’est une performance, alors nous participons à quelque chose qui nous dépasse, nous devenons partie intégrante de cette œuvre. Nous participons à ce « message qui est derrière ». Voilà sans doute cette rugosité qui se cache, elle, derrière l’esprit de ces deux personnes ayant accepté de lancer ces chats, l’artus crétinus est né.

L’Art s’appelle Hopper

Nous ferions injure à l’Art si nous ne parlions que de Fabre. Heureusement il y a le chef d’œuvre de modernité Edward Hopper et l’exposition au Grand Palais.
Cet artiste mort en 1967 montre à quel point les « performances », les « buzz » ne manquent pas quand on a du talent. Pas besoin de fioritures, de bruit, juste du silence, de l’absence pour justifier l’essentiel.
Voilà comment qualifier l’Art de Hopper, une absence qui donne l’essentiel : absence d’objets superflus, de personnage dans des toiles qui se justifient par elles-mêmes, des maisons dont on devine la vie dans une suggestion filmique. De la façon la plus incongrue, c’est notre imagination collective, notre histoire collective qui montrent, au travers de certaines peintures, des films hitchockiens, des couvertures de romans.
Hopper n’a pas besoin de « performances », il est intemporel, il n’a pas besoin de films, ses peintures sont des longs métrages, il n’a pas besoin de message, tout y est.
C’est sans doute cela la modernité.

S’il fallait conclure

Si vous êtes perdu dans une certaine modernité artistique, il vous reste l’émotion. La performance a ceci de problématique qu’elle ne peut se faire qu’une fois et reste perdue à jamais dans le dédale du temps. Afin de retrouver votre chemin, demandez-vous si ce que vous voyez est intemporel. Si la réponse est oui c’est que vous êtes dans l’émotion, c’est que vous êtes face à de l’Art, sinon passez votre chemin et courez au Grand Palais.

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