Agnès Varda vue par Julia Fabry
Par Julie Cadilhac – bscnews.fr / Agnès Varda a été photographe de Jean Vilar à la création du Festival d’Avignon en 1948, puis de la troupe de TNP. En 1954, elle réalise sa première exposition personnelle rue Daguerre à Paris avec des reportages photo-graphiques faits en Chine et à Cuba. Réalisatrice de « Cléo de 5 à 7 », « Sans toit ni loi », « Les glaneurs et la glaneuse » ou encore « Le bonheur », elle a tourné aussi beaucoup à Los Angeles ( « Black Panthers », « Mur Murs », « Documenteur »…).
Depuis 2003, elle est aussi artiste-plasticienne. En 2008, Les plages d’Agnès, auto-documentaire qui a circulé partout dans le monde, a reçu le César du Meilleur Film Documentaire, le Prix du Meilleur Film Français (Syndicat français de la Critique de Cinéma), l’Etoile d’Or du Documentaire, le « Mostra de Venise » et enfin, en 2009, le Prix Henri Langlois . Le 21 novembre 2012, les éditions Arte font paraître 22 DVDs qui donneront l’occasion à tous les cinéphiles et docuphiles de voir tous ses travaux réunis dans un même coffret intitulé « Tout Varda ».
Julia Fabry est docteur en Arts Plastiques depuis 2006 et pratique la vidéo depuis une dizaine d’années. Suite à sa collaboration avec Agnès Varda lors du tournage des Plages d’Agnès, elle continue à l’assister sur de nombreux projets d’expositions ( LA MER ETSETERA en 2009 et ses deux dernières expositions en Chine). Lors du Festival des passeurs de lumière ( du 19 nov au 9 déc 2012) qui se déroulera dans le Finistère ,à Bannalec , aura lieu une exposition de clichés de tournages d’Agnès Varda et le 27 novembre, après la projection des » plages d’Agnès » à 21h, Julia Fabry participera à Bannalec à une rencontre à propos du documentaire dans lequel elle a été assistante-réalisatrice et directrice de la photographie. Plaisir de partager avec vous son expérience formidable auprès de la réalisatrice dont l’oeuvre, en 2002, a été récompensée par le prix René Clair de l’Académie française.
Comment et quand a débuté votre travail auprès d’Agnès Varda?
J’ai commencé à travailler avec Agnès Varda sur le film Les plages d’Agnès. Je terminais un doctorat d’Arts plastiques qui portait sur des questions d’autoreprésentation en art et au cinéma et qui évoquait largement des questions liées à l’autobiographie. J’étais allée la voir pour qu’elle prenne part à ma soutenance de thèse, sans savoir qu’elle préparait ce film, répondant aux mêmes enjeux.
Si vous deviez citer une oeuvre de l’artiste qui vous a donné envie de travailler avec elle, laquelle serait-ce et pourquoi?
J’aurais du mal à citer une œuvre en particulier car j’étais touchée par son cinéma et très inspirée par son œuvre en général. Le film Documenteur représente pour moi le film le plus personnel et inspirant car il traite des questions de réalité et de fiction qui traversent tout son travail. Sur la question de l’autobiographie également il est très élaboré et la manière dont Agnès s’implique à différents niveaux est passionnante. Concernant son travail de plasticienne, je répondrais que l’œuvre qui fut l’élément déclencheur pour moi est Les veuves de Noirmoutier (14 vidéos de témoignages de veuves de l’île filmées par Agnès et un écran central filmé en 35 mm des veuves évoluant sur la plage). Une œuvre qui m’a inspirée car je travaillais également beaucoup sur la question de la mélancolie et du deuil dans mon mémoire.
Si vous deviez donner trois qualités de cette photographe, réalisatrice de cinéma et plasticienne française, lesquelles serait-ce?
Innovante, curieuse et déterminée.
Paraîtra le coffret DVD intitulé « Tout(e) Varda » le 21 novembre 2012, qu’y trouvera-t-on?
22 DVD : 20 longs métrages, 16 courts et des suppléments : les fameux « boni » d’Agnès qu’elle soigne particulièrement ! Il y a de nombreuses surprises également : des inédits, des films inachevés, un DVD sur son travail de plasticienne et plein de petites choses drôles qu’elle aime comme la recette du gratin de côtes de blettes !
Agnès Varda a pu dire lors d’une conférence de presse: « A chaque fois qu’on fait quelque chose sur soi-même, c’est une occasion de parler des autres. » Dans quelle mesure pouvez-vous ressentir cela en travaillant à ses côtés?
Je suis tout a fait d’accord avec cette phrase. Nous ne pouvons exister sans les autres. Parler de soi c’est aussi parler de tout ce qui nous mobilise chez les autres, nous passionne, nous interpelle et que l’on a envie de partager. Agnès est tournée vers les autres, cherche à les comprendre, à dialoguer avec eux car d’une certaine manière je pense qu’elle sait que c’est ce qui nous fait progresser dans la vie, avancer personnellement. Et je crois que c’est lorsque l’on est vraiment personnel que l’on peut tendre à l’universel.
Lors du festival des passeurs de lumière aura lieu une exposition intitulée « Agnès Varda en tournage »…. avec notamment des photographies du tournage des Plages d’Agnès? Comment a été imaginée cette exposition?
Michel Dupuy qui s’occupe du festival avait contacté Ciné-Tamaris pour nous demander si des documents – en rapport avec les films américains d’Agnès qui allaient être diffusés – pouvaient être exposés. C’est Agnès qui a pensé à proposer ces tirages photographiques en noir et blanc de photos de tournages. Une manière de montrer son travail de cinéaste de façon plus générale, « in situ », au milieu de ses équipes. J’ai trouvé que c’était une très bonne idée car les photos sont belles et très rarement montrées.
En quelques mots, comment qualifieriez-vous le travail en tournage d’Agnès Varda? Une anecdote à raconter?
Impossible en quelques mots car c’est passionnant ! C’est une marche permanente pour concrétiser ses idées, les mettre en images, les mettre à jour, avec, comme elle aime à le dire « Le hasard comme meilleur assistant ». Il faut donc être capable de la suivre dans tous les sens du terme et je peux vous dire que ça va très très vite ! J’aurais beaucoup d’anecdotes à raconter car ce qui est très agréable avec Agnès c’est qu’elle ne se prend pas au sérieux, elle est capable d’avoir de la distance et a beaucoup d’humour donc les épisodes drôles ne manquent pas.
Les plages d’Agnès est un film documentaire autobiographique. A quelles exigences doit se plier ce genre de film selon vous? A quelles difficultés se heurte-t-on? A quelles problématiques?
C’est une question très complexe à laquelle il est difficile de répondre en quelques mots… c’était déjà l’objet de ma thèse. Si l’on se place du point de vue du réalisateur, le plus important est justement que ce genre ne peut pas se plier à des exigences, sinon celles d’être au plus près de ce que l’on souhaite dire de soi. Il s’agit d’être sur sa propre longueur d’ondes et d’utiliser les médiums qui vont nous permettre de mettre en images ce que nous souhaitons mettre à jour également sur le plan esthétique. Il est toujours très compliqué de parler de soi et passer par les autres, fonctionner par projection, peut être une solution. Tout le reste n’est que théorie a-posteriori.
> Le site officiel du Festival Les passeurs de lumière
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