
Théâtre et sciences: Frédéric Ferrer s’attaque au moustique-tigre
Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/Crédit-photo: Michel Dukhan / IRD/ Frédéric Ferrer est un « artiste- géographe associé » au Théâtre d’Ô de Montpellier (qui multiplie les passerelles de sens depuis 3 ans entre science et théâtre); il propose au public des conférences singulières qui repoussent « les limites de la logique vers un territoire peu fréquenté par les chercheurs, l’absurde ». Après la question du changement climatique, déclinée en plusieurs spectacles, Frédéric Ferrer s’intéresse maintenant au moustique-tigre. Piqués par la curiosité, nous l’avons interrogé…
Un spectacle aussi terriblement drôle que scientifiquement effrayant!
Vous êtes artiste-géographe. Quel a été votre parcours jusqu’aux planches?
J’ai commencé le théâtre à 13 ans dans le cadre d’une troupe dans un petit village d’une boucle de la Seine. Depuis, l’envie du théâtre et sa pratique ne m’ont jamais vraiment quitté. Et puis il y a eu la géographie. Parallèlement et indépendamment. Le globe terrestre qui s’allumait de toutes les couleurs sur la table de chevet de mon lit d’enfant a nourri de nombreux désirs. Alors un jour la géographie est entrée dans mon théâtre et mon théâtre s’est mis à vouloir raconter des espaces.
A quel moment vous êtes-vous dit que les conférences scientifiques avaient toutes les qualités pour faire une pièce de théâtre?
Il y a vingt ans, un vieux mandarin de l’école française d’Extrême Orient, spécialiste de géographie tropicale, nous racontait dans une toute petite salle de l’Institut de géographie à Paris, le paysan cambodgien, le Tonlé sap et les pratiques agricoles des hommes avant l’arrivée des Khmers rouges. Nous étions une petite dizaine d’étudiants à l’écouter ce soir là. Ce sujet, c’était sa vie. Il avait déroulé une vieille carte des milieux naturels du Cambodge, qu’il tenait de ses deux mains juste devant lui sous le menton. Son corps était devenu le Cambodge. Seul émergeait son visage des courbes de niveaux, au dessus des montagnes, un visage de vieil homme, les yeux fermés, comme plongés dans un paysage qui n’existait …