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André Juillard, Blake et Mortimer et le serment des cinq lords

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Par Julie Cadilhacbscnews.fr/ André Juillard est un auteur phare de la bande dessinée historique francophone. Il a donné vie notamment à la série « Les 7 vies de l’épervier » ,et sa suite « Plume aux vents », en compagnie de Patrick Cothias qui met en scène les destins croisés d’une famille auvergnate et des membres la famille royale au XVIIème siècle, à « Arno » avec Jacques Martin qui raconte les aventure d’un jeune musicien italien devenu un lord anglais très actif dans les milieux politiques de la jeune République française mais également à une série dont il sera l’auteur et le dessinateur intitulée « Le cahier bleu’, une tragédie sentimentale qui eut elle aussi un grand succès.

propos recueillis par

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En 1996, il a reçu le Grand Prix de la Ville d’Angoulême qui consacrait son travail. Depuis 2000, il a repris avec Yves Sente la série policière « Blake et Mortimer », symbole mythique de la bande dessinée grand public de qualité. Après La Machination Voronov ( 2000), les deux tomes des « Sarcophages du 6ème continent » (2003 -La menace universelle/ 2004-Le duel des esprits) , Le Sanctuaire du Gondwana (2008), Les Sarcophages d’Açoka (2008), paraîtra mi-novembre Le Serment des Cinq Lords: on y retrouve Sir Francis Blake et son acolyte le professeur Philip Mortimer en Angleterre, mêlés à une affaire de vengeance bien sombre. La figure héroïque de Lawrence d’Arabie ,au coeur de cette intrigue, ressurgit de nombreuses années après sa mort pour rappeler à Sir Blake l’existence d’une société secrète. Un scénario vif et enlevé, des phylactères bavards à souhait, une colorisation singulière et expressionniste auxquels s’additionne à la perfection le trait réaliste et dynamique d’André Juillard. By Jove, si nous résumons bien, nous avons eu l’occasion de poser quelques questions à un grand Monsieur de la Bande Dessinée ( qui exposera à la Galerie Daniel Maghen( Paris) du 14 novembre au 01 déc. 2012) et c’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous vous livrons ici ses réponses.

Pouvez-vous nous raconter quand et comment, un jour, votre trait s’est associé à la série Blake et Mortimer?

Je ne pensais pas mon style compatible avec l’univers de la série. Et pourtant, déjà, on m’avait demandé de dessiner la suite des « trois formules du professeur Sato » dans les années 80. Jacobs vivait encore mais n’avait pas envie de faire ce travail. J’ai refusé, ne me sentant pas au niveau et faute d’appétence pour cette histoire qui ne se passait pas dans les années 50. Par la suite, j’ai réalisé une planche-hommage pour un numéro de Tintin qui m’a valu les félicitations du maître et plusieurs sérigraphies reprenant ces personnages pour « Archives Internationales », sans parler d’un petit bouquin illustré avec Didier Convard, « L’aventure immobile » (éd.Dargaud). J’ai tout de même été surpris lorsque Didier Christman m’a proposé de reprendre la série à la suite de Ted Benoît. Cette fois, le scénario de Yves Sente me plaisait beaucoup, le style aussi, celui de la »Marque Jaune », la meilleure période de Jacobs, et le contexte : la guerre froide, les années 50. Alors j’ai accepté.

C’est le cinquième volet que vous écrivez avec Yves Sente…une anecdote à raconter à propos de cette collaboration?

Pour « Le serment des cinq lords », nous avons été à Oxford et à Londres pour faire des repérages. A Londres, la visite du « War Cabinet Museum », non loin de Scotland Yard, nous a enthousiasmés et donné l’idée d’un prochain épisode de Blake et Mortimer.

Etiez-vous un lecteur assidu de la série avant d’en devenir un auteur?
J’ai été, enfant, un lecteur passionné de cette série, que j’ai relue plus tard d’un oeil plus professionnel avec non moins d’intérêt, lorsque j’ai décidé d’être dessinateur de Bande Dessinée.

Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans cette série?
La savante simplicité du trait, la mise en scène dynamique et surtout l’atmosphère « British » spécialement dans « La Marque Jaune ». Sans oublier une mise enJuillard couleur très originale avec une gamme qui n’appartient qu’à lui et dont la modernité est évidente.

Une question qu’on a du vous poser de nombreuses fois: pour lequel des personnages-phare avez-vous le plus de sympathie?
Des trois personnages, Olrik, ne l’oublions pas, est celui que j’aime le moins. C’est le problème des « méchants ». Indestructibles, ils reviennent toujours pour empoisonner la vie de nos héros mais parfois de façon un peu « tirée par les cheveux » pour finir immanquablement par perdre la partie. Quant à Blake et Mortimer, impossible de préférer l’un ou l’autre. J’ai été très frustré de la quasi-absence de Blake dans « L.e sortilège de Gondwana » mais Yves Sente a refusé malgré mes suppliques de lui donner un rôle plus important ce qui aurait impliqué un bouleversement de son scénario. Il avait raison. L’histoire avant tout!

Si vous deviez citer un album d’Edgar P. Jacobs que vous trouvez particulièrement remarquable, lequel serait-ce?

Disons que j’apprécie moins « L’affaire du collier » et « Les trois formules du professeur Sato ». Un petit faible tout de même pour « La Marque Jaune », le meilleur à mon goût pour ce qui est du style, et quelques séquences comme l’atmosphère du Centaur Club, de la bibliothèque du British Museum, et les docks dans le brouillard.

Et si vous deviez citer le nom d’un album imaginé par d’autres auteurs qui ont eu l’honneur ensuite de se mettre au service de ces 2 personnages, lequel serait-ce ? Et pourquoi?
J’ai beaucoup aimé « L’affaire Francis Blake » de Ted Benoît et Jean Van Hamme. Ted Benoît a parfaitement concilié son style personnel ,que je trouve remarquable, et celui de Jacobs pour faire un « Blake et Mortimer » dans l’esprit de la série. Je regrette beaucoup qu’il n’ait pas poursuivi.

Blake et Mortimer, entré dans l’histoire de la BD francophone, répond – on imagine- à des critères scénaristiques et graphiques très précis, attendus par ses fidèles lecteurs. Côté illustration, y en a t- il qui vous ont été imposés? d’autres dont vous vous êtes affranchi volontairement?

Il y a évidemment un cahier des charges quand on reprend une série. Le style, l’époque, les lieux, les personnages principaux et secondaires, la couleur doivent être « dans l’esprit ». Yves et moi avons d’autant mieux accepté ces contraintes que l’intérêt dans ce projet ne résidait pas dans l’appropriation de la série pour la bouleverser, la « moderniser à outrance « , mais juste essayer de satisfaire les fans que nous sommes depuis toujours, les enfants qui rêvaient de retrouver dans un grenier l’épisode oublié, celui qui n’était pas sur la liste des ouvrages publiés au dos des albums des éditions du Lombard. Néammoins, j’ai un style un peu plus réaliste que celui de Jacobs et je n’ai pas essayé de le contraindre pas peur qu’il ne devienne superficiel.

Illustrer les aventures de Blake et Mortimer, c’est avant tout, selon vous, un exercice de style? d’humilité? de rigueur?

Exercice de style, certainement, qui demande humilité et rigueur, ça tombe bien, c’est mon credo en toute circonstance. Mais aussi passion pour ce travail. On ne peut pas l’assumer 10h par jour, 6 à 7 jours par semaine pendant 13 ou 14 mois sans être porté par cette passion pour le dessin, la mise en scène d’un scénario, une série, une histoire. Sinon c’est le bagne!

Le serment des cinq lordsLe serment des cinq lords s’inscrit dans la tradition des romans policiers britanniques…y en t-il un, en particulier, qui aurait influencé votre trait pour cet opus?
Adolescent; j’ai lu à peu près tous les Agatha Christie et autres Conan Doyle, aujourd’hui ce serait plutôt Elisabeth Georges ou des auteurs américains. Il m’en est resté un intérêt marqué pour la civilisation britannique traditionnelle d’autant plus que ma mère, professeur d’anglais, était très anglophile. Mon père, lui, gardait une dent contre la perfide Albion qui avait coulé la flotte française à Mers le Kébir. Mais ce ne sont pas les romans que j’ai lus qui m’ont fait dessinateur, c’est l’histoire de la peinture, des dessinateurs comme Ingres, Dürer, Holbein, Kokusai, des illustrateurs comme Rackham, Pyle, et bien évidemment de dessinateurs de bande dessinée, Hergé, Jacobs, Girand-Moebius etc…

Ce souci constant de mise en scène des vignettes, imaginées comme des prises de vue tout à fait comparables à celles de l’art cinématographique, vous est venu naturellement et correspondait déjà à votre esthétique ….ou a nécessité une adaptation?
La Bande Dessinée est d’une façon générale très influencée par le cinéma, je n’échappe pas à la règle.

Edgar P. Jacobs était un coloriste singulier…est-ce vous qui travaillez la couleur?

La couleur est le domaine de Madeleine de Mille qui avait réalisé celle des albums de Ted Benoît. Elle connaît très bien la série, donc il n’est pas nécessaire de lui donner beaucoup d’indications. Je me contente de quelques précisions : c’est l’aube, il neige…ou de délimiter certaines surfaces quand le dessin est très compliqué.

Avec quels outils réalisez-vous vos croquis et illustrations? Pour vos sujets et paysages, partez-vous de photos ou votre imagination suffit-elle?
Je travaille beaucoup au crayon, instrument que je vénère, parfois d’après mes propres photos, ou d’autres, parfois d’imagination. Je remplis ainsi des carnets de croquis choisis pour leur papier. Le papier, merveilleuse invention que je vénère tout autant.

Outre la sortie prochaine de ce tome 21 de Blake et Mortimer, d’autres parutions en cours ou publiées dernièrement….lesquelles?
Après un livre de nus, Alain Beaulet vient de publier un autre de portraits. Alain Beaulet est un éditeur d’ouvrages précieux, petits tirages, beaux papiers, avec lequel je travaille depuis longtemps et qui satisfait mon goût pour la bibliophilie qui était une des passions de mon père. Pour l’heure, je suis reparti avec enthousiasme dans la Bande Dessinée historique avec un nouvel épisode de la saga « Les 7 vies de l’épervier- Plume aux vents ».

Découvrir le site de notre partenaire, la galerie Daniel Maghen, et les travaux exposés d’André Juillard

Galerie Daniel Maghen – 01 42 84 37 39

47 Quai des Grands Augustins – 75006 Paris

Transports en commun: Saint Michel – Notre Dame

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