Louise et Juliette: une saga familiale captivante et rythmée
PAR MELINA HOFFMANN- bscnews.fr/ « Louise faisait semblant de ne pas comprendre. (…) Pleine de bonne volonté, malgré elle, sa grande soeur, son double de toujours, venait d’avouer qu’elles n’appartenaient plus au même monde.
Elle avait pointé du doigt leur différence. C’était la guerre. La vraie, redoutable, qui rentrait par la petite porte, l’air de rien et venait se nicher, pernicieuse, au coeur de leur amour. (…) Louise fuyait les Allemands. Juliette les attendait. C’était une différence fondamentale, un fossé si profond qu’il donnait le vertige.
» Louise et Juliette. Deux femmes aux cœurs solidement fixés l’un à l’autre. Deux sœurs unies au sein d’une famille amputée du début des années 30. Une famille délaissée par un père chéri et admiré, qui avait pourtant choisi de les abandonner leur mère et elles. Une blessure que le temps ne parvenait pas à guérir, surtout pour Louise à qui la mère faisait porter le poids du départ de celui qui aurait préféré un fils pour assurer sa descendance. Mais tandis que la seconde guerre mondiale s’amorce, la relation entre les deux sœurs est mise à rude épreuve. Louise est la femme de Charles, un brillant intellectuel juif à la tête d’un journal économique dans lequel il prit position en publiant en 1933 l’appel au boycott économique de la France contre Hitler.Juliette, elle, est la femme de Paul, nommé préfet d’Eure-et-Loir dans la France de Vichy, qui a choisi le camp de la collaboration et ne cache pas son antisémitisme. Aussi, malgré les liens puissants et indestructibles qui les unissent, dans cette guerre tout les oppose. Sous la menace des bombardements allemands, la famille de Louise est contrainte de changer de nom et de partir se réfugier en zone libre, dans leur chalet de Megève avec ses cinq enfants et notamment Léonard, un fils auquel elle voue un amour aussi passionnel qu’étouffant. De son côté,Juliette observe impuissante son mari et son fils prêter main forte à l’occupant. Pour tromper la distance qui les sépare, Juliette et Louise entretiennent alors une correspondance, faite de déclarations d’amour, d’interrogations, de craintes et de non-dits, jusqu’à ce que la fin de la guerre les réunisse enfin. « Ce fut à ce moment-là que Juliette tourna la tête. Leurs regards se croisèrent sans qu’elles bougent, ni l’une, ni l’autre. Chacune figée dans leurs douleurs dans leurs interrogations contradictoires. Puis, doucement, Juliette se leva et vint enlacer sa soeur sur le trottoir. Sans rien dire, mais avec les gestes familiers de l’enfance. Elles étaient ensevelies sous un flot de souvenirs. Chacune les siens, sans savoir si c’était les mêmes. Il y en avait assez pour deux, elles pouvaient partager. Plus rien de ce qu’elles avaient prévu de se dire ne leur revenait à l’esprit. » C’est ensemble qu’elles devront alors affronter une dernière épreuve…
Petite-fille de Denise et Emile Servan- Schreiber, c’est l’histoire émouvante et à peine romancée de sa grand-mère que nous raconte ici Catherine Servan- Schreiber. Elle dresse avec brio le portrait de ces deux femmes combattantes et courageuses au cœur d’une guerre qui les plongea chacune dans un camp opposé, sans pour autant parvenir à mettre à mal l’amour qu’elles se vouent l’une à l’autre. Une saga familiale captivante et rythmée, retracée avec pudeur, placée sous le signe de l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, mais surtout sous celui de l’amour, inébranlable.
Titre: Louise et Juliette
Auteur: Catherine Servan-Schreiber
Editions: Le Livre de poche
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