Alessia Ianetti

Alessia Iannetti: la peinture instinctive d’une jeune femme née en automne

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Par Julie Cadilhacbscnews.fr/ Alessia Iannetti a 27 ans et vit à Carrara en Italie.Après des études aux Beaux- Arts dans sa ville natale, elle a saisi ses crayons et stylos et imaginé un univers imprégné de poésie et de mélancolie automnale. Nourris d’éléments poétiques, ses toiles sont peuplées de jeunes femmes ou d’enfants au teint pâle et dont la peau est nervurée: des poupées de porcelaine fragiles dont le visage menace de se briser.

propos recueillis par

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Autour d’elles, l’on sent battre le coeur de Mère-Nature et l’on voit voleter des oiseaux gracieux,des papillons et des mites. Êtres hybrides, elles se parent d’éléments animaux et végétaux qui leur donnent des airs étranges. Nous avons pris le temps de nous poser en compagnie de cette jeune artiste pour connaître quelques secrets de sa peinture qu’elle qualifie d' »instinctive ».

On trouve un auto-portrait parmi vos toiles… avec des mots, qu’est-ce que vous nous diriez de vous?

Je peux vous parler d’où me vient l’inspiration quand je mets de côté les crayons. Je lis beaucoup de livres, je regarde des films effrayants, j’écoute de la musique, je vais à des concerts. La musique a toujours été ma plus grande obsession, un chemin précieux que j’emprunte pour trouver l’inspiration. Je ne commence jamais à travailler sans avoir choisi quelque chose de nouveau à écouter et qui soit approprié à la peinture: quelque chose de malinconic, de relaxant et d’hypnotique. Je garde les sons plus agressifs pour mes soirées folles avec les amis.

Pourriez-nous expliquer comment vous avez conçu cet autoportrait?

L’idée de cet autoportrait est née par chance lorsque j’étais en train de travailler sur « Doll parts », une série de dessins qui représente la figure féminine comme une poupée de porcelaine avec un visage brisé. « Doll parts » est une réflexion sur le corps en tant qu’objet et cette série montre de jeunes femmes emprisonnées dans un corps de poupée, un corps hybride, une peau artificielle griffée par des fuites, qui deviennent humaines au contact de la nature. Dans ce cycle de travail, j’ai opposé des sujets innocents, fragiles et précieux à la violence et la mutilation. Une réalité idyllique est perturbée par quelque chose d’inquiétant et de sombre, les idéaux de beauté et de pureté sont pervertis par un élément choquant. Parmi ces portraits de filles, j’ai décidé sans aucune raison particulière de me représenter moi-même, en essayant d’exprimer quelques aspects intimes de mon histoire personnelle à travers des symboles. L’image de la poupée, si gracieuse et inquiétante en même temps, m’a toujours charmée et c’était agréable le travail de cette peinture et de me voir comme ça.

Vous êtes originaire de Carrara, ville Toscane célèbre pour ses marbres…le choix de votre palette et de vos techniques sont elles influencées par votre ville natale et résidentielle?

Je ne me sens pas 
particulièrement 
influencée par la tradition artistique
 de ma ville natale
qui est liée à la
 sculpture. J’ai
 approché la 
peinture de façon 
instinctive à l’âge 
de 2 ans et j’ai 
passé mon enfance 
à imaginer des 
histoires que je 
reproduisais dans 
mes dessins. Je 
pouvais passer des 
jours entiers à dessiner, immergée dans mon monde sans être dérangée par la réalité qui m’entourait . Mes instruments ont toujours été le crayon, le stylo et le papier, des outils instinctifs qui ne nécessitent aucune préparation. Plus tard, à l’Académie des Beaux Arts, j’ai suivi des lectures d’Omar Galliani et j’ai découvert comment utiliser le bois comme support de travail, un support dur, comparé au canevas, vivant et intéressant d’un point de vue matériel avec ses veines et ses noeuds qui lui donnent une texture naturelle pour travailler dessus.

Vous utilisez beaucoup le graphite…afin de jouer par la suite sur des touches de couleurs?

Chacun de mes travaux, sur le papier et sur la planche, est noir et blanc, en graphite. La particularité d’utiliser cette matière sur le bois est de rendre les parties sombres , métallisées et variables: les tableaux faits avec cette technique changent beaucoup selon la lumière et ils semblent plus clairs ou plus sombres selon le point de vue de celui qui les observe. Je commence toujours avec le crayon et une fois que le clair-obscur est achevé, j’applique la couleur sur quelques détails seulement. J’utilise l’aquarelle, des crayons de couleur et de l’encre, des matériaux qui confèrent d’intéressants effets sur le bois.

On pense également à la technique du tatouage en observant vos illustrations…

Oui, la pression que j’exerce avec le graphite sur la planche de bois peut souvent créer quelques petites rides, pas très profondes, qui peuvent rappeler une sorte de gravure sur bois . De plus, le bois, étant une partie de ce qui était un organisme vivant, peut être considéré comme un matériel vivant et mon travail sur lui peut être comparé à celui d’un tatoueur sur la peau. Je pense aussi que les sujets de mes travaux, noir et blanc, dans leur style si détaillé de nuances, sont faciles à reproduire avec une technique de tatouage . On m’a souvent demandé de faire des dessins pour des tatouages.

Vos visages sont si réalistes qu’ils semblent des reproductions de photos… est-ce le cas? quelles sont vos techniques?

Les idées et les visions naissent dans mon esprit et je les reproduis ensuite sur le papier d’une façon très stylisé. Une fois trouvé un sujet approprié pour représenter les caractères et les scènes que j’ai imaginées, je le mets dans un environnement ou une scénographie, je fais beaucoup de photos et je choisis celles qui sont les plus proches de ma vision originale. Quelquefois cette vision est inspirée par un sujet , un visage ou un regard particulier. La majorité des mes travaux sont nés en prenant inspiration de ces prises de photos mais les sujets réels sont au fur et à mesure modifiés pendant que je dessine. J’aime l’idée d’insérer quelques éléments imaginaires dans un composition réaliste, en partant de la réalité et en la modifiant, comme dans un rêve.

On pense à l’automne quand on se promène dans votre univers…une volonté de la dessinatrice? Est-ce votre saison de prédilection? Daphné

C’est pour moi la saison la plus magique et saisissante de l’année, tout se teint avec des couleurs mélancoliques.Cela me fait penser à des feuilles sanglantes qui tombent, un tourbillon de fleurs mortes et le vacarme de petits démons qui infestent la nuit d’Halloween. Ray Bradbury était tout à fait enchanté en automne et il a inséré cette saison dans quelques uns de mes livres préférés qui ont fortement influencé mon imaginaire et mon travail. Je suis née en automne.

Parmi les leitmotivs, celui des ramifications des branches et les papillons…une explication technique ( plaisir de dessiner ces thèmes-là), émotionnelle, intime, signifiante?

Les arbres me fascinent en tant qu’organisme vivant qui pousse dans la terre. Ils ont leurs racines qui plongent dans les profondeurs et l’obscurité. Elles s’étendent, se divisent et s’entrecroisent dans la terre pour obtenir la nourriture et l’énergie. Leurs branches se détachent dans le ciel, s’allongeant à l’infini. Avant, les arbres représentaient l’élément magique qui permettait l’union entre la terre et le ciel. Je les considère comme l’union entre la réalité et la fantasmagorie. Les racines sont liées au monde subconscient et l’autre partie grandit vers le haut et la lumière. Mes obsessions avec les mites viennent de l’adolescence, quand j’étais tout à fait frappée par le travail de Floria Sigismondi, et par dessus tout par les quelques clips vidéos de Marilyn Manson, où il y avait ces insectes. Les papillons et les mites m’attirent pour leur beauté, leur vie éphémère, leur transformation depuis la chrysalide qui permet à ces vers de se métamorphoser en de merveilleuses créatures ailées. Cette transformation est pour moi une métaphore des changements à la fois du corps et de l’âme subis de l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Les mites are mortellement attirées par la lumière et elles ont une fin triste suivie d’éclairs de lumière.: dans leur recherche désespérée de lumière du soleil, qu’elles utilisent pour trouver leur chemin; elles brûlent leurs ailes avec le feu ou l’électricité. Pour moi, leur image est le symbole de ceux qui sont toujours à la recherche de la lumière, de la vérité dans l’obscurité, à leurs dépens. Les arbres et les mites sont des sujets extrêmement charmants à observer et à reproduire en dessins. Je préfère les mites aux papillons à cause de la multitude des motifs que la nature a peint sur leurs ailes avec les couleurs de l’automne. Elles me rappellent les feuilles mortes. Je peux perdre des heures lorsque j’essaye de reproduire les motifs de leurs ailes ou les cheveux qui couvrent leurs corps et leurs antennes et en de la même façon je peux me perdre dans les détails des écorces ou des ramifications des arbres et leurs racines, comme si j’étais dans un état d’hypnose, très relaxant.

La symbiose entre l’homme et la nature s’exprime aussi dans vos tableaux, non?

J’essaie symboliquement de saisir mes caractères humains depuis leurs racines, les plaçant à l’intérieur de l’univers naturel d’où ils viennent. Mes nymphes vivent en harmonie avec la nature environnante et elles se mêlent à elle. C’est ma manière de donner un peu d’humanité à leur corps qui , dans la réalité , sont de plus en plus contaminés.

L’hybridité de vos personnages et leurs corps enfantins doit- elle se lire comme une vision poétique et fantasmée des êtres ou ces stigmates animaux veulent-ilsexprimer quelque chose de plus sombre?

Les corps de mes jeunes caractères changent et acquièrent une apparence animale avec des cornes de cerf ou de bélier. La fusion humain-animal appartient à ma vision poétique : grâce au contact avec la nature et le monde animal, mes caractères gardent leur innocence , deviennent de fantastiques créatures. Les allusions à l’obscurité doivent être trouvées dans les replis qui griffent leur peau de porcelaine. Ces griffures représentent une manière, pour les personnages, d’unir leur sensibilité avec les parties les plus sombres de leur âme. Dans ma peinture, j’ai toujours mélangé la lumière et l’obscurité et la poésie et la douceur se mélangent avec la panique et la peur. Je pense que c’est façon la plus sincère pour décrire la réalité. Je ne peux pas apprécier un travail sans ces composantes parce que la réalité inclut les deux.

CouvertureDes expositions prévues prochainement? Lesquelles?

Je ne peux en parler pour l’instant mais je prépare une première exposition en solo pour 2013. Je vous en dis plus très vite!

Alessia Ianetti exposera à la galerie Dorothy Circus à Rome en du 23 février au 2 avril 2013.

Le site d’Alessia Ianetti

Le site de la Dorothy Circus Gallery

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