Paroles de Chorégraphe : Céline Lefèvre
Par Estelle Bescond – bscnews.fr / À l’occasion du festival Danse HipHop Tanz organisé par la Compagnie Moov’n acktion qui se déroule du 19 mai au 9 juin 2012, les chorégraphes hip hop Céline Lefèvre et Arthur Harel prennent possession du Centre National de la danse de Pantin les 7 et 8 juin. Première rencontre « Des branchés » avec Céline Lefèvre. Formée au classique et au modern’ jazz pour devenir chorégraphe hip hop en 2004, cette jeune femme n’a pas finit de nous étonner. Avec un amour de la danse indéniable, elle aime briser les codes et « lâcher prise ».
« J’aime cet échange avec les danseurs »
J’ai monté ma compagnie C’Mouvoir il y a huit ans dans le but de créer mes propres chorégraphies et mes propres spectacles. J’ai beaucoup travaillé pour et avec les autres. Je travaille toujours pour et avec les autres mais la compagnie me donne une certaine liberté. J’aime cet échange avec les danseurs. Je leur apprends un passage, je leur explique ma vision de la chorégraphie et ensuite je les laisse me proposer des mouvements, des variations.
« La chorégraphie Des Branchés est l’illustration de mon envie de partir de Paris.»
Concernant le festival Danse HipHop Tanz j’y ai déjà été programmée en 2009 à Bagnolet avec le solo Juste un signe et avec Speed de la Compagnie Des Equilibres mis en scène par François Berdeaux.
Cette année, ma participation est possible grâce à Marie-José Geffray, directrice du Centre National de la Danse de Pantin et Yassin Amblard, directeur de production de la Compagnie Moov’n acktion. Ils ont vu et apprécié ma chorégraphie Des Branchés et m’ont demandé de la présenter au festival !
J’ai créé Des Branchés suite à mon déménagement de Paris pour Montpellier. J’ai toujours vécu en banlieue et j’avais envie depuis longtemps de partir ! A Paris, j’avais la sensation que je ne pouvais plus communiquer avec les autres à cause des téléphones portables et de toute cette nouvelle technologie. J’avais l’impression de n’avoir plus le goût à rien et que mes ressentis étaient bafoués. Ce déménagement était un réel besoin. En créant cette chorégraphie, j’ai écrit une histoire à mes deux enfants : c’est l’histoire d’un homme sur-connecté, toujours son téléphone à l’oreille, toujours à naviguer sur le web. Un jour, il y a une panne de courant ! Alors comment fait-on dans ce cas là quand on est sur-connecté ? Au début, l’homme s’énerve de cette situation. Il retrouve alors une première sensation : la colère. Ensuite il redécouvre le vent, la pluie et toutes ces merveilles qui nous entourent. En quelque sorte, il s’est réveillé.
« Un trio où chacun se soutient, s’aide et se supporte. Un retour à l’essentiel »
Concernant la danse et ma chorégraphie il n’y a pas un mais trois personnages. Le premier est l’air, le deuxième la terre et le troisième celui du milieu. La pièce commence dans une sorte de métro où les gens sont les uns sur les autres, ils ne se supportent plus jusqu’à épuisement : ils s’écroulent par terre. Vient un premier solo qui illustre le besoin de respirer. Le deuxième solo trouve ses ressources dans la terre, il s’appuie sur elle pour se relever. Le dernier solo c’est le milieu. Il s’agit de l’être humain, celui qui a les pieds ancrés dans le sol et la tête dans les étoiles. Il récupère alors ses sens et rencontre une fille. D’un duo avec cette fille nait un trio où chacun se soutient, s’aide, se supporte et ne se gêne plus comme dans le métro. On peut résumer cette chorégraphie comme un retour à l’essentiel, un besoin de quitter la cohue de la ville pour se retrouver soi-même et communiquer simplement avec l’autre. C’est un besoin de se déconnecter au multimédia pour mieux se reconnecter à l’autre.
« Le rythme me donne le ressenti »
Dans mes chorégraphies, j’aime mélanger les styles : le classique, le hip hop, le jazz. A cinq ans, j’ai commencé avec la danse classique et j’aime y revenir car j’y retrouve la légèreté qu’il n’y a pas dans le hip hop. Le hip hop est lourd car les mouvements sont ancrés dans le sol. On retrouve d’ailleurs ce mélange dans ma gestuelle. Quand je crée, tout part souvent d’une improvisation. Le rythme me donne le sentiment et le ressenti. Il m’inspire et me nourrit. Il m’aide à créer, à chercher un style, à trouver une nuance dans le geste. Il est important pour moi de partir d’une improvisation sinon la danse serait trop codifiée. La danse, à mon sens, ce n’est pas exécuter des pas les uns à la suite des autres, c’est avant tout lâcher prise. La danse vient du cœur et c’est essentiel pour la faire évoluer.
« On peut être libre si on le veut vraiment »
Cette improvisation me permet de créer une histoire. Je ne sais pas créer en restant dans le flou. J’ai besoin de raconter des histoires dans le but de clarifier. Alors, je m’attache à un thème unique et je le développe. Pour Juste un signe j’avais besoin de liberté à ce moment de ma vie. Un besoin de me détacher des carcans de la vie quotidienne, d’évoluer et de grandir de ces pièges. J’ai réussi à exorciser ce passage de ma vie grâce à la danse et donc grâce à cette chorégraphie. Quand j’étais petite, j’ai beaucoup regardé le Lac des Cygnes qui est une histoire de manipulation où Odette meurt à la fin. Je m’en suis inspirée mais dans ma chorégraphie, j’ai voulu m’en sortir. Pour cela j’ai tordu le cou de la musique de Tchaïkovski grâce à Vincent Arthaud. D’une musique classique, on arrive à une musique jazzy. C’était un moyen pour moi d’essuyer tout cela et de montrer que l’on peut surpasser une prison. On peut être libre si on le veut vraiment.
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