Vous êtes une personnalité à plusieurs racines et plusieurs horizons, vous aimez le rock et aujourd’hui vous êtes une voix incontournable de la scène française. Pouvez- vous nous en dire plus ?
Je ne me prédestinais pas du tout à être chanteuse. J’ai eu une formation théâtrale et je voulais être clown. En plus, pour moi, le jazz était une musique pas faite pour moi. Par contre, sans aimer le jazz, j’étais fan de Keith Jarret. Je jouais à cette époque dans un groupe de rock composé de deux guitaristes et d’un percussionniste. On produisait un rock français de très mauvaise qualité. Puis grâce à un incroyable concours de circonstances où j’ai du chanter a capela seule sur scène aux Transmusicales Rennes, abandonnée par mes musiciens, j’ai tapé dans l’oeil d’un patron d’un club de jazz qui m’a demandé de me produire dans son établissement. Ce fut à ce moment-là que j’ai été poussée sur la scène et je me suis retrouvée obligé de chanter avec l’orchestre d’Hervé Le Lann. Suite à cela, on m’a proposé de rejoindre un groupe de swing jazz. Voilà comment je suis tombée dans le jazz.
D’où vous vient cet amour inconditionnel pour Jimmy Hendrix ?
Mon amour pour Jimmy Hendrix est inexplicable et il n’y pas de raison valable à cela. Aujourd’hui, j’ai 40 ans et j’étais une ado dans les année 90 où nous étions à cheval entre la pop des années 70 et la musique des années 80 . Moi je fréquentais la vague hippie et j’écoutais tous les groupes de cette branche avec énormément d’assiduité. Mais Jimmy Hendrix m’a complètement bouleversé. C’est pour moi l’un des plus grands chanteurs de pop avec une voix extrêmement singulière et surtout auteur-compositeur sans parler du coté guitar heroes d’Hendrix. Et c’est pour cela qu’il y a toujours un morceaux d’Hendrix sur chacun de mes albums.
On a l’impression que vous ne mettez aucun limite à votre jazz et que vous souciez peu des conventions. Est ce cela qui donne une telle ampleur et une délicatesse à votre musique ?
Merci ! Merci ! Merci ! Vous venez de décrire parfaitement le jazz. Car le jazz, comme vous le dites n’a pas de limite. Le Jazz est hors code. Les gens qui ont défendu de nouveaux courants dans les périodes successives du Jazz ont repoussé les limites et les barrières de l’expressivité. Je n’aurais pas la prétention d’appliquer votre analyse à moi-même mais elle est une définition du jazz. C’est pour cela que personnellement, je ne fais partie d’aucune école. Elles apprennent la technique, c’est un fait. Elles produisent des batteurs ou des saxophoniques qui savent jouer et qui sont performants dans leur domaine respectif. Mais c’est une uniformisation de la musique. Et cela ne m’intéresse pas. Je veux casser tous ces codes et jouer ma propre musique.
Il y a un côté libre, enlevé, enjoué voire fonceuse chez vous mais qui ne cache pas finalement une grande exigence musicale ?
Complètement ! Cela tient à ma conception du concert et de la scène qui se composent pour ma part en deux grandes parties : le public et nous, le groupe. Il est évident qu’on ne peut pas faire un spectacle s’il n’y a pas de public. Quand je parle de public, j’entends aussi une seule personne ! À partir du moment où quelqu’un nous regarde, on va prendre cette énergie, on va la digérer puis la retransmettre. Ce qui se passe dans une salle de concert, c’est magnifique et cela dépend également du lieu.
Par contre, j’ai beaucoup de mal avec l’album car j’ai terriblement besoin de public. Pour l’enregistrement du disque, nous avons demandé à des gens de s’installer sur les banquettes du studio pour donner un effet concert. Car je chante toujours pour quelqu’un. De plus, certains artistes sont très doués pour faire un disque en studio et le représenter sur scène. Pour ma part, je suis profondément jazz et j’ai beaucoup de mal à faire cela. J’ai besoin de la scène. En fonction de chaque concert, les morceaux seront joués différemment. Pour moi, un concert s’apparent à être dans une voiture où les paysages défilent dehors. Et j’essaie de proposer cela dans mes concerts. Je veux que cela soit ludique et passionnant. Et je sais que j’ai réussi ou pas à la sortie du concert quand je regarde la tête des gens. J’aime voir des grands sourires et des têtes déboussollées. Si ce n’est pas le cas, c’est que j’ai raté mon concert.
L’exigence et l’audace ne sont-elles toutes deux pas les conditions sine qua non pour explorer une nouvelle forme de Jazz et proposer autre chose ?
Il est vrai que je suis très exigeante et je me permets également de casser la bonne conscience du jazz et ses codes. Je le suis également sur l’apparence vestimentaire de mes musiciens sur laquelle je veux avoir un regard tout en leur laissant leur personnalité. Je crois que cela tient au fait que le respect vis-à-vis du public est important car je pars du principe que quelqu’un qui prend la peine de venir au concert doit etre reçu correctement par le groupe qui l’accueille. Je ne parle pas bien entendu du Rock mais d’un groupe de Jazz.
Quelles sont les images ou les grandes figures musicales que vous souhaiteriez que l’on associe à votre musique ?
C’est une question très difficile. Je parlerai d’un film Who’s Afraid Of Virginia Woolf avec Richart Burton et Elizabeth Taylor. Ce film est une véritable symphonie dans laquelle je me retrouve totalement. De plus, j’admire profondément Elizabeth Taylor. Elle a une voix hallucinante que j’adore. Pour moi, ce film est de la musique. Les discours et les dialogues du film où ces couples se déchirent, tiennent de l’orchestration. J’avais essayé de relever certains dialogues entre Elizabeth Taylor et Richard Burton pour en faire un morceau. J’aime la liberté de cette fille comme Bjork, comme Jimmy Hendrix et bien loin de Billie Holliday qui n’avait aucune liberté à qui on me compare souvent.
Si vous deviez définir votre jazz en un mot, Mina Agossi, quel mot choisiriez-vous ?
Je choisis sans hésiter le mot «démocratie». J’ai toujours voulu que la basse et la batterie soit sur le devant de la scène. Mon souhait est que mes musiciens puissent s’exprimer alors que trop souvent ils sont derrière et ne forment finalement qu’un squelette des morceaux. Il n’y a qu’à voir les gens discuter pendant un solo de basse. Chacun doit s’exprimer sur scène. C’est très important pour moi. On n’est pas dans la variété.
Quel est votre livre de chevet actuellement ?
Je suis en train de lire avec beaucoup d’intêret le livre de Rita Monaldi et Francesco Sorti « Veritas».
Le site officiel de Mina Agossi