L’univers poético-drolatique de Thierry Dedieu
Interview de Thierry Dedieu/ Propos recueillis par Julie Cadilhac– bscnews.fr/Crédit-photo:D.R/ Thierry Dedieu est né à Narbonne, a grandi, grandi, grandi puis fait des études scientifiques et après avoir officié un temps dans le monde de la Réclame, il a choisi de se tourner vers la littérature jeunesse et ne l’a jamais quittée depuis!
Quelle joie pour ses très nombreux lecteurs qui, petits et grands, aiment entendre conter ses récits nourris de poésie, d’humour délicat et de sagesse! Thierry Dedieu peut manipuler tout aussi bien le pinceau, l’appareil photo, la colle, le ciseau en fonction des histoires qui fleurissent dans son imagination. Chaque technique est au service d’une atmosphère particulière à exprimer et c’est sans doute pour cela aussi que l’on plonge dans ses livres avec autant de plaisir. Les vagues de l’Océan grondent et lèchent les pieds épuisés d’un phare en proie à sa dernière tempête, les estampes prennent vie sous le pinceau d’un peintre- chien fort sage, les châteaux de sable offrent des panoramas époustouflants sous le soleil couchant, le petit chaperon rouge oublie – cette étourdie!- qu’il ne faut pas parler aux loups inconnus…voilà, entre autres espiègles inventions, ce que nous raconte les mots choisis de cet aède contemporain: Tout naturellement, on avait donc envie de bavarder un peu avec Celui-qui-a-le-pouvoir-extraordinaire-de-rendre-les-bouches-bées-et-de-propulser-l’imagination-en-voyage-rien-qu’avec-le-Verbe…Une pincée de dérision, quelques confidences d’écriture d’un magicien comme on les aime!
Si vous deviez citer une histoire qui vous a bercé étant petit, vous diriez?
Aucune. Quand j’étais petit mes parents ne me lisaient pas d’histoires. La « bibliothèque » de la maison comprenait deux livres, le dictionnaire pour les mots croisés de mon père (exclusivement) et l’annuaire du téléphone.
Un auteur jeunesse est-il toujours un peu atteint du syndrome de Peter Pan?
Pour ma part j’ai beaucoup grandi. Vous avez essayé de demander à un enfant de vous raconter une histoire ? je l’ai fait : c’est affligeant !
Peut-on écrire pour les enfants si on n’a pas gardé une âme pétrie d’espoir et de curiosité vive ?
d’espoir ? je ne sais pas.
De curiosité ? c’est certain. Mon inspiration puise aussi bien dans l’Histoire que dans les faits divers, que dans l’iconographie des internets…
Quelle est la dernière bêtise par exemple qu’a faite Thierry Dedieu?
Je suis monté sur scène dans un festival pour recevoir un prix qui ne m’était pas destiné (vous auriez vu la tête de l’organisateur, quant au lauréat , je suis maintenant son meilleur ennemi …)
Avant vous étiez publicitaire… je vais vous faire bondir peut-être mais, même si on lit que vous êtes très heureux d’avoir quitté cette profession pour vous consacrer à l’écriture de livres jeunesse, n’avez-vous rien trouvé à ré-exploiter dans les techniques utilisées dans l’univers de la pub ?
Quand j’étais publicitaire, le contrat était: avoir une idée par jour, une grande idée par semaine et une très grande idée par mois, sinon c’était la porte. Tout ça pour dire qu’on était contraint à chercher et chercher encore. C’est très formateur. Si j’ai deux heures devant moi, dans un train, dans la salle d’attente d’un dermato spécialiste des fistules, je suis capable de pondre un livre, en tous cas de l’ ébaucher. Par contre, le marketing, ne sert pas beaucoup pour trouver un best seller, le livre à quelque chose en plus à apporter qu’un produit manufacturé, qui est plus du domaine de l ‘ « intime ».
Simplifier sans dénaturer, aller à l’essentiel semblent être des objectifs communs à ces deux professions…pourtant vous optez pour le cap contraire et l’on ressent nettement le désir de ne pas aller à la facilité, de ne pas brosser le lecteur dans le sens du poil, de le forcer plutôt à stimuler ses neurones, je me trompe?
J’espère que vous ne vous trompez pas. Je sais que mes livres sont « exigeants ». Il faut souvent un intermédiaire-médiateur du livre (instits, libraires, bibliothécaires) pour que les enfants arrivent jusqu’à mes livres et les apprécient. Sinon, c’est un peu difficile. Mes livres sont des petites falaises à gravir.
On sent ainsi une exigence de la langue dans vos histoires…Votre verbe élégant et son vocabulaire assez soutenu détonent d’avec une partie majoritaire de la littérature jeunesse et ont ainsi fait de vous l’élu des parents ( et de leurs progénitures)?
C’est mon ami Rascal (auteur jeunesse) qui dit : si le mot est juste, il faut le laisser même si c’est un mot rare. Si nous ne l’utilisons pas dans les livres où le retrouvera-t-on ? pas à la télé ! pas sur les marchés ni sur les terrains de foot !
Diriez-vous que vous êtes assez heureux qu’un enfant apprenne grâce à vous ce qu’est un « caboteur », bercé par le clapot des vagues qui viennent mourir contre le phare de Georges?
Ouais.
Vos albums jouent sur des graphismes très diversifiés…. parce que vous aimez le renouvellement? parce que cela vous amuse davantage de travailler avec de nouvelles matières et de nouveaux supports? parce que la technique utilisée se met au service de l’histoire?
Les trois mon général. Je suis un boulimique en illustrations j’aime tout ! le pastel, l’huile, le crayon…même l’aquarelle que j’ai longtemps cru mièvre et même l’ordinateur (un sacrilège aux yeux des puristes naphtalinisés).
Pourquoi avoir choisi la technique des découpes dans L’Arche de Noé?
Je l’avais aussi utilisée pour les fables de Lafontaine. C’était une réaction aux nombreux livres pop-up qui faisaient de la surenchère (regardez comme je suis un bon ingénieur papier ) au détriment du sens. J’ai cherché dans le passé les premiers pop-up et je m’en suis inspiré.
Un message de sagesse précieux, une jolie dose de poésie, un zeste de nature…voilà le secret d’une histoire de Thierry Dedieu?
Je ne sais pas si c’est un secret pour réussir un bon livre, mais c’est un peu ma « cuisine »…
Vous avez été le porte-parole du grand professeur japonais Tatsu Nagata qui dit: « transmettre ma passion pour les animaux et sensibiliser le jeune public à l’environnement tel est désormais mon but ». Vous êtes donc devenu vous aussi expert en mutation du métabolisme des batraciens…et vous parlez le japonais?
Avec le professeur nous échangeons par mail en anglais. Mes quelques années à étudier la biologie me permettent juste de faire la distinction entre un crapaud et une grenouille et c’est déjà ça.
Vous illustrez également des textes classiques comme ceux de Perrault ou des extraits de la Genèse. Auteur jeunesse, défendez-vous la nécessité de faire lire souvent aux enfants des textes fondateurs?
Je ne parlerais pas de nécessité mais d’envie de faire partager la belle langue de Perrault.
Pensez-vous aussi que le meilleur lecteur est celui qui connaît ses classiques?
Sûrement. Pour ma part je ne les connais pas et j’ai comme une petite frustration…
J’ai découvert aussi sur votre site que vous étiez » photographe attitré des petites bêtes »… parce qu’en focalisant sur une petite bête, on voit mieux la beauté du monde qui l’entoure ?
Je m’émerveille de plus en plus devant un coucher de soleil, c’est là où je sens que je prends de l’âge, à 20 ans j’en avais rien à « carrer » des myosotis et des larves de cigales. C’est le début de la fin.
Enfin, pouvez-vous nous parler de la trilogie africaine dont Yakoubwé est le dernier tome qui va bientôt être disponible en librairie?
Lorsque j’ai écrit Yakouba en décidant de faire une fin « ouverte », beaucoup de mes petits lecteurs étaient frustrés. Que se passait-il après ? me demandaient -ils. Je leur ai donc concédé une suite, Kibwé. Dés lors, il me fallait clore cette saga. J’ai décidé d’une trilogie. (Yakouba-Kibwé-Yakoubwé).
D’autres projets ?
Un par jour , sept par semaine, trente, voire trente et un, par mois.