Ezio : un groupe aux parenthèses justes et poétiques

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Propos recueillis par Audrey Johnson (correspondante à Londres) – bscnews.fr / Après plus de 20 ans de musique à son actif, rencontre avec  Ezio, auteur compositeur d’origine italienne vivant en Angleterre. Son groupe éponyme n’a cessé d’être en tournée depuis  la rencontre avec le guitariste Booga en 1990. Leur dernier album « This is the day », donne un nouveau souffle à une carrière prolifique, et s’écoute comme une série d’histoires et de parenthèses justes et poétiques.

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Comment êtes-vous entré dans le monde de la musique ?
J’ai commencé à écrire des chansons sans raison apparente il y a 20 ans et j’ai décidé d’aller les jouer. J’ai toujours été un musicien et je ne pouvais pas faire partie des groupes que j’aimais. Alors j’ai décidé d’écrire mes propres chansons et c’est là que j’ai commencé à attirer plus d’attention et avoir du travail. Nous avons débuté très vite, j’ai rencontré Booga quand il avait environ 15 ans. Nous avons commencé à  jouer à Londres et dans le Sud-est de l’Angleterre et ensuite nous avons signé avec un label important et puis nous sommes venus à Paris pour enregistrer. Nous avons même fait une tournée avec les Négresses Vertes.

Ca fait plus de 20 ans que vous tournez ; est ce que votre façon de vous produire devant un public a changé ?
J’ai vraiment changé ma façon de jouer devant un public. Comment ça? 
Je suis bien meilleur ! Avant j’avais l’habitude d’être très agressif dans ma musique parce que je voulais que le public comprenne, et j‘essayais de les forcer à comprendre. Maintenant je suis plus calme. Le public est plus enclin à écouter si vous êtes plus calme. C’est la différence entre un acteur sur une scène et un acteur dans un film. Vous faites en sorte que les gens vous regardent plutôt que de vous démener en face d’eux.

Votre dernier album semble aller un peu plus loin dans les thèmes que vous explorez. Pensez-vous qu’il est différent des précédents?
Je pense qu’il l’est. Je ne sais pas comment il a été perçu parce qu’il est différent des précédents. Je pense qu’il est peut-être moins romantique. Les précédents étaient un peu plus idéalisés. Ils parlaient du fait d’être en perte de contrôle. Celui-ci a plus à voir avec le sentiment de ne pas aimer le monde dans lequel nous vivons; le sentiment que vous vieillissez et que vous n’avez plus la même place. C’est ce que j’ai ressenti quand j’ai écrit ces chansons, est-ce, oui ou non, ce que les gens comprennent quand ils l’entendent, je ne sais pas.

Pourriez-vous expliquer la chanson « Supermarkets » à nos lecteurs?
C’est une histoire inventée sur le genre de fille qui avait beaucoup de succès à l’école et ce qui se passe quand vous êtes très populaire étant jeune. Pour certaines personnes, le meilleur moment de leur vie c’est quand ils étaient à l’école par exemple. Et après ça, les choses empirent. Ils n’en tirent aucun avantage. Avant qu’ils ne s’en aperçoivent ils passent d’une fille très populaire au genre de femme qui vole au supermarché pour attirer l’attention.
Vos textes sont parfois comme de courtes nouvelles, avec des personnages et de petits détails…
En fait il faut que ça raconte une histoire dans une certaine mesure. Je ne vois pas l’intérêt de chanter pour faire un joli son, vous savez. On me dit que 95% des enregistrements sont maintenant effectués par des « comités » (plutôt que par des artistes, ndt). Avec la technologie que nous avons, nous pouvons faire quelque chose qui sonne de façon absolument fantastique, mais c’est très superficiel. Donc, si ça ne parle de rien, vous allez bientôt vous ennuyer. Si vous racontez des histoires, ça ne me dérange pas de les répéter encore et encore. Si je chante n’importe quoi, dès qu’un public me regarde, je vais me sentir idiot. C’est pourquoi je trouve si difficile d’écrire des chansons; je pourrais facilement écrire une chanson dans les prochaines heures ou quelque chose qui sonne comme une chanson, mais ça ne serait une chanson que si elle venait de mon fort intérieur. – Il est très facile de faire quelque chose qui sonne comme de la musique. Des adolescents le font dans des chambres partout. Il y a un million d’heures de musique téléchargées sur l’Internet toutes les minutes. Comment les gens sont-ils censés trouver ce qui est bon? C’est comme la photographie tout le monde peut faire des images numériques. Et pourtant, une image vraiment géniale est quelque chose de  réellement précieux. Mais il y en a trop et  c’est pourquoi tout a été dévalué et les normes ont toutes été érodées.

Avez-vous jamais écrit autre chose que des chansons?
Vous devez savoir : Je n’ai pas très bien réussi à l’école. En fait je n’y suis pas vraiment allé! Je ne me sens pas qualifié  pour le faire. Je sais que je suis bon pour jouer, je sais que là je peux, je ne suis pas en danger. Si mettais des mots sur une page, je me sentirais très nu. Jouer de la guitare a été mon « anti – école », c’était mon évasion. Je peux m’exprimer avec la musique plus facilement. Je pense aussi que c’est un excellent moyen de communiquer parce que les gens sont plus enclins à vous écouter s’ils aiment le son que vous faites plutôt que d’avoir à choisir et à lire quelque chose.

Dans votre dernier album, vous répétez dans l’une des chansons (Marina) «ce monde est trop grand » ; est-ce juste un de vos personnages qui parle?
C’est ce que je ressens, je pense que les gens de ma génération le ressentent aussi. L’histoire de cette chanson se passe sur internet. C’est un peu comme prendre conscience du nombre de personnes qui tentent de faire la même chose que vous. Quand nous avons commencé à faire de la musique, on ne trouvait pas beaucoup d’auteurs compositeurs qui se produisaient en acoustique; maintenant il y en a des milliers. Ils ne sont pas très bons, mais ils sont nombreux. Il y a beaucoup de bruit, tout le monde retransmet sur internet, Maintenant il n’y a pas beaucoup de gens prêts à recevoir. C’est transmettre tout le temps, les réseaux sociaux. Les gens disent que cela rend le monde très petit mais en fait ça vous fait réaliser à quel point le monde est grand et combien on peut s’y perdre.

Ezio – This is the day ( Tapete Records)

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