La Femme et la Féminité en bandoulières
Par Sophie Sendra – bscnews.fr / Quand on met en avant le thème « La Femme et la Féminité », il est étrange de constater qu’il puisse exister une distinction entre ces deux termes. En tant que Femme, je ne me pose pas la question pour moi-même. J’ai les attributs sexuels d’une femme, un corps de femme. Quant à ma féminité, je ne me pose pas non plus la question. Je suis moi avec mon attitude, mes gestes. Je ne m’observe pas pour savoir si je suis « féminine ». Pour que je puisse avoir l’idée de ce dont il s’agit, savoir ce qu’est cette féminité rapportée à mon être, il faut que je me compare à quelque chose d’autre, à quelqu’un, à une image de magazine, que je regarde la démarche des autres femmes, leurs attitudes, leurs gestuelles etc. C’est dans une comparaison que l’on peut faire une définition précise ou approximative de ce terme de « féminité ».
Le concept de « féminité »
Être une femme n’est pas conceptuel. C’est être, comme le disent les anglais, « femelle » c’est-à-dire du genre féminin (au-delà des considérations extérieures telles que la place de la femme dans la société, l’histoire de la femme au sens de Simone de Beauvoir).
Ce qui semble plus difficile à déterminer c’est le terme de « féminité ». Étrange, de ne pas savoir réellement ce que c’est, en ce siècle soi-disant si « féminin ».
Mais si on se pose cette question c’est que le concept n’est pas clair.
Pour reprendre l’exemple donné précédemment, il semble qu’il est indispensable de se référer à autre chose que soi pour savoir si on est « féminine » ou non. Ces « autres choses » peuvent être d’autres femmes, mais aussi des images culturelles ou cultuelles, des stéréotypes, des archétypes.
Si je me compare, alors je dois me trouver ni trop, ni trop peu. Dans une moyenne. Mais alors qu’est-ce qu’une « féminité moyenne » ? Y-a-t-il une « masculinité moyenne » ? Une « virilité moyenne » ?
Étrange que l’on se pose encore la question de savoir ce qu’est la féminité. Peut-être parce qu’on confond féminité et attirance sexuelle (au travers d’images, de clips vidéo etc.).
Le concept de « féminité » se trouve sans doute dans une attitude particulière : des habits particuliers, des attributs visibles ou suffisamment mis en valeur, un intérêt pour la mode etc. Suis-je dans « une » féminité particulièrement affirmée lorsque je me balade le sac à main dans le creux de mon avant-bras, main relevée, portable bien en évidence ? Je ne sais pas, j’ai un sac en bandoulière quand je n’ai pas mon sac à dos ! Ma féminité tiendrait à ce détail, à cette attitude ? Impossible que cela soit le contenu de ce concept tout de même !
Le retour des archétypes
Il semble que cette question de la « féminité » prend de plus en plus de place dans la tête des femmes et des hommes de notre époque. L’aspect esthétique comme révélateur de la féminité tient une place de plus en plus importante : de jeunes femmes, voire des jeunes filles, tiennent à s’offrir (ou à se faire offrir en cadeau d’anniversaire) des implants mammaires qui leur rendront une féminité qu’elles considèrent comme n’étant pas suffisante à satisfaire l’image de ce qu’est une « Vraie » femme. Y-a-t-il alors de « fausses femmes » ? Ou des « moitiés de femmes » ?
Certes non. Il existe surtout un contenu conceptuel, créé ou hérité, réel ou sublimé, de ce qu’est la féminité (comme il existe un contenu conceptuel, créé ou hérité, réel ou sublimé, de ce qu’est la masculinité ou la virilité).
Il y a un certain retour en arrière esthétique, un retour aux canons de la beauté antique. Les habits doivent être révélateurs du corps qu’ils cachent. Il faut « afficher » qu’on est une femme et pas autre chose, ne pas être confondu. On doit avoir des formes révélatrices de notre corps sexuel, une poitrine qui se voit (si possible de loin!). De dos, de face et de profil, il faut (impératif catégorique) être Féminine.
La mode n’étant que la multiplication de retours en arrière présentés comme des nouveautés, cela finira peut-être par ne plus être aussi dictatorial dans le futur, mais pour l’instant c’est ainsi.
Dans cette question, il manque un élément. Et l’Homme dans tout ça ?
Et bien on lui demande, à lui aussi, de montrer sa « part féminine », de montrer son « côté féminin » et de ne pas en avoir honte.
Dans la tombe de Schopenhauer
Ce philosophe méconnu du grand public est allemand et fut un grand adversaire de Hegel au XIXème siècle. Schopenhauer, auteur du Monde comme volonté et comme représentation a écrit de superbes pages sur les arts, sur la musique, qui à mon sens, sont révélatrices d’un homme passionné. Mais il faisait également preuve d’une misogynie sans borne (que la psychanalyse interprèterait sans doute aujourd’hui comme le résultat d’une grande frustration, castration ou grande peur de la femme tout simplement). C’est à Schopenhauer que l’on doit « Cheveux longs, idées courtes ». La féminité qui se signale, dans toutes les cultures et civilisations, par la longueur des cheveux, est ici montrée comme le signe de l’absence de réflexion. A l’époque des années 70, Schopenhauer s’est sans doute retourné dans sa tombe en constatant que les hommes se laissaient pousser les cheveux et qu’il y eu même la mode des cheveux « à la garçonne » pour les femmes dans les années 20 et que celle-ci revient régulièrement.
Alors qu’aurait-il dit de cette « féminité » que l’on incite à « révéler » chez les Hommes, les « Vrais » (comme s’il y avait de « faux hommes » ? !).
Cette « part de féminité » qui doit s’exprimer chez les hommes serait tout à la fois « communication », « dialogue », « écoute », mais également le fait de « prendre soin de lui », d’oser la mise en valeur de la « netteté de la peau », d’une présentation soignée, et au-delà, l’acceptation d’une paternité assumée presque « maternante » etc. La féminité chez l’homme serait cet équilibre entre un état d’esprit plus ouvert, plus apte à montrer ses émotions et une attitude physique de mise en avant de soi, de sa plastique, de son esthétique. D’une forme d’harmonie entre le corps et l’esprit, comme cela était le cas dans l’antiquité. Les « idées » de Schopenhauer sur la femme et sa capacité à réfléchir sont loin.
La féminité serait donc un équilibre harmonieux dont devraient s’inspirer les hommes?
Je ne suis pas certaine que cela doive s’exprimer en ces termes, mais cela s’en rapproche sans doute un peu. Cela veut-il dire que la femme doit être un « modèle » dont les hommes doivent s’inspirer ? Je ne suis pas sûre que cela soit la question.
La féminité c’est quand on est en accord avec soi-même sans avoir peur de soi ; la masculinité doit suivre le même principe. Les archétypes doivent évolués avec le temps et ne doivent pas servir de modèles car ils peuvent dérouter, faire perdre la mesure de ce qui est. Ils ne sont que l’origine d’une pensée mouvante, progressive qui doit tendre à s’améliorer. La féminité ne doit pas être un critère issu de modèles anciens et dépassés. Elle doit sans doute être synonyme de « femme » tout simplement.
S’il fallait conclure
Être une femme serait se situer en fonction d’éléments extérieurs qui sont censés déterminer votre degré de « féminité ». L’erreur est de se soumettre à ces critères créés de toutes pièces, imposés, martelés par l’éducation, les commentaires, les modes et les images.
Être « femme dans sa féminité » c’est se détacher du regard de l’autre.