Isabelle Lafonta et la magie des contes de Noël

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Interview d’Isabelle Lafonta/ Propos recueillis par Julie Cadilhacbscnews.fr/ ©2011, Hachette Livre / Gautier-Languereau/ Isabelle Lafonta est née à Paris et a grandi  » dans un appartement tapissé de livres où l’on aimait croquer des histoires, semer des sourires, faire quelque chose de ses dix doigts et caresser des chats ».

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Attirée par l’écriture dès l’école primaire, elle ne cessera de tapisser ses cahiers d’histoires colorées. Après des études à la Sorbonne, amoureuse des voyages, elle a choisi l’Ecosse et ses brumes pour poursuivre ses études. Auteur d’une thèse sur les contes, elle ne cesse d’en inventer depuis , invitant ses lecteurs – petits et grands- à voyager avec elle dans la magie des mots et leur poésie.

 

D’où vous est née l’envie d’écrire des contes de Noël?
Lorsque Brigitte Leblanc m’a proposé d’écrire ce volume pour la collection “les plus beaux contes de mon enfance”, j’ai été ravie, car j’ai toujours été très sensible à la magie des derniers jours de décembre, au temps suspendu de ces heures précieuses qui ensoleillent, dans un joyeux tourbillon de sourires, la grisaille de l’hiver. Ce projet, par ailleurs, m’intéressait beaucoup, car il s’agissait de permettre aux jeunes croqueurs d’histoires de voyager, au fil des mots, dans les jardins secrets des conteurs européens et de découvrir, par-delà nos frontières, les différents visages des fêtes de fin d’année.

Le « conte » appelle l’idée d’oralité, annonce le conteur…vous êtes-vous inspirée d’histoires entendues devant la cheminée aux flammes tremblantes? Dans quelle mesure ces contes sont-ils inspirés d’authentiques récits populaires?
Avec une vision d’auteur et une écriture personnelle, je me suis appuyée sur d’anciennes collectes, ainsi que sur diverses versions locales. La pomme de pin d’argent, par exemple, s’inspire de plusieurs traditions légendaires typiques de Basse-Saxe, et plus précisément de la région du Harz où culmine le mont Brocken, dont les versants escarpés étaient supposés abriter dans la pénombre des grottes et des sous-bois le joyeux petit peuple des nains. En Islande, l’ombre griffue du terrible chat de Gryla, fin gourmet et amateur d’enfants vêtus de vieux habits, est depuis toujours associée à la nuit du 25 décembre. Aussi célèbre que notre saint Nicolas, le greffier à la patte de velours apparaît dans de nombreuses légendes. Ce riche répertoire est sans doute à l’origine de la coutume qui voulait, jadis, qu’on dépose au pied du sapin, parmi les jouets et les cadeaux, un vêtement neuf destiné à protéger les jeunes frimousses de l’insatiable gourmandise du rusé félin au pelage d’ébène.

Le conte est un genre qui vous était déjà familier?
Bien sûr ! J’ai déjà publié une vingtaine d’ouvrages, pour la plupart consacrés aux traditions contées d’ici et d’ailleurs. Enfant, une impressionnante collection de livres tapissait mes armoires et s’écoulait des rayons bien remplis de ma bibliothèque. On y trouvait de nombreux volumes de contes et légendes, certains assez anciens avaient déjà bercé l’enfance de mes grands-parents. Plus tard, à l’université, après une formation en lettres modernes et en littérature comparée, je me suis passionnée pour les récits étiologiques, ce qui m’a poussée à explorer pendant de longues années les fonds de la Bibliothèque nationale, des musées et des bibliothèques spécialisées, dont je connais bien les trésors cachés en français et en anglais.

Est-ce le fond ou plutôt la forme qui vous séduit dans ce genre ?
Pour moi, le conte est une fenêtre ouverte sur le merveilleux, mais il est aussi très révélateur de l’identité profonde des sociétés dans lesquelles il s’épanouit et Isabelle Lafontadont il véhicule, en filigrane, les aspirations, les connaissances et les valeurs. J’aime ses contours mouvants, son clair-obscur captivant, la liberté des approches et des sujets abordés, l’infini richesse des trames possibles, le fait qu’il se renouvelle et se réinvente sans cesse et invite le lecteur, ou l’auditoire, à s’approprier une histoire toujours en devenir.

Votre écriture est très poétique et porte naturellement à la rêverie : avez-vous travaillé en ce sens parce que justement vous inventiez des contes? ou est-ce un penchant naturel, cette propension aux images ?
Je ne me suis jamais posé la question. J’adore lire des textes de toutes sortes, sur des sujets très divers, et il m’arrive souvent, une fois la dernière page tournée, d’avoir l’impression très forte d’avoir vu un film, riche de nuances et de détails. Je suis très sensible à la mélodie des mots, à l’atmosphère qui se dégage d’une histoire et j’ai sans doute une approche assez visuelle de l’écriture. Dans le domaine de la fiction et du merveilleux, je m’efforce de transcrire ce que j’imagine. J’aime que les personnages aient une âme, une vraie sensibilité. Lorsque je traduis ou que je travaille sur des sujets plus techniques ou informatifs, en revanche, j’adopte un style plus neutre. Les images sont, me semble-t-il, les compagnes naturelles et familières du conte car, autrefois, lorsque les récits n’étaient pas couchés sur le papier, la fulgurance des images et la mélodie envoûtante des mots était le seul moyen d’ancrer dans la mémoire des auditeurs le souvenir des péripéties vécues par les personnages hauts en couleurs nés de l’art éphémère de la parole.

Noël est fêté dans de nombreux pays du monde; quel est le lien fédérateur selon vous? la morsure du froid et le besoin de croire qu’au cœur d’une saison hostile tout est encore possible ?
Sous certaines latitudes, Noël est célébré sous un soleil ardent et des cieux d’azur. Ailleurs, il se drape dans une longue étole tissée de gel et de frimas. Mais en Europe, cette fête intervient au moment de l’année où les nuits sont les plus longues et où l’on célébrait jadis en grandes pompes le solstice d’hiver ainsi que divers cultes du soleil. Fête de l’espoir et de l’enfance, cette célébration, dont la date a été fixée le 25 décembre au IVe siècle, témoigne certainement d’un désir universel de croire en des jours meilleurs. Noël c’est aussi un chatoyant bouquet de lumières, le parfum ténu d’une espérance commune et surtout le plaisir d’un moment de félicité partagée.

Tous ces contes de Noël parlent d’espoir et d’amour…y en a-t-il un pour lequel vous avez particulièrement de l’affection?
Pareille au jardinier qui arrose avec le même soin toutes les fleurs qu’il a semées, il m’est difficile de faire un choix ! J’ai cependant une tendresse particulière pour la douce Befana qui évoque pour moi les récits de ma grand-mère italienne. J’ai aussi pris beaucoup de plaisir à me glisser dans l’imaginaire islandais pour mettre en scène Finnur et Silja, les deux orphelins présentés dans le festin du chat de Gryla. Enfin, j’aime beaucoup le conte de la petite fille de neige.

Y en-a-t-il d’autres qui sont restés tapis dans quelque coin de votre mémoire et attendent d’éclore dans un autre recueil bientôt ?
Dans le monde, le cortège chamarré des aimables et facétieux porteurs de cadeaux compte de nombreuses figures qui sont loin de toutes figurer dans ce recueil !

Lire des contes, est-ce une bonne façon, selon vous, de renouer avec des traditions populaires et de redonner du sens à une fête peut-être trop devenue trop synonyme de fête des cadeaux ?
Le répertoire de Noël possède la particularité d’être saisonnier, même si en réalité rien n’empêche d’écouter ou de lire ces récits en plein cœur de l’été ! En vérité, le charme séculaire de ces histoires est intimement lié à la poésie de l’attente. En décembre, le temps s’envole de manière particulière. Les jours s’écoulent au rythme lent du calendrier de l’avent. Les semaines sont  marquées par des rites immuables : l’odeur de la résine perlant sur les aiguilles bleutées des sapins, le scintillement des guirlandes sous les étoiles, la saveur un peu piquante des biscuits constellés de minuscules grains d’anis. Petite, j’aimais qu’on me lise des contes de noelcontes liés à cette période, car il me semblait m’imprégner ainsi d’un peu de sa magie. C’était aussi une occasion de découvrir  l’ensorcelant répertoire des conteurs du temps jadis. Aujourd’hui, lors de mes rencontres en milieu scolaire, je  constate avec plaisir que les enfants se laissent volontiers emporter par le flot d’une histoire et que leur soif du merveilleux ne s’est pas tarie.

Voir ses contes illustrés doit être un moment magique… quels souvenirs avez-vous de la découverte des illustrations de cet album?
J’ai été enchantée, bien sûr ! J’adore les arts décoratifs en général, le dessin, la peinture et la gravure, la photo, la broderie… Je suis très admirative du travail des illustrateurs qui, à partir d’un texte, de quelques mots ombrant le blanc aveuglant du papier, tissent un univers de lumière et apportent une vision singulière sans laquelle le livre n’aurait pas la même saveur ni le même éclat. Dès le premier coup d’œil, j’ai été séduite par la merveilleuse couverture de Rebecca Dautremer, ainsi que par le travail inventif, expressif et délicat de Joanna Boillat, d’Isabelle Chatellard, de Magali Clavelet, d’Aurélia Fronty, d’Elise Mansot, d’Elodie Nouhen et de Marcelino Truong. Du bout de leurs pinceaux, de la pointe de leurs crayons, pour le plus grand plaisir des jeunes lecteurs – et le mien – tous ont merveilleusement su donner vie aux différents décors et personnages du livre.

De nouveaux projets d’édition pour Isabelle Lafonta?
Je suis sur le point d’achever un recueil de contes sur la gourmandise qui paraîtra chez Flies France, dans la collection “la caravane des contes”, pour laquelle j’ai déjà écrit onze titres. Dans ce livre, mon travail est un peu différent, puisqu’il s’agit de réunir, de choisir, de présenter et de traduire un corpus de contes issus de sources anciennes ou savantes indiquées en fin d’ouvrage. Quelques projets d’histoires sommeillent aussi sagement au fond de mes tiroirs.

Enfin, quel cadeau (culturel) souhaiteriez-vous recevoir sous votre sapin cette année?
Glissée en guise de marque-page dans un beau livre de cuisine, une mince enveloppe contenant la carte annuelle du Grand-Palais et du Musée d’Orsay, ainsi que des billets d’entrée pour les prochaines fêtes des plantes de Courson et de Saint Jean de Beauregard.

Titre: Contes de Noël

Auteur: Isabelle Lafonta

Editions: Gautier Languereau

Parution: 10/2011

Prix: 15 euros

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