Le Grand Meaulnes: toute l’émotion d’un roman retranscrite en bd
Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ En 1913, Henri Alban Fournier écrivait dans une lettre » Je ne demande ni prix, ni argent, mais je voudrais que le Grand Mealnes fût lu ». Ironie du destin, un an plus tard, il était tué en Meuse lors des premiers jours de la Guerre et ne saurait jamais combien de coeurs romantiques ont pu rêver au gré des aventures d’Augustin Meaulnes.
Il est possible que certains puristes crient au scandale parce que l’on aura oser traduire en bande dessinée ce roman classique qui, dans les années 2000, représentait déjà plus de cinq millions d’exemplaires vendus dans l’édition de poche française. Oui, peut-être que certains nieront qu’il soit possible de rendre en bd toute la saveur de ce récit d’apprentissage dont le héros éponyme fascine tant il est insaisissable or… ils auront tort: Bernard Capo a su retranscrire toute l’émotion de cette histoire grâce aux ressources épatantes du neuvième art. Le langage des planches réussit à traduire avec justesse la virtuosité des mots. Le scénario a su extraire la substantifique moelle du récit et le pinceau rester fidèle à l’atmosphère et les émotions vagissantes du texte d’Alain Fournier. On revit les passions exacerbées de l’adolescence et la naïveté de ses souvenirs, on s’enthousiasme du caractère fantasque de Franz et d’Augustin et on entre dans la farandole du carnaval des noces avec le pas léger de l’oiseau, on attend chaque lettre d’Augustin autant qu’on désespère à Paris sur un banc au vent mauvais, on vibre sous le regard azur d’Yvonne de Galais, on tremble dans ses transports craintifs , on ressent de la pitié et on l’aime comme François Seurel, d’une amitié pure et taiseuse, cette jeune femme merveilleuse qui sait qu’elle ne pourra satisfaire la nature passionnée et fantasque d’Augustin. Bernard Capo nous passionne à nouveau pour cette histoire qui raconte, entre autres, la force de l’amitié, la puissance de l’imagination et la difficulté de grandir et d’accepter de voir la vie adulte sous des couleurs plus raisonnables que celle du bal costumé d’une nuit de fiançailles. Oui, dans cet album, Le Grand Meaulnes continue d’exercer sa puissance attractive étonnante, paradis des amateurs de l’école buissonnière, des enfants rebelles et fugueurs, refuge littéraire de tous ceux qui ont le goût de se perdre dans la nature et espèrent secrètement y rencontrer quelque trésor…la nature verdoyante et forestière inonde les vignettes diffusant partout un parfum de poésie et de nostalgie délicieux. Au hameau des Sablonnières, au village de Sainte-Agathe, Bernard Capo donne à voir une région berrichonne au parfum nostalgique, une époque lointaine où les bohémiens volaient les poules mais égayaient les soirées du village de cabrioles, où les pavés claquaient sous le trot des sabots, où les nouvelles n’avaient que plus de prix parce qu’on les attendait….
Titre: Le Grand Meaulnes
D’après l’oeuvre d’Henri Fournier
Auteur: Bernard Capo
Editions: Casterman
Prix: 16 euros.