Gallimard : de Michel Déon à Félicien Marceau
Par Emmanuelle de Boysson – bscnews.fr / Michel Déon et Félicien Marceau sont amis, académiciens. Ils se tutoient, se voient tout le temps et s’écrivent en plus ! Cent quatre-vingts lettres et cartes postales sont ici réunies, témoignages de toute une époque littéraire. Michel et Félicien s’encouragement, s’admirent, se confient, livrent quelques tractations présidant l’attribution des grands prix littéraires et autres secrets bien gardés des lettres parisiennes.
Ils se rencontrent chez Plon au début des années 50. Déon a trente-quatre ans, il a publié quatre romans, multiplie les piges, Marceau en a quarante, a publié six livres chez Gallimard, commence à écrire pour le théâtre. En 1955, au cours d’un séjour à Positano en compagnie de Christine de Rivoyre, de Christian Millau, Claude Dulong, Françoise Sagan, Camille et Jean Dutourd, une complicité naît scellée par l’élection de Déon à l’Académie française en 1978. En 85, Déon écrit : « J’incline pour le jeune Patrick Besson, mais est-ce assez tentant pour les autres ? » Le 17 juin, Félicien : « Dutourd est au mieux de sa forme et Hallier, par osmose un peu Moïse mais Moïse mutin. » Plus tard, Déon : « J’ai lu La Moustache, d’Emmanuel Carrère et je trouve ça excellent. Quel dommage de n’avoir pas réussi à lui faire avoir le Grand Prix du Roman ! » (Déon doit se réjouir que Carrère ait le Prix Renaudot 2011).Une délicieuse correspondance où les amis se conseillent de bons restaurants (Le Relais fleuri, à Villars Sainte Croix près de Lausanne, La Pomme de Pin, à Lausanne). Parlent de leurs vacances à Capri, en Grèce, de l’Irlande que chante Déon. Partagent leurs réflexions sur Stendhal, Balzac, Proust. N’hésitent pas à trouver un Sagan : « assez conventionnel (style Pierre Benoit) », d’épingler Femmes, de Sollers : « le système est vite lassant ». Leurs coups de cœur ? La Maison d’Apre-vent, de Dickens, Le Choix de Sophie, de Styron, Le retour au pays natal, de Thomas Hardy… Ah ! Le choix pour le Grand Prix du Roman ! En 1981, Déon met en tête de liste : Jean Raspail, pour Moi, Antoine de Tournens, en second lieu, « bien qu’il ne réponde pas à notre tendance romanesque », le Propriété privée, de Paule Constant. » Un régal d’humour et d’optimisme.
« De Marceau à Déon De Michel à Félicien Lettres 1955-2005 ». Edition présentée par Alice Déon (éd. Gallimard)
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