Francis, comment avez-vous entendu parler d’Éric Puchner ?
J’ai toujours porté une grande attention aux recueils de nouvelles. Quand ils sont de nature à marquer les esprits, c’est souvent signe que l’on est face à un véritable écrivain. Je pense que j’ai commencé à lire des choses sur Eric Puchner dans la presse américaine, avant la parution chez Scribner de “Music Through The Floor”. Lorsque j’ai eu le manuscrit entre les mains, j’ai tout de suite été frappé non seulement par le ton incisif et caustique de l’écriture, mais aussi par le regard qu’il porte sur le monde et sur la vie. Une attention à des gens ordinaires auxquels il donne une épaisseur et une dimension qui ne le sont pas. J’ai tout de suite trouvé Eric Puchner brillant, sortant de l’ordinaire, et bourré de talent. Son regard sur les États-Unis, sur
la société américaine, m’a aussi impressionné, et en même temps il y a une réelle dimension universelle.
Le premier ouvrage d’Éric Puchner «La Musique des Autres» a été publié au sein de votre maison. Qu’est-ce qui vous a incité à signer Éric Puchner dans votre collection «Terres d’Amérique» ?
Évidemment, quand on ressent ce type d’émotion à la lecture d’un texte, on se dit tout de suite que l’on a envie de le faire découvrir au plus grand nombre. Nous avons donc acquis les droits du livre et publié “La musique des autres” en octobre 2008. Il y a tout de suite eu de superbes papiers dans la presse, même si les nouvelles n’ont pas forcément la faveur du public, ce qui est vraiment dommage. Je trouve un peu navrante la dictature du roman en France.
À la lecture de Famille Modèle, qu’avez-vous ressenti dans l’écriture de l’auteur depuis « La Musique des Autres» ? Un changement de cap ? Une maturation de l’écriture? L’affirmation d’un style ?
Et à l’automne 2009, est arrivé le manuscrit du premier roman d’Eric Puchner, au titre singulier, “Model Home”. À la lecture du petit texte de présentation de l’éditeur américain, je me suis dit encore une histoire de famille… Et puis, j’ai commencé à lire le livre et j’ai été bluffé, car rien dans ce livre ne relève de ce qui est attendu.
Je l’ai lu presque d’une traite, étant pour ainsi dire littéralement emporté par les personnages, l’intrigue et l’écriture… Tout était en apparence ordinaire et ne l’était absolument pas en réalité. Ce jeune auteur parvient à restituer la densité, l’épaisseur de la vie, des sentiments. C’est un formidable explorateur de notre humanité, de notre condition de pauvres humains. Écriture, construction, maîtrise, tout cela m’a beaucoup impressionné, et je me souviens avoir fait ce que je n’ai que très rarement fait jusque-là, pour ainsi dire jamais. J’ai pris mon téléphone, sitôt la lecture achevée, pour dire à Eric combien son roman m’avait époustouflé, combien je le trouvais parfaitement réussi. Ce que à quoi, il m’a répondu avoir passé huit années à l’écrire.
Vous êtes également l’éditeur de Wells Tower en France. N’y a-t-il pas des corrélations à faire entre ces deux auteurs américains aussi bien sur le plan du style que celui du fond ?
Eric Puchner et Wells Tower partagent certainement un regard décalé et insolite
sur l’Amérique et sur l’existence. Leurs personnages sont somme toute des gens simples et ordinaires, mais, comme chacun de nous, ils se révèlent extrêmement complexes et sont souvent soumis à de grands défis.
Ces deux auteurs ont aussi en commun un humour caustique et une attirance pour ce qui relève de l’insolite, de l’inattendu, toujours prompts à saisir le lecteur, à lui en faire voir de toutes les couleurs.
Si vous deviez résumer «Famille modèle» en seulement 2 mots, que diriez-vous ?
Si je devais résumer “Famille modèle” en deux mots, je dirais “sacré bouquin” !
(Crédit photo Vincent Bourdon)