Fabienne Thibeault :  » Starmania, un opéra-rock mythique, qui n’a absolument pas vieilli »

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Partagez l'article !Par Emmanuelle de Boysson – BSCNEWS.FR / Fabienne Thibeault s’est fait connaître dans le rôle de la première Serveuse Automate de Starmania. Elle défend les terroirs, la ruralité et nous offre le récit savoureux, drôle, tendre, enlevé de sa légende familiale au Canada, dans le Charlevoix de son enfance. Comment avez-vous composé ce […]

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Par Emmanuelle de Boysson – BSCNEWS.FR / Fabienne Thibeault s’est fait connaître dans le rôle de la première Serveuse Automate de Starmania. Elle défend les terroirs, la ruralité et nous offre le récit savoureux, drôle, tendre, enlevé de sa légende familiale au Canada, dans le Charlevoix de son enfance.

Comment avez-vous composé ce récit ? Par vos souvenirs, des témoignages de personnes de votre famille, des recherches ?
Je viens d’une famille qui avait l’habitude de conter, de raconter. Toute mon enfance a été ponctuée de ces longues soirées où les adultes, assis en cercle dans des « chaises berçantes », les hommes avec une bière entre les cuisses, commentaient la vie locale, donnaient des nouvelles de la ville, se remémoraient les histoires d’autrefois, revisitant la légende, transformant parfois la vérité ! Témoignages de ma famille, frère, mère, oncles et tantes, vieux amis, correspondance gardée, lectures, souvenirs de ma marraine, les miens (autant que je puisse m’y fier) ont constitué la matière de ce récit. Extrait : « Les années qui passent modifient la teneur de nos souvenirs ; à partir de quoi la mémoire transforme-t-elle la réalité vécue ? Est-ce la distorsion des émotions qui produit son écho ? » .

Qu’est-ce qui caractérise ces pionniers venus au Canada dont fait partie votre famille ? Leurs valeurs ? Leur courage, leur faculté d’adaptation…
Il est difficile de se mettre dans la peau de ces hommes et de ces femmes que trois siècles et demi séparent de nous. Ils devaient être moins chochottes que nous, sûrement moins sentimentaux et si peu consuméristes. Courageux ? Ils l’ont été… sans peur même, dans ce Grand Nord, bien que certainement inquiets, car l’inquiétude est vieille comme l’instinct. Courageux, aventuriers, avec des mottes de rêves à leurs souliers. Pour illustrer mon propos, voici une de mes chansons : « En avant, compagnons de fortune, en avant, au clair de la lune, des haubans, grimpons à la hune voir devant, j’ai eu vent que la terre est ronde, je me sens revenir au monde et je sais, que la bas en Nouvelle –France on aura enfin une chance d’espérer »

La figure du père est centrale, parlez-nous de lui…
Je suis une fille de son père… Je me revois ; je dois avoir quatre ans. Calée dans ses bras, à hauteur d’adulte, je regarde ma mère, jolie femme de 27 ans ; je voudrais qu’elle disparaisse ; en même temps je l’aime et j’ai peur de la perdre ou de lui faire du mal. C’est tellement déchirant et troublant que je passe vite à autre chose. Et d’amoureuse en puissance, je redeviens leur petite fille. Entre Raymond, mon père, et moi, la relation a toujours été pudique. Il avait ses secrets, ses humeurs. Il m’a tout de même fait des confidences bouleversantes sur sa jeunesse. Un homme digne, bourré de charme.

Quel rôle joue la nature, le fleuve Saint-Laurent au sein de cette histoire ?
Mon enfance fut rythmée et marquée par le fleuve Saint-Laurent, dont les marins qui le connaissent pourtant bien, disent qu’il est « dur à naviguer », surprenant, sombre et dangereux mais aussi noble et attachant ; parfois secoué de vents et de tempêtes, à la fois fleuve d’été et fleuve d’hiver, calme à l’étal comme pris dans la glace. Le Saint – Laurent est un grand mâle ; il perce, pénètre, secoue, donne des grands coups vers l’utérus de ce continent : les Grands Lacs, Supérieur, Huron, Erié, Ontario, Michigan tels une grappe de petites « mers intérieures. ». C’est un fleuve puissant, un univers à lui tout seul, palpable, omniprésent. Sans lui, notre histoire n’aurait pas été la même. Il a permis la conquête d’un continent. Le Saint-Laurent », disent les Indiens, « c’est une route qui marche ». Ceux qui ont vécu sur ses bords ou à sa proximité en sont marqués à jamais.

Racontez-nous l’aventure de Starmania…
Starmania… un opéra-rock mythique, qui n’a absolument pas vieilli : Starmania dit le monde d’aujourd’hui encore plus puissamment qu’il l’avait prédit. C’est aussi une histoire « d’amour » entre un auteur et un musicien, Luc Plamondon et Michel Berger… parce qu’il faut s’aimer pour écrire aussi bien ensemble. Une des plus grandes qualités des chansons de Starmania est de coller aux personnes qui les incarnent… J’étais Marie-Jeanne, la Serveuse Automate, elle me ressemblait tellement. J’en raconte les débuts dans mon livre, les difficultés du casting, le choix de France Gall et de Diane Dufresne, ma propre sélection lors d’un festival, les répétitions.

Quels sont les auteurs canadiens que vous admirez ?
Michel Tremblay ; auteur contemporain, aussi prolifique au théâtre qu’en littérature romanesque, il a donné ses lettres de noblesse à la langue du peuple, créé des personnages hauts en couleurs, d’une grande force. Son traitement de la réalité homosexuelle a été très important dans l’évolution des mentalités et le respect des droits des homosexuels. Roland Jomphe : Magnifique poète, ce Madelinot parle des ses îles et de la mer avec une langue unique, belle de simplicité et d’humanité. Plus que lire Roland Jomphe, il faut l’écouter parler. Sa voix riche de son accent si particulier est comme une caresse pour l’âme et alors, on a envie d’être son ami et de se savoir aimée de lui.

Fabienne Thibeault,
« La fille du Saint-Laurent », éditions du Moment.

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