L’Angleterre existait bien avant les cheveux longs

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Par Alexandre Roussel – BSCNEWS.FR / Quelque chose d’autre. Oui, ils nous présentent un menu alternatif en cette année 1967. Pendant que d’autres nous proposent «de passer de l’autre côté», «de suivre le lapin blanc», ou encore de rencontrer «Lucy dans le ciel avec des diamants», nos chers amis londoniens des Kinks louent les petits thés de l’après-midi, les couchers de soleil sur la Tamise, et la mélancolie des almanachs d’automne. Un choix quelque peu risqué et audacieux à une époque où la musique symbolise l’universalisme et non le provincialisme. Mais la bande des frères Davies s’en moque comme de sa première chemise à jabot. Ils sont anglais et fiers de l’être comme les Beatles, certes, mais aussi comme Dickens, Jane Austen ou les pêcheurs de Portsmouth. Tout cela n’a pas toujours été le cas. Trois ans en arrière, les Kinks s’étaient fait connaître avec quelques singles, quand les Beatles acceptaient de lâcher quelques positions en tête des charts. Des hits comme You really got me, All day and all of the night, ou Till the end of the day sont, aujourd’hui considérés comme l’acte de naissance du style garage avec ces guitares caractérisées par un son lourd et direct (certains y voient même l’ancêtre du punk, ça c’est un peu fort de café !). Malgré une inventivité dans l’écriture et une reconnaissance de leurs pairs, l’ascension du groupe reste perturbée (problèmes juridiques, conflits incessants au sein des musiciens). Comme le souligne Nicolas Ungemuth dans son passionnant ouvrage Garageland (éd. Hoëbeke) : « Sans doute leur a-t-il manqué un George Martin, un Glyn Johns ou un Andrew Oldham ». Surtout, l’interdiction en 1965 de tourner aux Etats-Unis (le groupe tient une réputation sulfureuse en concert), alors en pleine British Invasion, va sérieusement influencer leur évolution musicale. Le groupe tourne le dos à ses premiers amours (rock’n roll, blues, rythm’ n blues) pour se voir comme un nouveau chaînon de la musique populaire anglaise et de toutes ses traditions. Ce basculement se fait sentir sur l’opus Face to face et s’épanouit pleinement sur ce cinquième album. L’ensemble des chansons tient de cette pop victorienne complètement épurée des influences extérieures pour relater des petites scènes de la vie anglaise. Tout cela sent bon le cottage et les trottoirs de Sa Majesté (Two sisters, Afternoon tea, End of the Season), le folklore (Harry Rag), et les tragi-comédies urbaines (David Watts, Death of a Clown, Situation Vacant). Au passage, Ray Davies n’oublie pas de créer l’hymne pop de Londres, Waterloo Sunset, qui est à la capitale britannique ce que Penny Lane est à Liverpool. Un an plus tard, le groupe avec The Village Green Preservation Society fera passer ce style au rang de concept. Grâce aux Kinks, on ne pourra plus jamais oublier que l’Angleterre existait avant l’apparition des cheveux longs.
Le Panthéon : The Kinks – Something else by The Kinks

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