Nigéria: une scène musicale excitante

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Par Eddie WilliamsonPUTSCH.MEDIA /
Le Nigéria, c’est là. Le pays a été une colonie anglaise de 1886 à 1960. Suite à son indépendance, le Nigéria est divisé en 3 régions, puis subdivisé en 12 régions (36 aujourd’hui). L’une d’entre elle, le Biafra, entre en sécession en 1967. S’ensuit une guerre civile particulièrement terrible, certaines ethnies (il y en a environ 250 au Nigéria) étant violemment prises à partie, j’vous épargne les détails sanglants. Tout ça est accompagné d’une crise alimentaire monumentale. La paix revient en 1970 avec la capitulation du Biafra.

Et à partir de 1970, les musiciens Nigérians se lâchent. La série Nigeria Special tente de capturer l’essence de la période 1970-1976 qui vit la scène musicale nigériane devenir l’une des plus excitantes du monde ! Comme s’en étonne Miles Cleret dans les liner notes du digipack que j’ai eu le bonheur de recevoir dans ma boîte aux lettres en début de semaine, une très grande partie de l’héritage musical de cette période n’a jamais reçu l’attention qu’elle mériterait. La première chose qui m’a sautée aux yeux lorsque j’ai commencé à chercher de quoi satisfaire ma soif de sons afro (après m’être prise une gigantesque claque en découvrant Fela Kuti), c’est l’extrême diversité de styles, de variations, de mélanges qui constitue la musique nigériane de cette période.

C’est complètement dingue. À partir de 1970, c’est une véritable éruption de créativité qui a ébranlé le pays le plus peuplé d’Afrique, et on commence à peine à s’en rendre compte. Toujours dans les liner notes de la compilation, Miles Cleret salue le travail des centaines de blogs qui, à la suite de la publication de Nigeria Special : Volume 1 ont commencé à assembler les pièces du puzzle de cet immense héritage. À votre niveau, vous avez sûrement remarqué l’engouement d’artistes indie pour les sons afro (pour le meilleur ou pour le pire), que ce soit l’afrobeat, l’ethio-jazz, le highlife, le juju… Il y a encore beaucoup de boulot à faire pour faire connaître au plus grand nombre les trésors de la musique nigériane des années 1970.

Outre le fait de vous donner envie de partir en vacances et de bouffer des glaces au citron vert en vous éclatant à la soirée dansante de votre camping, la sélection de Miles Cleret est un délicieux melting-pot de morceaux jamais réédités, de faces A et B, d’extraits d’albums restés dans l’obscurité, parfois jamais sortis autrement qu’en vinyle. Ça se mange sans faim. La fin de la Guerre du Biafra a donné un nouveau souffle à la scène highlife nigériane, les artistes se sont appropriés de nouveaux styles, ont osé mélanges et fusions et fait explosé toutes les barrières qui se dressaient devant eux. Le highlife rencontre le rock et la musique cubaine (”Onyebu Chi”), le blues fusionne gaiement avec l’afrobeat, tout ça avec un sentiment de confiance retrouvée en l’avenir et une liberté nouvellement acquise que j’ai rarement autant ressentie dans un album.

Evidemment, je ne comprends pas un mot de ce que racontent James Etamobe (signé chez EMI à l’époque), Bola Johnson, Dele Ojo et compagnie, je ne peux donc que deviner ou imaginer qu’ils expriment, comme leur musique, la volonté d’en finir avec la violence et d’inviter le peuple nigérian à prendre son destin en mains. Triste est de constater qu’aujourd’hui le Nigéria est un des pays les plus corrompus au monde, qu’il n’a ainsi pas pu tirer profit de ses ressources naturelles, gérer son exode rural, etc.

Les compilations Nigeria Special sont à mettre dans toutes les mains, vous en avez largement pour votre argent, et c’est peu de le dire. Triomphantes furent les années 1970-76 aux quatre coins du Nigéria, indispensable est le travail de redécouverte de cette période !

Sortie le 15 mars 2010 (Soundway Records)

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