Benjamin Lacombe : un artiste aussi talentueux que singulier
Propos recueillis par Julie Cadilhac / Photo Matthieu Dortomb/ Illustrations Benjamin Lacombe
Qu’est-ce qui déclenche pour vous l’impulsion d’une histoire? un portrait? un lieu et les rites qui lui sont associés? un thème? (ex: la réincarnation chez les Amants papillons)
En fait, 80% des fois, c’est un thème: des réminiscences de l’enfance ou des sujets qui m’intéressaient étant enfant et qui m’intéressent toujours étant adulte. C’est souvent cela, l’élément déclencheur d’une histoire. Je ne pars jamais d’une image pour ensuite construire une histoire autour. Il arrive parfois qu’il y ait des ambiances que j’ai envie de traiter et il faut parfois des année avant que j’arrive à faire en sorte que le thème, l’histoire et l’univers collent. Par exemple, dans la mélodie des tuyaux, l’esprit « cirque début vingtième », c’était quelque chose que je voulais faire depuis très longtemps et à chaque fois je n’avais pas la bonne histoire et je ne voulais pas faire un livre prétexte: il m’a donc pris du temps ce texte autour des thématiques de la différence et de la réalisation de soi? C’est d’ailleurs une réalisation de soi d’une manière divergente de celle que l’on entend souvent puisque le petit garçon ne va pas réussir dans les études mais de manière plus artistique. Pour écrire une histoire, je vais piocher souvent des éléments dans ma vie mais aussi dans celles des gens qui m’entourent.
Pourriez-vous affirmer qu’au départ vous êtes un portraitiste? Que les visages vous attirent?
Non, mais ce qui est sûr , c’est que les personnages sont toujours au centre de mes histoires : je les construis toujours ainsi. Tout doit se répondre et l’histoire découle directement des profils psychologiques de mes personnages. Les visages sont toujours inspirés de gens autour de moi ou que j’ai rencontrés et qui, comme pour un directeur de casting, correspondent au rôle. Je ne vais pas dessiner un personnage, comme ça, sans trop réfléchir à qui sait et construire une histoire ensuite. C’est le processus inverse: d’une thématique découle un profil psychologique qui nécessitera un visage qui correspond à cette personnalité.
Donc votre premier réflexe, ce sont les mots, pas le dessin?
Oui, ce sont les mots ou tout du moins l’histoire. Les mots se réécrivent au fur et à mesure. En fonction des images, le premier jet s’affine petit à petit.
Le carnet rouge est une de vos premières expériences en tant qu’auteur illustré par un autre. Quelles exigences a-t-on lorsqu’on est soi-même illustrateur? Est-il facile de ne pas conseiller? De ne pas imposer un style?
Travailler avec des illustrateurs, c’est d’abord une rencontre avec leurs dessins et j’essaie de construire mon histoire pour eux. J’essaie vraiment de faire un sur-mesure. On en discute avant, ils me disent ce dont ils ont envie, l’univers et les thématiques qui les intéressent et là , en mélangeant mon univers et le leur, je vais créer une histoire. J’ai une technique de dessin qui est longue et qui m’empêche de multiplier les albums par an : chacun de mes dessins me prend entre trois et cinq jours pour être réalisé et j’ai des tas et des tas de livres en tête que je ne peux pas faire à ce rythme-là, aussi, en travaillant avec d’autres illustrateurs, cela me permet de pouvoir raconter davantage d’histoires – même si elles sont un peu différentes de celles que je crée pour moi-même parce que je les conçois pour un autre illustrateur.
Agata Kawa semble avoir été fidèle à votre style de dessinateur…
C’est marrant parce que depuis qu’il est sorti, on le dit et pourtant moi je ne suis pas du tout intervenu dans le dessin, j’ai juste donné quelques idées de mise en scène. Nos dessins sont très différents: Agata a un style très graphique et elle ne travaille pas beaucoup sur une mise en espace et en volume alors que moi, c’est exactement mon propos. Mes personnages sont comme en 3D, ils se déplacent dans un espace qui pourrait être reproduit ensuite en vrai.
je crois que l’histoire est ce qui fait un livre aussi ce qui rend proche,peut-être,les illustrations du Carnet Rouge , de mes livres d’illustration , c’est tout simplement peut-être parce que c’est moi qui l’ai écrit.
Y-a-t-il un peu d’autobiographie dans cette histoire? Avez-vous aussi des petits carnets où vous gribouillez sans cesse?
Oui, bien sûr. Quand j’étais petit, j’étais souvent pris par le prof en train de dessiner, je crayonnais tout le temps et c’était un peu problématique parce qu’effectivement j’avais toujours un peu la tête dans les nuages. Toute cette partie-là sur la création et comment on développe un univers intérieur et on le transmet sur le papier, c’est vraiment des thèmes dont je me sens proche. D’ailleurs, dans tous mes livres, il y a quelque chose de moi car c’est ma voix qui parle au travers des personnages.
L’éloignement est-il un élément narratif essentiel à vos personnages?
Il n’est présent que dans deux livres: Le carnet rouge et Les Amants Papillons. Le Carnet Rouge est une biographie imaginaire de William Morris; c’est un personnage, William, qui part dans une école où l’on forme des futurs prêtres et finalement en se retrouvant seul avec lui-même, il va développer cet amour pour le dessin et va devenir William Morris, le grand auteur illustrateur designer. Naoko, dans Les Amants Papillons, va partir de chez elle et, alors qu’elle est destinée à devenir une femme comme il faut et épouser un vieux notable, en se retrouvant seule et en se travestissant en homme, elle va pouvoir vivre sa vie comme elle le veut et ne suivra pas le chemin qui lui était destiné. Par l’éloignement, dans les deux cas, se génère une indépendance d’esprit: ce sont deux personnages qui vont aller complètement contre les dogmes de leur époque et Il n’est pas facile de sortir du cadre quand l’on est issu d’un milieu socio-culturel bien établi, bien impeccable! Or si Naoko est une jeune femme aussi libérée, c’est qu’elle n’a pas l’exemple maternel de ce que doit être une femme et pour William, c’est pareil puisque son père est mort.
Dans l’Enfant Silence, il n’y a pas un éloignement physique mais une distanciation avec les autres…
L’Enfant Silence est un livre particulier dont je ne suis pas l’auteur, seulement l’illustrateur. C’est un livre dont je me suis senti proche, d’abord parce qu’il parlait d’une thématique délicate, très difficile à coucher sur le papier et aussi car beaucoup de gens de ma famille travaillent avec des enfants et ma mère était psychologue. Je ne pense pas qu’il y ait dans ce livre un éloignement, c’est plutôt un cloisonnement. C’est un personnage qui va complètement se refermer sur elle-même, sur son univers intérieur pour se protéger de la violence de ce qui l’entoure. Elle n’arrive pas à exister et elle se terre dans un univers quasi autiste.
Ce côté vintage, ancien, que vous cultivez aussi dans vos illustrations? D’où provient-il? Cet auto-portrait en noir et blanc sur votre site, comment l’avez-vous conçu?
J’adore le dix-neuvième, début vingtième, toute l’esthétique, même au niveau de la maquette, de la typographie. Cet autoportrait a été fait avec une technique nouvelle où je partais de photos anciennes et j’essayais de reproduire une photo avec mon style de dessin….comme si un de mes personnages avait été pris en photo. L’effet » vieille photo », ça donne un accent d’étrangeté marqué,ça instaure une frontière entre le réel et l’interprétation. Dans les photos anciennes, il y a un côté suranné très émouvant qui se lie tout de suite avec le souvenir et donc en utilisant cette technique, je voulais cette idée du souvenir et du temps qui a passé. Mais pour le côté vintage général, ça va vraiment dépendre des histoires. Maintenant c’est vrai que, même lorsque je dessine des buildings dans Cerise Griotte, ce sont des immeubles un peu abîmés; je n’aime pas tout ce qui est trop brillant, trop clinquant, trop neuf, les matières plastiques etc…ça vient sans doute là encore de l’enfance: ma mère, c’est quelqu’un qui gardait tout, des vieux trucs partout, les murs étaient tapissés de vieux cadres et c’est une esthétique qui, je pense, m’a suivi. Maintenant, vu que j’aime que l’on s’évade dans un livre, dans des univers plus anciens, on s’échappe plus facilement. C’est vrai que je ne vais jamais dessiner des spationautes, des soucoupes volantes…peut-être un jour?! mais ce sera alors à contre-emploi.
La magie (les sorcières), l’Asie, l’ésotérisme peuplent aussi votre imaginaire. Êtes-vous profondément mystique ou est-ce juste vos doigts qui se sentent inspirés par les univers mystérieux?
C’est ce que je vous disais, j’ai besoin de m’évader! Quand j’écris pour d’autres ou même quand je découvre les univers d’autres auteurs ou illustrateurs, j’aime trouver des univers très différents de moi pour pouvoir m’y plonger.
Le macabre semble également vous fasciner… Dans quelle mesure acceptez-vous que l’on vous qualifie de burtonien?
J’ai remarqué que dès qu’un univers est un peu sombre, les gens l’assimilent à Tim Burton. Tout simplement parce que c’est le type le plus connu qui travaille autour du gothique et de manière générale, j’ai remarqué que les gens ont toujours besoin d’ associer un dessin à quelque chose de déjà connu. Lors d’un voyage en Thaïlande, par exemple, j’ai croisé des demoiselles, qui à mon avis ne connaissaient pas trop Burton, qui ont découvert certains de mes dessins et comme ,à l’autre bout du monde, à cette époque au cinéma, il y avait Avatar de Cameron ,elles m’ont dit que mon travail ressemblait beaucoup à Avatar parce que les yeux étaient très écartés. J’en ai été estomaqué.
Maintenant j’adore Burton. Son travail est sublime. Lorsqu’ado, j’ai vu L’étrange noël de Mr Jack, j’ai été très ému car je me sentais proche de son univers et je me suis dit « Ah! c’est ça que je veux faire! » (rires). Il m’a permis de réaliser que c’était possible de développer un univers un peu sombre parce qu’au début, ça n’a pas forcément été facile de l’imposer. Le sombre ne semble pas bien se marier avec l’album jeunesse…
Il y a une sorte de Catwoman sur votre site…
….en fait c’est un petit chaperon rouge un peu trash et qui n’est pas du tout destiné aux enfants! C’est une peinture que j’ai faite pour une galerie italienne, pour une exposition pop surréaliste sur le thème des contes. Cette association que l’on me fait avec Burton, je pense, s’explique simplement par la rencontre de deux univers qui ont de similitudes mais aussi beaucoup de divergences. Mais cette comparaison ne me dérange pas du tout, au contraire!
Vos personnages ont rarement une ride: pourquoi cultiver ce masque de l’éternelle jeunesse? simple esthétique? Y-a-t-il une symbolique? La vieillesse vous est-elle anxiogène?
J’écris beaucoup d’histoires pour enfants et les personnages principaux sont souvent des enfants qui n’ont donc pas de ride. Mais il y a des personnages âgés dans mes histoires, les parents de Cerise, la servante de Naoko ou encore les parents d’Alexandre dans la Mélodie des Tuyaux. En revanche, je me suis rendu compte récemment que j’ai des difficultés à dessiner les gens de 35-40 ans, ceux dont les rides commencent à être visibles mais pas trop. C’est un âge que je n’ai pas l’habitude de dessiner, cet entre-deux entre l’enfance et la vieillesse,oui, je l’ai moins (rires)! En étant forcé d’y travailler ces derniers temps, je crois que j’ai progressé! Quant au côté anxiogène de la vieillesse, de la peur de vieillir, c’est très personnel mais évidemment que oui! Je ne sais pas si je ne dessine pas bien les quarantenaires parce que je n’ai pas du tout envie d’avoir quarante ans mais ce qui est sûr, c’est je n’ai pas du tout envie d’avoir quarante ans! ( rires).
Reparlons de L’Enfant Silence : comment arriver à représenter une réalité douloureuse sans heurter la sensibilité des enfants?
C’est un texte que j’ai reçu dans ma boîte aux lettres et j’ai tout de suite accroché. Je l’ai tout de même fait lire à ma mère comme il traitait d’un sujet délicat pour savoir si, d’un point de vue psychanalytique, il fonctionnait correctement et une fois qu’elle m’a eu dit, parce qu’elle est à la retraite maintenant, que c’est un livre dont elle aurait pu se servir, j’ai foncé. C’était un texte qui traînait depuis trois ans et Cécile Roumiguière se heurtait dans toutes les maisons d’édition aux mêmes réflexions à savoir que c’était beau mais pas pour les enfants. Comme au Seuil, ça se passe bien et que Françoise me suit, je lui ai présenté et elle a accepté. Même s’il n’y a pas un large public car il aborde un sujet tabou et donc absolument pas traité dans les albums jeunesse. Les gens n’ont pas nécessairement envie de se confronter à la lecture à ces choses-là. Pourtant je trouve ce genre de livre important et les livres qui m’ont le plus touché n’avaient en général ni une écriture ni un sujet facile.
C’est un livre qui diffère de tous mes autres livres parce qu’il n’a pas de narration au sens cinématographique avec des plans, des plongées et des contre-plongées, c’est une narration beaucoup plus organique qui travaille sur l’intériorité et sur un monde complètement inventé par cette petite fille qui s’est créé cet univers intérieur plein de symboles. Dans ce livre, il y a une double narration dont celle qui est traitée uniquement de manière graphique,celle qui amène à réfléchir à des choses qui ne sont pas écrites dans le texte. Ainsi, au tout départ Cécile parle d’alouettes et moi , les alouettes, j’ai décidé que ce serait la représentation matérialisée du secret de la petite fille. Donc au début, elles l’encerclent, elles sont très nombreuses, il y a presque un côté oppressant et lorsqu’elle va parler, délivrer sa parole, les alouettes s’envolent à la dernière page et au fur et à mesure, si l’on regarde bien , il y en a de moins en moins et quand elle commence à se livrer dans le cabinet de la psychanalyste, il n’y a plus que trois alouettes autour d’elle . De la même manière, j’ai travaillé sur la symbolique de la cage et de l’enfermement. La poupée aussi est symbolique. Les enfants ont tendance à matérialiser leurs douleurs – ma mère par exemple, travaillait beaucoup avec le dessin et les enfants y parlaient beaucoup plus qu’avec leurs mots- et là cette petite fille matérialise son silence et sa peine au travers de cette poupée qu’elle a grimée et à laquelle elle a cousu la bouche… à la fin, cette bouche se découd et on voit le sourire de la petite poupée. D’autres symboles? Le cygne qui ,dans la représentation asiatique représente le renouvellement, ou le noir et le blanc, le ying et le yang qui montre l’ambivalence du personnage… Oui, c’est un livre que je n’ai pas traité comme une histoire mais comme du ressenti.
Les contes macabres d’Edgar Allan Poe collent si bien à votre pinceau….comment est née cette association post-mortem entre Poe et vous? Qui en a été l’initiateur?
Il m’est arrivé à ce sujet un truc très drôle récemment : un libraire m’invitait, moi et M. Edgar Allan Poe ,à une séance de dédicaces (rires). Poe fait partie des auteurs qui jalonnent ma vie, comme Lewis Carroll ou Oscar Wilde qui m’ont constitué artistiquement. J’ai découvert Poe quand j’avais 10 ans, c’était un type de narration que je n’avais pas vu ailleurs et qui est d’ailleurs toujours extrêmement singulière. Les versions illustrées que j’avais vues ne m’avaient pas touché malgré la beauté de certaines: il n’y avait pas ce que moi je voyais dans le texte. J’avais donc vraiment envie d’illustrer ces contes avec la crainte d’abîmer le texte parce que lorsqu’on se sent très proche d’un univers, ça peut être dangereux de s’y exprimer aussi. En plus, c’est un texte un peu « casse-gueule », il y a beaucoup de descriptions, de passages fantastiques et avec le fantastique, on peut vite tomber dans quelque chose d’un peu kitsch. Poe a une écriture élégante et il est difficile de rester sur le même mode d’élégance quand on doit représenter des monstres ou des gens déformés. C’est un très vieux projet et je me suis rendu compte qu’il y avait le bicentenaire en 2009 alors j’ai saisi l’occasion…ça a été un travail très intense dont j’ai mis beaucoup de temps à sortir. J’ai du décaler d’autres projets cette année parce que je n’ai pas pu reprendre immédiatement autre chose après, j’étais encore trop imprégné par cet univers. Quand on est plongé 24 heures sur 24 sur un bouquin, il faut ensuite un temps de réadaptation.
Vous semblez avoir une fascination pour l’objet livre….
Pour moi, le livre est un voyage. L’IPAD, par exemple, ça ne m’attire pas du tout. Quand je fais un livre: je respecte des étapes: le texte d’abord, ensuite je choisis le format en fonction du sujet. L’enfant silence qui aborde un sujet très intime sera un petit format alors que les épopées ou les grandes histoires d’amour comme Les Amants Papillons, ça doit être grand. La mélodie des tuyaux, c’est pareil, ça parle de spectacle et de cirque donc ça mérite du grand format . Dans le grimoire par exemple, c’était très important que ce soit un papier pâte, que sur la couverture on sente les aspérités. La maquette est importante aussi, les typographies qu’on va utiliser, comment, cabochon ou pas cabochon, couleur ou pas couleur, tout doit s’accorder pour faire un tout. Dans Poe, on m’a donné les moyens de faire aboutir le projet comme je le voulais . Je suis vraiment content de la fabrication de ce livre, on a travaillé avec un imprimeur français sur un papier de très grande qualité qui se recycle, chaque page a été pelliculée, ce qui, d’ailleurs, me pose bien des problèmes en dédicace parce qu’il n’y a rien qui arrive à accrocher sur le livre! je suis obligé d’utiliser des feutres indélébiles! J’en suis très satisfait de ce livre même si le propre d’un livre, c’est que dès qu’il est terminé, l’auteur-illustrateur n’en voit plus que les défauts ou les manques, c’est terrible de vivre une éternelle insatisfaction…(rires)
Vous avez un blog brillant, spontané et riche de précieuses découvertes. Que vous apporte le réseau internautique?
Pour moi, le blog, c’est un peu la cuisine; c’est une manière de communiquer parce que je reçois plein de mails et c’est difficile d’y répondre car je perdrais beaucoup trop de temps à le faire. Le blog est un moyen de » montrer », les gens sont très curieux de savoir comment on fait un livre aussi c’est intéressant de pouvoir y afficher les crayonnés, les couvertures, les essais de couvertures, d’y expliquer mes projets, d’y délivrer des clefs de mon travail et ça permet d’instaurer une espèce de dialogue. J’aime aussi y parler d’autres artistes, d’expositions, de films dont je me nourris au jour le jour, ça donne aux gens un peu les clefs de mon univers.
J’y ai découvert par exemple Les bêtes d’ombre de Stéphane Blanquet…
Blanquet, les gens passent parfois à côté, parce qu’il travaille dans un milieu underground et je trouve ça dommage parce que j’adore ce qu’il fait! Je me sers du blog pour parler de ce qui me touche.
Avez-vous des références en matière d’iconographie? d’image mobile? de littérature? Y-a-t-il des oeuvres majeures qui ont influencé votre trait et votre plume?
Il y a Edward Gorey dont j’aime tout : que ce soit ses pièces de théâtre, la série télévisée Mystery, ses cent cinquante livres, tout est bien! (rires) D’autres m’ont beaucoup touché , on parlait de Burton, Hitchcock aussi m’a beaucoup influencé sur la façon de cadrer, de réfléchir à l’angle de vue. C’est un réalisateur qui travaillait sur des thrillers difficiles et qui pouvaient virer vers quelque chose de très kitsch parce que c’est spécifique du genre et pourtant il bossait avec grâce, délicatesse et beaucoup de suggestion. C’est justement ce que j’ai essayé de faire dans Les Contes Macabres, de la suggestion, je n’ai pas montré les dents de Bérénice ou le corps décharné de Morella,, j’ai suggéré, j’ai montré un visage qui regarde ce corps là en contre-plongée avec de la lumière et on y voit la terreur dans les yeux; je crois que c’est beaucoup plus fort que n’importe quelle représentation que je pourrais donner. Ce sont des principes d’Hitchcock. Je suis aussi très influencé par la peinture classique comme les primitifs flamands , Petrus Christus ou Jan Van Eyck et par les peintres du quattrocento: De Vinci, il a tout dit! (rires). Et j’aime beaucoup la photo également, j’en fais un peu et j’adore notamment la staging photography: c’est une photo très composée, presque comme une peinture où la photographie sert de medium , pas comme chez Cartier-Bresson ou Depardon que j’adore par ailleurs , mais plutôt dans une maîtrise des techniques de la photo où sont montées des mises en scène, créés des décors. Quelqu’un comme Gregory Crewdson par exemple, va se servir d’éclairagistes, de maquilleurs, faire une production comme un film et par petites touches comme ça, il va monter sa photo. Du coup, c’est un peu proche du dessin où il y a plusieurs étapes nécessaires pour amener à l’image finie. Ce sont donc des travaux qui sont proches de mon travail et que j’apprécie.
Vous faîtes donc de la photo…
Un peu…j’ai fait de la photo et de la vidéo quand j’étais aux Arts déco et j’ai beaucoup hésité à choisir entre la photo et l’illustration; Mais bon, un jour, peut-être j’en referais…il faut laisser faire le temps; le temps est mon ennemi constant ( rires)!
Nous recevons ce mois-ci la galerie Artludik dans laquelle vous avez exposé: quels souvenirs de cette expérience?
En fait, j’ai fait deux expositions là-bas, une autour des Contes Macabres et de la collection générale qui s’appelait Métamorphoses, ce fut une expo très émouvante parce que j’aimais beaucoup tous les artistes qui y ont participé comme Barbara Canepa Guillaume Bianco ou Jérémy Almanza. Avec Barbara, on a voulu faire des scénographies: on a mis en place des cadres très travaillés ; j’ai par ailleurs reproduit le cabinet d’écriture de Poe avec une vieille chaise, des vieux parchemins, des vieilles lampes qui créaient toute une ambiance. C’était une période très éprouvante parce que ,juste avant, j’avais fait ma première expo seul à Paris à la galerie Daniel Maghen. Et puis à la galerie Arludik toujours, il y a eu l’expo sur Burton où j’ai exposé une Alice que l’on m’avait commandé pour le magazine officiel sorti pour le film. Trois expos d’affilée!
La prochaine parution?
Un classique qui va sortir chez Milan fin septembre, un livre qui va paraître d’abord à l’étranger chez Random House, de la littérature illustrée pour adultes, et mon livre de fin d’année du seuil qui est un livre très particulier- je vais laisser planer encore le mystère – mais qui est très différent de tout ce que j’ai fait.
Propos recueillis par Julie Cadilhac