L’affaire Onfray
Par Sophie Sendra – bscnews.fr /
Il existe une polémique philosophico-psychanalytique. L’affaire est-elle grave docteur ? Assurément diraient les uns, pas vraiment diraient les autres. A peine une tempête dans un verre d’eau.Pour ceux qui ne sont pas du milieu – très fermé – universitaire, l’affaire peut être incompréhensible, voire extraordinaire, alors que pour les autres, il ne s’agit pas de quelque chose d’incroyable.« L’affaire » dont je parle est celle qui prend un espace médiatique assez large, qui va des émissions télévisées aux journaux papiers, c’est l’ « affaire Onfray ».De quoi s’agit-il alors ? Qu’y-a-t-il de si perturbant dans son ouvrage ?L’Homme-FreudIl est question de plusieurs éléments. Le premier est celui de l’homme-Freud. On découvre dans ce livre que ce cher Sigmund a eu une vie très particulière tout au long de ses recherches. Celles-ci concernaient ce qu’appelait les anciens « l’âme humaine ». En découvrant que cette âme était en fait « esprit », Freud passait d’un postulat religieux à une découverte « scientifique » : le cerveau, l’être tout entier ont une mémoire qui dépasse celle de son histoire et de son immédiateté : l’inconscient.Comme tout chercheur, il tente de faire passer son postulat au rang de théorème c’est-à-dire de rendre sa découverte théorique, tout à fait pratique et universelle.Comme tout chercheur, il passe par des expériences aléatoires afin de prouver son « intuition ». Il fait des expériences qui sont censées valider cette dernière.L’homme-Freud, lui, a des travers, il est de son temps. Il est comme ses congénères. « Frileux » vis à vis des femmes, plein de préjugés, se trompant quant à l’interprétation du comportement de l’enfant etc. Croyant au bien fait de certaines substances, il tente des expériences en tant que cobaye, il devient addicte.De plus, afin de comprendre Freud, il faut expliquer qu’il s’intéresse à des sujets « oubliés » ; il faut remettre en perspective une problématique de l’époque : personne ne s’intéressait aux femmes et aux enfants. Personne ne pensait étudier la psyché humaine afin de la rendre compréhensible au reste du monde.Théories FreudiennesLorsqu’on lit Freud, on espère que certaines de ses théories ont été rectifiées et améliorées avec le temps et les nouvelles sciences humaines, grâce aux recherches en psychiatrie et en neurosciences.Quand on débutait des études de philosophie au début des années 90, il existait des unités de valeur qui nous faisaient étudier la psychanalyse et la psychopathologie.Ce dont parle Michel Onfray dans son ouvrage n’est pas une nouvelle pour tout ceux qui s’intéressent au paratexte et à la psychanalyse.Ce qui est accessible dans cet ouvrage, ce sont les notes, les recherches et la mise en lumière de ce qui est caché au grand public. Pour le reste, les universitaires le savent très bien. Ce travail a le mérite de rendre en condensé, ce qui est en substance dans tous les cours de philosophie.Ce qui dérange c’est ce qui peut être qualifié d’ « attaque » contre Freud lui-même ou contre la psychanalyse en tant que système. Ce qu’il faut attaquer dans le freudisme c’est le postulat érigé en théorème, en système infaillible. Une sorte d’herméneutique sans failles. Or, elle ne peut se considérer comme telle. Herméneutique certes, infaillible nullement.L’important c’est l’explicationLa psychanalyse en soi ne guérit pas, ce qui améliore la vie du patient c’est l’explication. Car ce qui importe dans une recherche de soi c’est de trouver quelqu’un, ou quelque chose qui apporte une réponse possible.Les questions métaphysiques existaient bien avant Freud. Les questions philosophiques sur l’âme ou le sommeil également. Ce qu’a fait Freud – et nous devons le reconnaître – c’est d’avoir poussé plus loin l’interrogation et l’explication. L’analyse soulage parce qu’elle répond à des questions et le patient est soulagé par une réponse. Ce phénomène se constate en philosophie. Les personnes qui prennent des cours de philosophie ou qui lisent les auteurs, trouvent également des réponses.Si on regarde l’histoire des philosophes, on trouve aussi des personnages bizarres, étranges, hantés par des démons, des êtres pas toujours très moraux. Et alors ? Cela remet-il en cause les questions, les réponses qu’ils apportaient : non. Cela ébranle t-il la philosophie toute entière : non.Cela leur donne une dimension humaine, complexe. Cela les remet dans leur histoire, dans un contexte. Cela les fait descendre de leur piédestal. Ils sont enfin à notre portée.C’est sans doute ce qu’a voulu faire Michel Onfray : comme les religions, la psychanalyse est un postulat, elle doit s’humaniser et ne doit pas demander au monde d’adhérer à toutes les interprétations. Elle doit s’attaquer au « tout psy » et devrait sans doute entamer une analyse sur ses propres réactions.Partir de ce constat ne veut pas forcément dire que la psychanalyse se trompe, mais qu’elle doit améliorer sa recherche et ne pas se confondre en corporatisme sourd aux critiques.S’il fallait conclureOn mesure souvent l’ampleur de ce corporatisme à l’onde de choc que cela produit, à la « violence » des discours qui entourent la critique.Cet ouvrage aura eu le mérite de soulever le problème de cette pratique de l’étude du « comportement humain ». Même cette dernière expression à l’air d’être aussi une insulte pour les analystes, allez comprendre…Ce qui est important c’est la pluridisciplinarité… c’est pas gagné !