Le testament musical de Jacques Brel

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Par Alexandre Roussel – BSCNEWS.FR / Une question se pose d’entrée : savait-il qu’il enregistrait son dernier album ? son testament musical ? Car c’est un Brel malade qui arrive en studio à Paris durant l’été 1977 et pourtant rien ne transparaît. Ici point d’aigreurs, de regrets ou de repentances. La marque des hommes au cuir solide et à la vie bien remplie. Brel n’a pas cinquante ans qu’il en a remplie au moins dix. De l’usine de cartonnerie du père aux projecteurs de l’Olympia, des brouillards bruxellois aux alizés tahitiens, du truculent comédien au caboteur des mers du Sud, l’homme est plein de médailles personnelles qu’il est allé chercher au fond de ses tripes. Mais il n’est pas le genre à tergiverser ou se targuer d’un quelconque parcours. Seul le présent compte, nourrit et apaise, surtout quand la dernière peur est proche. Brel est nomade d’esprit mais sédentaire de cœur comme le prouve tous ces merveilleux titres au cours desquels il reste fidèle à tous ses grands thèmes (j’y insère les cinq chansons inachevées de son vivant et que l’on peut retrouver sur la compilation Infiniment sortie en 2003): l’amour avec un petit a (Knokke-le-Zoute Tango), celui avec un grand a (Orly), l’amitié (Voir un ami pleurer, Jojo), la solitude (La ville s’endormait, Avec élégance) la mort (Vieillir), l’exil (La cathédrale, Les Marquises). Le grand Jacques continue également de régler ses comptes avec sa belgitude (Les F., Mai 40) et de louer son ciel païen (Le bon dieu). Au niveau des textes, Brel fait ressortir des mots toute leur noblesse et leur sens. Toutes ces fresques sont, comme toujours, servies par une sublime orchestration. Elle se fait fauviste lorsque la voix du maître est possédée, narquoise quand il flingue, aérienne quand il contemple. De par son contexte, sa sincérité et sa générosité, Jacques Brel tenait là son chef d’œuvre pour notre plus grand bonheur.
L’homme était physiquement en sursis mais son talent, lui, allait prendre perpétuité.
Lien : www.jacquesbrel.be
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